ANALYSE – Quiconque google les mots « croissance économique » obtiendra une liste d’articles peu encourageants. » La croissance économique dans la zone de l’OCDE s’affaiblit » « , l’Allemagne au bord de la récession. A qui le tour ?« , » La croissance économique ralentit en Europe », » L’économie allemande se contracte » ou « La banque centrale britannique s’attend à une croissance économique plus faible en raison du Brexit ».
L’ère de la croissance économique débridée touche à sa fin. Les énormes sommes d’argent injectées dans l’économie par les banques centrales depuis de nombreuses années et les taux d’intérêt bas, souvent négatifs, imposés à cette fin n’ont mené à rien, ou presque. La croissance économique ralentit, l’inflation reste marginale (hormis dans l’immobilier et sur les marchés boursiers).
Pas de croissance économique ? Le problème n’est pas cyclique, mais structurel
Dès 2014, un rapport du FMI indiquait que l’économie mondiale n’était pas confrontée à un problème conjoncturel, mais à un problème structurel, et que le rythme de croissance que nous connaissons depuis les années 90 appartient définitivement au passé. Le rapport évoquait un « ralentissement structurel de la croissance », principalement causé par la Chine. Ce pays est en train de changer progressivement mais sûrement son modèle économique. Il devient de plus en plus autonome grâce à sa forte demande intérieure (1,4 milliard de personnes) et de moins en moins dépendant des pays étrangers. Par exemple, « Finance & Development » a écrit que 60 % des pièces détachées exportées par la Chine en 1993 avaient été importées à l’origine. Aujourd’hui, ce n’est plus que… 35 %. Une révolution, pour ainsi dire, et un changement phénoménal pour la Chine et le monde. Pourtant, la Chine n’est qu’une partie du problème.
Le ralentissement structurel de la croissance a 3 causes
Si les responsables des politiques économiques ont longtemps résisté à l’idée que le monde connaît actuellement un changement fondamental, les esprits semblent mûrir et les gens commencent à accepter la possibilité d’un phénomène durable.
Beaucoup se réfèrent encore à la crise de 2008, dont nous ne serions pas encore tout à fait remis. Ce n’est que partiellement vrai, car, selon le FMI – et une série d’économistes -, nous aurions connu un ralentissement structurel de la croissance même sans cette crise.
- Démographie. Nous avons moins d’enfants, donc il y a moins de demande pour les produits. Nous vieillissons et vivons plus longtemps, ce qui augmente les coûts de nos soins de santé. En outre, les personnes âgées ont davantage tendance à épargner qu’à consommer.
- Le ralentissement de la productivité des économies émergentes et la révolution technologique (IA). Cette dernière est la première révolution technologique de l’histoire mondiale qui détruit des emplois sans en créer de nouveaux – ou très peu.
- Enfin, un changement social peut être observé dans le comportement des millennials et leur mode de consommation. Cette génération traite l’argent de manière différente (écologie, économie du partage, louer au lieu d’acheter, etc.)
Le résultat
L’argent injecté dans l’économie par les banques centrales a donc de moins en moins d’impact sur la croissance économique et l’inflation. En d’autres termes, de plus en plus d’argent est disponible, mais on ne fait rien avec. (C’est pourquoi l’essentiel de cet argent est consacré à l’immobilier et à des actifs, ce qui génère inévitablement des bulles). Notre croissance économique est moins forte, et elle devrait même être stoppée totalement dans un proche avenir.
Les politiciens et les banquiers centraux reconnaissent maintenant le problème
Les politiciens et les banquiers centraux ont nié ce scénario le plus longtemps possible, mais comme mentionné précédemment, les esprits ont mûri et ils ne comprennent que trop bien que nous sommes confrontés à un changement fondamental des lois économiques applicables jusqu’à présent. La seule option qui leur reste est un mécanisme dilatoire, visantà retarder la douleur le plus longtemps possible. « Kicking the can down the road » en jargon politique, une gymnastique dans laquelle les politiciens sont passés maîtres habituellement. Aucun homme politique ni banquier central ne veut entrer dans l’histoire comme l’ »homme ou femme de la grande récession ». (Rien ne fait plus peur à Donald Trump que le hashtag « #Trump Recession« ).
Les analystes financiers pensent qu’il est possible de retarder le « Big Reset » de 1 à 2 ans maximum. Les décideurs utiliseront tous les moyens possibles pour y parvenir. Déjà au cours de l’été, la Banque centrale européenne a annoncé que le plan de relance promis pour septembre serait beaucoup plus important que prévu. Le président sortant, Mario Draghi, ne sera pas seulement entré dans l’histoire comme le président qui n’a jamais relevé les taux d’intérêt, mais aussi et surtout comme un ‘bazooka-man », qui a promis de tout faire pour sauver l’euro et qui a également tenu cette promesse.
Malheureusement, ces masses d’argent (2 600 milliards d’euros) ont eu peu de résultat et la japonisation de l’Europe semble inévitable, si elle n’est pas déjà un fait. Plus de 65 % des obligations d’État émises par les pays de la zone euro sont désormais assorties d’un taux d’intérêt négatif. Et malgré toutes ces mesures, la croissance économique de la zone euro n’a pas dépassé 0,2 % au deuxième trimestre de cette année.
La situation aux États-Unis est différente. La banque centrale y dispose d’une plus grande marge de manoeuvre. Les taux d’intérêt sur les emprunts publics sont toujours positifs et de nouvelles mesures de stimulation monétaire sont également possibles. En d’autres termes, on peut gagner plus de temps de l’autre côté de l’Atlantique.
Le facteur Trump
Donald Trump, qui a fait d’énormes promesses en termes d’économie (il a parlé d’une croissance économique de 5 %, entre autres) et mesure la santé de son économie par rapport aux marchés boursiers, a été un facteur crucial. Pour être réélu, Trump doit réaliser trois choses. Premièrement, l’économie doit continuer à croître d’au moins 2 %. Deuxièmement, le chômage doit rester faible (le fait que les Américains aient créé 501 000 emplois de moins que prévu depuis mars est une très mauvaise nouvelle). De plus, les bourses doivent rester au même niveau. Avec moins que cela, sa réélection pourrait être compromise.
la première chose qu’il doit faire, c’est baisser les taux d’intérêt, ce qu’il souligne quotidiennement en décrivant Jay Powell, le président de la FED, comme un idiot. Avec sa guerre commerciale contre la Chine, Trump pousse de plus en plus la FED à agir. TTrump compte annoncer un nouvel accord avec la Chine après l’été 2020. C’est-à-dire trois mois avant les élections présidentielles. En conséquence, l’économie pourrait de nouveau se démarquer et les marchés boursiers pourraient exploser.
Un raisonnement logique, s’il n’y avait pas une chance réelle que les dégâts causés actuellement par la guerre commerciale soient d’une ampleur telle qu’une escalade ne puisse plus être inversée et que toute la structure s’effondre prématurément. Après quoi le « Big Reset » serait avancé de quelques mois.