A moins de six mois des élections de 2015, l’opposition et la société civile crient à l’exclusion. Cependant, la Ceni affirme que tous les partenaires sont impliqués.
Prosper Ntahorwamiye : « Nous allons assumer la responsabilité de nos actions. »
La nomination des membres des Commissions électorales provinciales indépendantes (Cepi) a provoqué un tollé de contestation. La Ceni est accusée de favoriser le Cndd-Fdd et ses partis satellites. Ainsi, le parti MSD s’est retiré de ces commissions. Les partis de l’Adc-Ikibiri se disent exclus. « Dans les Ceci, le parti Sahwanya-Frodebu n’a que 7 %. Et si on entre en profondeur, le Cndd-Fdd s’est taillé la part du lion », dénonce Frédéric
Bamvuginyumvira, vice-président du parti Sahwanya Frodebu. Théoriquement, il fait remarquer que le Cndd-Fdd n’a pas une grande représentation. « Mais si on vérifie nom par nom, on constate que la plupart proviennent du parti présidentiel. » D’où le pessimisme du parti Sahwanya Frodebu sur l’aboutissement du processus. Selon lui, les préparatifs de 2015 montrent qu’il y a risque d’assister à un autre boycott des élections comme ce fut le cas en 2010 après les communales. Pour ne pas tomber dans ce piège, la Ceni doit prendre en compte les réclamations des uns et des autres. « Si les partis politiques et la société civile dénoncent des irrégularités et que cette dernière continue de faire la sourde oreille, ça ne présage rien de positif ».
De son côté, la Ceni trouve ces allégations mensongères, gratuites et exagérées. Prosper Ntahorwamiye, son porte-parole, parle d’un langage politique avec des buts inavoués. Chiffres à l’appui, il montre que les Cepi sont inclusives : « Au niveau national, les membres des Cepi sont au nombre de 163. Les places des partis présents dans les institutions sont réparties comme suit : 17 membres pour le Cndd-Fdd et Frodebu Nyakuri Iragi rya Ndadaye ainsi que 16 Upronistes parce que ce parti n’a pas donné de représentant pour la province Kirundo ». D’après lui, la grande part revient à l’opposition avec sept membres pour le Sahwanya Frodebu, six pour l’Upd-Zigamibanga, cinq pour le MSD, deux pour le Cndd et un pour le Parena. Les autres places reviennent à la société civile, aux religieux, etc.
Il affirme que la Ceni 2015 est la première à être inclusive comparativement à celles de 2005 et 2010 : « C’est la première fois que la société civile a 29 représentants et 23 privés. Et les confessions religieuses sont représentées comme suit : 12 catholiques, deux anglicans, un du Conseil national des Eglises du Burundi, un de l’Eglise méthodiste, un de l’Union des Eglises baptistes du Burundi et un autre de la Comibu ».
Par ailleurs, avant la mise en place de ces différentes commissions, des rencontres ont eu lieu entre les partis politiques, la société civile, les religieux, etc.
Reconnaissant quelques erreurs dans le choix des membres des différentes commissions, M.Ntahorwamiye estime que les Burundais devraient se réjouir d’avoir des commissions inclusives : « Ce qui compte le plus, c’est que ces dernières soient à la hauteur de leur mission ». Et de conclure : « La Ceni est composée d’hommes responsables, nous allons assumer la responsabilité de nos actions ».
Le dialogue s’il vous plaît !
Père Désiré Yamuremye.
« La Ceni doit mettre en avant le dialogue avec les parties prenantes dans la compétition», analyse Père Désiré Yamuremye, politologue. En vue d’un processus inclusif, il conseille à la Ceni de multiplier les sorties médiatiques : « Dans d’autres pays, à l’approche des élections, des sorties médiatiques sont multipliées afin d’éclairer l’opinion ». C’est l’exemple du Kenya : « En vue d’assainir le climat politique postélectoral, la Ceni ne pouvait pas passer une semaine sans animer une conférence de presse ». Pour le cas du Burundi, elle doit s’apprêter à rappeler à l’ordre quiconque serait en train de s’écarter du processus. D’autant que la société burundaise donne une grande importance aux rumeurs. Aux Burundais, Père Désiré Yamuremye leur demande de ne pas avoir peur des divergences sur la composition des Cepi & Ceci
Le Cndd-Fdd se dit optimiste
Alors que d’autres partis politiques dénoncent des irrégularités dans la mise en place des Cepi et Ceci, le parti présidentiel reste confiant. Aimé Nkurunziza, député du Cndd-Fdd, met l’accent sur les bonnes réalisations de la Ceni : « Quand quelqu’un est choisi comme membre des Cepi & Ceci, il cesse toutes relations avec sa provenance politique. Ainsi, il ne sert à rien de polémiquer sur les chiffres, il faut juger les gens sur leurs actes ». Par ailleurs, ils ne sont pas les seuls à surveiller les élections : des observateurs, des mandataires, des journalistes… suivront le déroulement du processus.
Concernant un probable boycott des élections par certains partis politiques, ce député pense que « quand il y a une coupe, il doit y avoir obligatoirement des équipes en compétition. »
>>> Verbatim :
Père Désiré Yamuremye, politologue :
« Quand tu as une équipe bien formée, tu peux gagner malgré la mauvaise volonté de l’arbitre. »
« Boycotter les élections serait une erreur grave. On doit savoir que la politique de la chaise vide n’est pas bénéfique. »
« Les élections c’est un des aspects de la démocratie. (…). Il ne faut pas attendre tout de la communauté Internationale. Il faut apprendre à organiser nos affaires comme des patriotes pour renforcer la démocratie, base du développement durable. »