Hold-up sur la représentation de la Diaspora burundaise

Demain s’ouvre en Belgique, à Thon Hôtel EU de Bruxelles, des consultations entre un « Echantillon de la Diaspora Burundaise en Europe » et la Direction de la Diaspora au sein du Ministère burundais des Relations extérieures et de la Coopération internationale, avec l’appui de MIgration EU eXpertise (MIEUX), une initiative conjointe de l’Union européenne (UE) et d’International Centre for Migration Policy Development (ICMPD).

La préparation de ces consultations s’est faite dans la plus grande discrétion, à l’insu des principaux concernés, à savoir les Burundais vivant en Europe. On est dès lors en droit de se poser des questions sur les motivations réelles des organisateurs, le cahier de charge et la représentativité des participants et leur légitimité, car l’opacité qui entoure ces assises fait craindre une nouvelle tentative de manipulation politicienne au nom de la Diaspora burundaise.

« L’objectif principal de cette activité est de donner l’opportunité aux organisations de la diaspora de participer au processus de réflexion sur le cadre politique et faire part de leurs avis quant à son contenu, ce qui est primordial afin d’en assurer la durabilité et la transparence. », peut-on lire dans la note de présentation, que ARIB.INFO a pu se procurer. Mais malheureusement la réalité est toute autre, les organisateurs de ces consultations faisant preuve d’une volonté manifeste d’exclusion, sans précédent, de la quasi-totalité des Burundais vivant en Europe.

En effet, le manque de transparence et le flou entretenu autour du choix des quelques organisations sur les dizaines, voire centaines, qui œuvrent au sein de la Diaspora burundaise dans son ensemble, accrédite la thèse d’une opération orchestrée à partir de Bujumbura, et dont on ignore encore les tenants et aboutissants, avec la complicité de deux ou trois associations prétendument présentées comme étant les « Représentants de la diaspora burundaise en Europe ».

Selon nos informations, c’est la Direction de la Diaspora au sein du Ministère burundais des Relations extérieures et de la Coopération internationale qui a elle-même choisi les quelques participants à cette consultation – une dizaine de personnes issues de seulement cinq associations au total venant de Belgique, France, Luxembourg et Pays-Bas – et dont l’ambition affichée est de représenter TOUTE la diaspora burundaise d’Europe, sans que personne ne les ait jamais mandatées pour cela.

C’est donc avec quelques individus et organisations isolés que Bujumbura entend débattre et définir la « Politique nationale de la Diaspora de la République du Burundi », dont le Document draft, encore « confidentiel », sera présenté par la Direction de la diaspora au cours de ces consultations, et intégrera par la suite les résultats des discussions menés pendant ces deux jours à Bruxelles.

En optant pour une politique de l’exclusion, les organisateurs de ces rencontres risquent de se mettre à dos la plupart des Burundais éparpillées à travers l’Europe. L’efficacité de cette activité est d’ores et déjà remise en cause et la volonté d’une main mise sur la représentation de la Diaspora, par quelques individus, va sans nulle doute provoquer le rejet des conclusions qui seront issues de ces consultations.

Cette opération vient surtout contredire le Ministre Laurent Kavakure qui, lors d’un passage à Bruxelles en 2013, avait publiquement assuré aux Burundais de Belgique qu’à ses yeux toutes les associations sont d’égale importance et qu’aucune ne pourrait prétendre annihiler les autres. Il avait ainsi réussi à couper court aux prétentions affichées par deux associations – DBB et AIDBU, pour ne pas les nommer – de s’imposer comme seul représentant de la Diaspora. Ils semblerait que les deux associations « rivales » aient trouvé un terrain d’entente et marchent dorénavant « main dans la main », comme on l’a bien remarqué l’été dernier à Bujumbura, et qu’on le verra sans doute aussi demain à Bruxelles !

Le ministre Kavakure aurait-il changé d’avis au sujet de la représentativité de la Diaspora ? Il faut bien le croire car il est inimaginable que la Direction de la Diaspora au sein de son ministère puisse organiser à l’étranger des consultations sur la « Politique nationale de la Diaspora de la République du Burundi » sans son approbation, encore moins déplacer toute une délégation en mission en Belgique sans qu’il ait donné son aval. En outre, le silence des chancelleries burundaises au sujet de ces consultations interpelle à plus d’un titre. Les ambassadeurs étaient-ils dans le secret ou ont-ils été court-circuités ?

L’expression d’un ressentiment croissant à l’égard de ce « diktat de Bujumbura » est perceptible au sein de la Diaspora burundaise d’Europe au fur et à mesure que de bribes d’informations au sujet de ces consultations, préparées dans le plus grand secret, lui parviennent. C’est plus particulièrement le cas en Belgique, où l’Ambassadeur Félix Ndayisenga avait jusqu’ici réussi à associer toutes les associations des Burundais de Belgique, sans exclusive, dans toutes les initiatives les concernant.

La mise à l’écart de cette rencontre, de l’ensemble du monde associatif burundais de l’Europe, augure-t-elle d’une nouvelle politique du pouvoir en place au Burundi à l’égard de sa Diaspora ? La question mérite d’être poser. Est-ce la fin du rassemblement jusqu’ici affiché dans les chancellerie burundaises, à Bruxelles ou ailleurs ? L’avenir nous le dira.

Gandhi avait l’habitude de dire : « Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi ». L’échec de beaucoup de projet provient souvent de la manière dont les décisions sont prises. Les participants à ce round de consultations, ses initiateurs et ses financiers ont tort de vouloir penser et décider à la place de l’ensemble de la Diaspora burundaise, sans se référer à son avis. En effet, tenue à l’écart des discutions sur la « Politique nationale de la Diaspora », cette dernière ne se sentira pas partie prenante de son exécution et va se désintéresser d’un projet auquel elle aurait pu donner son adhésion si elle y avait été associée en bonne et due forme.

Pour qu’une population s’intéresse à une activité, il faut nécessairement l’associer intimement à l’identification des besoins et à la détermination des priorités, à la recherche des solutions et à la prise des décisions. Dans le cas d’espèce, les organisateurs de ces consultations de Bruxelles auraient pu, auraient dû, MIEUX faire.

Le tout reste de savoir ce qui sortira des échanges au cours de ces rencontres. En attendant, ne trouvez-vous pas que le citoyen a le droit de savoir à quelle sauce il va être mangé ? Nous si ! C’est pourquoi la Rédaction d’ARIB.INFO a décidé de publier l’intégralité des documents qu’elle a pu se procurer concernant ces consultations des 11 et 12 février à Bruxelles, afin de permettre à l’ensemble de la Diaspora burundaise de connaître ce qui se trame, en SON nom, derrière son dos. [La Rédaction]

Lire les Documents :

– Programme des 11-12 février 2015

– Draft de « Politique nationale de la Diaspora de la République du Burundi »

– Appui à la République du Burundi : Fiche d’Action

– Qu’est-ce que MIEUX

– Note logistique pour les participants invités