Des chiffres de l’UNICEF montrent qu’au Royaume-Uni, 19 % des enfants âgés de moins de 15 ans vivent avec des adultes qui ont du mal à acheter de la nourriture. Les enseignants britanniques rapportent des cas d’enfants affamés ramassant les débris de fruits mangés par leurs camarades dans les poubelles de l’école, et des parents qui fondent en larmes quand on leur fait observer que leurs enfants n’ont rien apporté à l’école pour leur déjeuner.
Certains professeurs décrivent même des enfants présentant tous les syndromes de la malnutrition : une peau grise, une chevelure peu épaisse, et des dents en mauvais état. A 9H30 le matin, ils paraissent déjà épuisés, faute d’avoir pu prendre un bon petit déjeuner.
Une réduction drastique de l’Etat providence britannique
Le Royaume-Uni n’a pas échappé à la croissance des inégalités de revenus qui affecte la plupart des pays développés, et selon l’organisation caritative Child Poverty Action Group, 30 % des enfants britanniques, soit 4,1 millions, vivent dans la pauvreté. 67 % d’entre eux vivent dans un ménage où l’un des adultes travaille. C’est là tout le drame de cette situation : dans l’un des pays les plus riches du monde, avoir un emploi ne permet pas forcément de se nourrir correctement.
En 2012, le pays a débuté la fusion de six aides sociales en une seule, nommée « Universal Credit », sous l’impulsion de son Premier ministre d’alors, David Cameron. Désormais, les bénéficiaires de ces programmes ne reçoivent qu’un seul paiement. En outre, le programme est assorti de sanctions pour les personnes incapables de justifier d’une recherche d’emploi active. Mais cette dernière n’est pas toujours évidente à établir, en particulier pour les mères célibataires qui représentent une grande partie de ses bénéficiaires.
L’objectif de cette mesure était de simplifier la gestion des aides sociales, tout en incitant les gens à travailler. Mais les retards de paiement induits par sa mise en oeuvre, qui n’est pas encore achevée, ainsi que les réductions des aides correspondantes pour certaines familles, ont propulsé celles-ci dans des situations de précarité extrême.
Ces difficultés se cumulent avec les réductions des programmes d’aide sociale décidées dans le cadre de politiques d’austérité menées au Royaume-Uni depuis 2010. Des travaux de l’ONG Human Rights Watch montrent qu’entre 2010 et 2018, l’aide publique aux enfants et aux familles a ainsi été réduite de 44 %. « En outre, le gouvernement a plafonné les prestations familiales, les a limitées à deux enfants par famille de manière arbitraire et discriminatoire et, ces quatre dernières années, a gelé les hausses annuelles des prestations sociales en dépit de la hausse des prix de la nourriture et de l’inflation générale », précise l’association sur son site.
Des repas scolaires gratuits… mais pas pendant les vacances scolaires
Le recours à des banques alimentaires et à des soupes populaires, autrefois une extrémité au Royaume-Uni, s’est banalisé pour de nombreuses familles, et désormais, une personne sur six qui les fréquente a un emploi.
Le gouvernement britannique fournit des repas scolaires gratuits pour tous les enfants lors de leurs trois premières années d’école, soit jusqu’à l’âge de sept ans. Ces repas gratuits sont maintenus après ces 3 premières années pour les enfants indépendamment de leur âge, lorsque leur parent bénéficient d’aides sociales liées au revenu.
Mais pendant l’été, avec la fermeture des écoles, ces repas gratuits ne sont plus fournis. En conséquence, pas moins de 500 000 petits Britanniques risquent de se retrouver en détresse alimentaire, affirment des associations caritatives. Selon un député, des parents se retrouvent réduits à se contenter de céréales pour tout repas, afin de pouvoir nourrir leurs repas pendant les vacances scolaires.
« Une honte, mais aussi un scandale et un désastre économique »
« Le gouvernement n’a aucune idée de ce qui se passe sur le terrain. Ils ne voient pas les gens pleurer parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter un sachet de pâtes », explique Jo Millner, une habitante de la ville de York, qui vit avec son mari et leur garçonnet de 6 ans. Elle affirme qu’après avoir remboursé l’échéance de leur prêt immobilier, il ne reste souvent plus d’argent pour la nourriture. Pour survivre, sa famille ne peut compter que sur sa mère et les banques alimentaires. « Nous nous nourrissons essentiellement de pâtes et de riz », précise cetet Britannique qui est bénévole dans une banque alimentaire de son quartier.
« Le gouvernement veut des gens qui travaillent, mais ensuite, il nous pénalise lorsque l’on a un emploi et alors, on perd les aides sociales. En ce moment, je travaille avec une femme qui vient de passer d’un contrat de 22 heures à un contrat de 30 heures, et qui est en réalité moins bien lotie, car elle ne bénéficie plus des repas scolaires gratuits ».
Cette situation a incité une commission parlementaire à réclamer la création d’un « ministère de la Faim », qui se verrait confier la lutte contre l’insécurité alimentaire croissante.
A la fin de l’année dernière, le rapporteur spécial des Nations Unies, le Professeur Philip Alston avait jugé lors d’une visite dans le pays que la pauvreté infantile au Royaume-Uni était « non seulement une honte, mais aussi un scandale et un désastre économique. »
Par Audrey Duperron