Nominations de généraux compliquant la collaboration avec les Casques bleus, grogne dans les rangs de l’armée au Nord-Kivu : l’offensive annoncée contre les rebelles hutu rwandais dans l’est de la République démocratique du Congo ne part pas sous les meilleurs auspices.
Après plusieurs semaines de pressions étrangères, l’armée congolaise a annoncé le 29 janvier le lancement d’une opération contre ces miliciens des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont plusieurs chefs sont recherchés par la justice internationale pour leur participation présumée au génocide de 1994 contre les Tutsi dans leur pays.
Cependant, alors qu’un plan d’opérations conjoint avait été préparé par la Mission de l’ONU au Congo (Monusco) et les Forces armées de la RDC (FARDC), le président Joseph Kabila a refusé de valider ce projet et a donné l’ordre à l’armée d’attaquer elle-même selon son propre plan.
Faisant part de leur scepticisme sur l’opération, plusieurs observateurs militaires étrangers notent une absence de préparation de l’armée et, à l’état-major « Sokola 2 », chargé de la traque contre les FDLR, une source reconnaît que les directives d’attaque ne sont pas encore arrêtées.
L’offensive n’a « pas encore commencé », a déclaré mercredi Martin Kobler, le chef de la Monusco, répétant que celle-ci fournirait un soutien multiforme aux FARDC : partage de renseignement, aide à la planification, soutien logistique (fourniture de rations, approvisionnement en carburant, évacuation des blessés), et soutien opérationnel avec des hélicoptères d’attaque, par exemple.
Un responsable onusien à Kinshasa note cependant que cet appui, indispensable selon lui pour espérer une réussite de l’offensive, n’ira pas de soi et dépendra de la tournure que prendront les opérations : « on ne va pas cautionner n’importe quoi », dit-il.
Les FDLR ne compteraient plus aujourd’hui que 1.500 à 2.000 combattants disséminés essentiellement dans les montagnes boisées du Nord et du Sud-Kivu, deux provinces frontalières du Rwanda déchirées par des conflits armés depuis plus de vingt ans. Kigali les considère néanmoins toujours comme « la menace la plus grave » pour la paix régionale.
Généraux indésirables –
Kinshasa suspecte son voisin de ne pas souhaiter voir disparaître cette menace, prétexte à des interventions en territoire congolais. En retour, les autorités congolaises sont soupçonnées de rechigner à désarmer complètement des combattants qui ont pu parfois prêter main forte aux FARDC pour lutter contre des rébellions soutenues par le Rwanda.
Cette suspicion a été renforcée par la nomination fin janvier du général de brigade Sikabwe Fall à la tête de la région militaire du Nord-Kivu, et du général de brigade Bruno Mandevu comme chef de l’opération « Sokola 2 ».
Les deux hommes figurent sur une liste, établie par la Monusco, d’officiers indésirables pour leur responsabilité ou leur complicité présumées dans de graves violations des droits de l’homme.
Selon une source onusienne, la Monusco avait déjà attiré l’attention des autorités sur ces deux généraux. Celles-ci « ne pouvaient pas ne pas savoir ce qu’elles faisaient en les nommant », estime un diplomate, s’interrogeant sur le moment choisi pour ces nominations alors que les deux officiers qu’ils remplacent avaient pris leurs fonctions il y a quelques mois et que le courant passait bien avec la Monusco.
En vertu des règles de la Monusco, aucune collaboration à haut-niveau n’est possible avec les deux nouveaux venus. Lundi, la prise d’armes du général Sikabwe Fall à Goma, capitale du Nord-Kivu, s’est faite en l’absence de tout représentant onusien.
« La France encourage les autorités de [Kinshasa] à poursuivre leur travail de coordination avec la Monusco », a indiqué lundi le Quai d’Orsay.
Pour un diplomate occidental, l’annonce de l’opération contre les FDLR pourrait n’être qu’un « effet de manche ». D’autant qu’une certaine grogne gagne l’armée au Nord-Kivu. Un commandant d’une unité d’élite y confiait récemment à l’AFP que le budget qui lui était alloué pour nourrir ses hommes avait baissé de moitié depuis plusieurs mois et qu’il se voyait mal, dans ces conditions, accepter de partir en opération contre les FDLR.
Sept militaires d’un bataillon commando sont actuellement jugés en urgence après avoir tiré des coups de feu fin janvier en signe de protestation pour n’avoir toujours pas reçu leur solde pour décembre et pour janvier. A l’état-major régional, on reconnaît que cette unité est loin d’être la seule touchée par des retards de solde.