Déclaration de S.E.M. Ezéchiel NIBIGIRA, Ministre des Affaires étrangères de la République du Burundi à la 73ème session ordinaire de l’assemblée générale de l’ONU, New York, le 29 septembre 2018

Madame Maria Fernanda Espinosa Garcés, Présidente de la 73ème session de l’Assemblée Générale de l’ONU,
Excellences Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Majestés,
Monsieur le Secrétaire Général de l’ONU,
Mesdames, Messieurs, cher collègues, Tout protocole observé
Avant toute chose, permettez-moi de rendre grâce à Dieu Tout -Puissant, qui nous a permis de nous retrouver dans cette magnifique ville de New York qui accueille la 73eme session ordinaire de l’Assemblée générale de notre organisation.

Madame la Présidente, permettez-moi également de vous présenter les salutations les plus sincères de Son Excellence M. Pierre NKURUNZIZA, Président de la République du Burundi, qui n’a pas pu effectuer le déplacement de New York, et qui m’a honoré de le représenter.

Ma délégation voudrait joindre sa voix à celle de tous ceux qui l’ont précédée à cette tribune pour vous adresser, Madame la Présidente, ses vives et chaleureuses félicitations pour votre brillante élection à la présidence de cette 73ème session de l’Assemblée Générale de l’ONU. Quatrième femme sur 73 présidents de l’Assemblée générale à occuper ce poste, nous n’avons aucun doute que vous saurez mettre votre touche féminine à contribution pour faire de cette session un succès retentissant. Vous pouvez tout naturellement compter sur le plein appui et l’entière coopération du Burundi tout au long de votre mandat.

Ma délégation profite en outre de cette occasion qui lui est offerte pour rendre un hommage mérité à votre prédécesseur, Monsieur Miroslav Lajcak, pour avoir dirigé avec brio les travaux de la 72ème session et atteint les résultats qui sont les Nôtres.

Notre grande appréciation va également à l’endroit de Monsieur Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU pour les actions louables déjà réalisées en si peu de temps depuis son arrivée à la tête de notre Organisation.

Madame la Présidente, ma délégation regrette profondément le décès de Kofi Annan, ancien Secrétaire Général des Nations Unies. Sa mort est pour tous les africains et toute la famille des Nations Unies une perte irrémédiablement irréparable. Nous lui rendons un hommage marqué, pour son travail inlassable et son dévouement à la cause de la paix et du développement du monde.

Madame la Présidente, ma délégation salue le choix du thème central de la présente session intitulé « Faire de l’Onu une Organisation pour tous : une force mondiale fondée sur des responsabilités partagées, au service de sociétés pacifiques, équitables et durables » Il s’agit d’un thème qui arrive à point nommé et à une période où la fragmentation et la polarisation du monde menacent le multilatéralisme que nous voulons basé sur le respect de la règle de droit et le partage des responsabilités dans la gestion des enjeux globaux.

Madame la Présidente, au cours de la partie substantielle de mon intervention, je vais m’appesantir sur la situation générale dans mon pays le Burundi avant d’aborder les défis mondiaux de l’heure dont les solutions nécessitent les réponses concertées.

Au niveau politique, le Burundi a organisé le 17 mai 2018 cette année dans le calme et la sérénité le référendum constitutionnel. Ce dernier a été précédé par de très larges consultations populaires qui ont permis à toute la population dans sa riche diversité politique, ethnique, régionale et de genre de s’exprimer en toute transparence sur le contenu de la nouvelle loi fondamentale. Vous souviendrez que lors de la promulgation de la nouvelle constitution le 7 juin 2018, le Président de la République a porté à la connaissance des Burundais et de la communauté internationale que son 2ème mandat prendra fin en 2020 et qu’il s’apprête à soutenir le nouveau président qui sera élu en 2020. Contrairement aux discours de certains qui lui avaient prêté des intentions de vouloir façonner la nouvelle constitution pour lui-même afin de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034, ce geste de haute valeur politique et démocratique du Président de la République est un exemple à saluer.

Toujours sur le chapitre politique, il ne serait pas superflu de souligner que l’esprit de tolérance, l’assainissement et l’ouverture de l’espace politique se renforce de plus en plus au Burundi. En témoignent le retour et l’intégration de plusieurs milliers de réfugiés ainsi que les leaders politiques qui avaient fui le pays. Ces politiciens de retour au pays jouissent de leurs droits civiques et politiques sans aucune entrave. La libération de plus de 2000 prisonniers au début de l’année rentre également dans le cadre de cette dynamique de réconciliation, de cohésion sociale et de tolérance politique en cours dans le pays.

S’agissant du dialogue inter burundais, ma délégation tient à rappeler que le dialogue comme moyen de trouver des solutions pacifiques aux différends politiques est devenu une culture dans notre pays. Ceux qui nous demandent de promouvoir le dialogue enfoncent une porte déjà ouverte. Au-delà des efforts très louables de la Communauté Est Africaine, le Burundi dispose d’un Forum permanent des partis politiques qui est une excellente plateforme de dialogue entre les partis politiques agréés au Burundi. C’est dans ce cadre que tous les partis politiques se sont réunis au Nord du Burundi le 3 août 2018 pour échanger à bâtons rompus sur les enjeux importants des élections de 2020. Cette rencontre s’est soldée par l’adoption par plus de 20 partis politiques d’une feuille de route en vue des élections libres, inclusives et paisibles en 2020. La commission Électorale Nationale Indépendante conforme à la nouvelle constitution vient d’être mise en place également dans le respect de l’inclusivité politique, ethnique, régionale et de genre.

Pour sa part, la dynamique régionale se poursuit normalement. Les contacts au plus haut niveau se sont poursuivis depuis le début de l’année. Tout près de nous, au début de ce mois, l’ancien président de Tanzanie et Facilitateur du Dialogue inter-burundais, S.E.M Benjamin William Mkapa a dépêché son équipe au Burundi pour des consultations constructives avec toutes les parties prenantes dans le pays en vue de l’organisation du cinquième et dernier round du dialogue inter-burundais et tout cela en perspective des élections libres, transparentes et apaisées en 2020.

Sur le plan sécuritaire, la situation au Burundi est calme, stable et entièrement sous contrôle à l’exception de quelques cas de criminalité de droit commun. Outre les organisations sous régionales, ce constat positif est partagé par l’Envoyé spécial du Secrétaire général et par le Conseil de Sécurité à travers le briefing du 9 août et la déclaration de presse du 22 août, respectivement. Ce retour à la normalité dans le pays a permis entre autres l’organisation du référendum constitutionnel sans aucun incident majeur, le retour massif des réfugiés et leaders politiques, l’accueil de plusieurs conférences au niveau régional et continental, ainsi que l’accueil des hautes personnalités étrangères en visite au Burundi.

Pour ce qui est du retour des réfugiés, il me plait de vous informer que depuis 2016 à cette date, plus de 206.000 réfugiés sont retournés volontairement au Burundi. Ceux-ci incluent 100.000 qui ont décidé de rentrer en 2016, 168.000 qui ont regagné leurs familles de janvier à août 2017 ainsi que 38.254 réfugiés qui ont regagné le pays depuis la tripartite d’août 2017 (Burundi, Tanzanie, HCR). Ce mouvement de retour volontaire de réfugiés se poursuit à un rythme satisfaisant. Toutefois, ma délégation voudrait réitérer sa demande au HCR et aux amis de la région d’intervenir auprès de certains pays d’accueil qui tiennent en otage nos compatriotes en exile en érigeant des obstacles artificiels à leur retour volontaire au pays et de veiller à ce que les camps de réfugiés gardent leur caractère civil conformément à la convention de 1951 relative aux réfugies et à la résolution 2389 du 8 décembre 2017 du Conseil de sécurité sur la région des Grands Lacs.

Dans le même ordre d’idées, le Burundi réitère son appel pressant à tous les pays qui hébergent, nourrissent et entretiennent les putschistes du 13 mai 2015 encore en cavale de les extrader au Burundi afin qu’ils répondent de leurs actes devant la justice. Cette extradition tant attendue serait une attribution majeure au renforcement des principes démocratiques prônés par la charte des Nations Unies et un rejet manifeste de toute tentative de l’accession au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels et violents.

En ce qui concerne la question des droits de l’homme, le Burundi réitère sa disponibilité et sa coopération avec d’autres nations et les Nations Unies pour promouvoir la protection des droits de l’homme au Burundi et ailleurs dans le monde suivant les règles de jeu établies par la Charte des Nations Unies. Cette noble mission ne sera possible qu’à travers une coopération mutuellement respectueuse, un dialogue franc et sincère entre les Etats membres ainsi que le recours aux mécanismes acceptés par tous comme l’Examen Périodique Universel. La tendance dangereuse de certains Etats de vouloir transformer le Conseil des Droits de l’homme en outil de pressions politiques et de régulation de la géopolitique dans les pays du Sud risque de compromettre les objectifs que s’étaient fixés les Etats membres lors de la création de ce conseil en 2006. La dérive vers la politisation à outrance des droits humains, la politique de sélectivité et du double standard sont contraires aux principes de l’universalité et de l’indivisibilité des droits humains. Le retrait de certains pays du Conseil des droits de l’homme ne devrait pas être interprété comme acte négatif. C’est plutôt un clin d’œil et un désaveu du dysfonctionnement et du contrôle quasi exclusif de cet organe par une minorité d’Etats Membres. Pour sa part, le Gouvernement du Burundi reste plus que jamais déterminé à promouvoir les droits de l’homme dans le respect de la Charte des Nations Unies et de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale du 15 mars 2006 portant création du Conseil des droits de l’homme. Le dialogue, la coopération basée sur le respect mutuel constituent la pierre angulaire du Gouvernement du Burundi dans le processus de promotion des droits humains.

S’agissant de la coopération avec les Nations Unies, le Burundi est fier de participer activement et brillamment aux missions de paix des Nations Unies et de l’Union Africaine. Plus de six mille hommes et femmes Burundais sont déployés dans les différentes opérations de maintien de la paix principalement en Centrafrique et en Somalie. L’excellent travail de nos braves soldats en mission de paix qui ont choisi volontairement de sacrifier leurs vies en sauvant celles des autres loin de leur terre natale et dans des conditions particulièrement difficiles, doit être apprécié et reconnu à sa juste valeur. Pour manifester son intérêt de plus en plus grandissant au maintien de la paix, le Burundi est fier de s’être associé aux autres nations pour renouveler l’engagement international et l’Action pour le maintien de la paix le 25 septembre.

Pour ce qui est de la présence du Burundi sur l’agenda du Conseil de Sécurité, ma délégation voudrait réitérer son appel vibrant au Conseil de sécurité afin que celui-ci ait le courage de retirer le Burundi de son agenda. Il sied de noter que la situation politico-sécuritaire actuelle dans le pays est calme, stable et entièrement maîtrisée. Elle est loin de constituer une menace à la paix et la sécurité internationale, domaine de compétence du Conseil de Sécurité. Le temps précieux que le conseil alloue au Burundi devrait être consacré aux autres zones de tensions et de conflits qui sont légion en ce moment. La place que le Burundi mérite aujourd’hui ne se trouve pas dans la salle ovale du Conseil de Sécurité. Elle devrait être au niveau des agences des Nations Unies en charge du développement socio-économique pour booster son relèvement économique.

Madame la Présidente, la mise en œuvre des Objectifs du Développement Durable (ODD) demeure une priorité pour le Burundi. Le Gouvernement du Burundi vient de se doter d’un Plan décennal intitulé « Plan National de développement du Burundi « PND Burundi 2018-2027 ». Ce Plan vise à rétablir les équilibres structurels de l’économie burundaise à travers : (i) le renforcement de l’autosuffisance alimentaire et la diversification des exportations à travers la promotion des entreprises agro-industrielles, commerciales et extractives, (ii) le développement du secteur de l’énergie et du secteur de l’artisanat, (iii) la construction et l’entretien des infrastructures d’appui à la croissance, (iv) l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base notamment l’éducation, la santé et la protection sociale, (v) la poursuite des programmes de protection de l’environnement et de l’aménagement du territoire, (vi) l’amélioration de la gouvernance financière et la décentralisation, (vii) le développement du partenariat régional et international. Le Gouvernement du Burundi lance donc un appel à tous les partenaires bilatéraux et multilatéraux de s’en référer dans leurs projets d’appui au peuple burundais et l’accompagner dans sa mise en œuvre.

En ce qui concerne les sanctions économiques unilatérales que les partenaires de l’Union Européenne ont prises contre le Burundi dans la foulée de la fièvre électorale de 2015, ma délégation voudrait informer la communauté internationale que le contexte dans lequel lesdites sanctions ont été prises a fondamentalement changé. Ma délégation rappelle aussi que suite au retour incontesté de la paix et de la sécurité dans le pays, le Sommet de Chefs d’Etat de l’Union Africaine qui s’est tenu début juillet en Mauritanie a adopté une résolution demandant à l’Union Européenne de lever les sanctions injustes et immorales qui pèsent sur le Burundi. Au terme de sa réunion tenue à New York le 25 septembre 2018, le Conseil de paix et sécurité de l’Union Africaine a émis un communiqué réitérant l’appel du dernier Sommet des Chef d’Etat de l’Union Africaine à la levée des sanctions à saveur politique, afin de créer des conditions de redressement socio-économique dans le pays. A la même occasion, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine s’est félicité du retour de la paix et de la stabilité au Burundi.

Madame la Présidente, sur le chapitre des enjeux globaux, le Burundi estime que les questions des migrations doivent être résolues de façon constructive et concertée entre tous les Etats membres. Le Burundi appuie pleinement le processus en cours, au sein de notre organisation commune visant I ‘adoption, en décembre 2018 à Marrakech au Maroc, d’un pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées.

Madame la Présidente, vous êtes sans ignorer que le changement climatique représente une menace existentielle au développement économique, social et durable de l’Afrique et d’ailleurs. Sans action immédiate et coordonnée, il sera beaucoup plus difficile et coûteux de s’adapter aux conséquences futures de ces changements. II est plus qu’urgent que chaque pays membre de cette organisation respecte ses engagements librement consentis dans le cadre de I ‘Accord de Paris sur le climat. Dans la même dynamique, les pays développés doivent honorer leurs engagements en matière de financement de I ‘adaptation des économies des pays du sud aux effets du réchauffement climatique.

Quant aux objectifs de développement durable, ils sont un appel à l’action de tous les pays pauvres, riches et à revenu intermédiaire afin de promouvoir la prospérité tout en protégeant la planète. Afin d’atteindre les 17 objectifs dont nous nous sommes fixés en 2015, il faut réunir deux ingrédients : la volonté politique de tous les leaders à la tête des Etats membres ainsi que la disponibilité d’un financement adéquat et prévisible. Une attention particulière doit être accordée au soutien des efforts des pays les plus vulnérables comme les pays les moins avancés, les pays sans littoral, les petits Etats insulaires en développement ainsi que les pays en situation de post-conflit.

Madame la Présidente, la quête de la paix et de la stabilité nous concerne tous. Nous saluons à cet égard les progrès récents réalisés dans la recherche des solutions pérennes africaines aux problèmes africains. Nous nous félicitons des nouveaux développements positifs en faveur de la paix intervenus au Soudan du Sud ainsi que le vent de changements salutaires de la politique de la Corne de l’Afrique. Nous nous réjouissons du fait que ces nouvelles initiatives en faveur de la paix coïncident avec la décennie Nelson Mandela 2019-2028 dédiée à la paix que nous avons adoptée dans la Déclaration politique du 24 septembre dans cette même salle.

L’absence de solution au conflit israélo-palestinien et le statu quo actuel favorisent l’insécurité et la déstabilisation du proche et du Moyen Orient. La Communauté internationale doit se mobiliser pour trouver un règlement global de ce conflit, vieux de plus de 50 ans. Le Burundi soutient la vision d’une région où deux États, Israël et la Palestine, qui vivraient côte à côte, à l’intérieur des frontières sûres et reconnues, dans la paix et le respect mutuel conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. C’est la seule solution viable et sans alternative.

Pour ce qui est de la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations, le Burundi restera engagé au côté d’autres nations pour mener le combat partagé de bâtir un monde exempt d’actes de terrorisme. Toutefois, Nous restons convaincus, qu’au-delà de l’action militaire nécessaire, la lutte efficace contre le terrorisme suppose une lutte contre la radicalisation qui a pour terreau, l’ignorance, la pauvreté, le chômage des jeunes, l’analphabétisme, l’injustice et l’humiliation, l’exclusion qui fournissent au terrorisme les proies idéales et lui procurent ce dont il a besoin, pour se concrétiser et s’étendre devant nos yeux.

Pour terminer Madame la Présidente, ma délégation voudrait du haut de cette tribune, rappeler que les réalités et les exigences du monde actuel nous commandent d’adapter la gouvernance mondiale aux nouveaux défis de notre monde en perpétuelles mutations. Ceci nous amène à souligner que la revitalisation de l‘Assemblée générale et la réforme tant attendue du Conseil de sécurité deviennent de plus en plus des dossiers pressants, si nous voulons une Organisation des Nations Unies capable de répondre efficacement aux attentes légitimes de toutes les Nations. A cet égard, le Burundi réaffirme son attachement à la position commune africaine sur la réforme du Conseil de Sécurité telle que contenue dans le Consensus d’Ezulwini. Il est temps de réparer l’injustice historique contre l’Afrique, seul continent qui n’est pas représenté dans la catégorie des membres permanents et sous-représenté dans la catégorie des membres non permanents du Conseil de Sécurité.

Je vous remercie de votre aimable attention