Les tueries se poursuivent à l’est de la RDC. En août dernier, Human Rights Watch et le Groupe de recherche sur le Congo de New York, révélaient qu’entre juin 2017 et juin 2019, 1900 civils ont été tués dans les deux Kivu, lors de 3000 incidents violents impliquant 130 groupes armés et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ensemble ou séparément.
Pourtant, un embargo sur les livraisons d’armes aux groupes rebelles de l’est du pays est en vigueur. L’armée congolaise, elle, n’est plus concernée depuis la résolution 1807 du Conseil de sécurité, régulièrement reconduite depuis lors, qui autorise les livraisons au gouvernement mais qui exige leur notification au Comité de sanctions de l’ONU. Mais quantité d’armes sont encore en circulation. La récupération de ces arsenaux est un défi considérable. Après la destruction symbolique de 100 000 armes à feu, à Kinshasa le 21 août 2010, il restait encore 300 000 petites armes aux mains de civils dans l’est du Congo selon le Groupe d’Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP) de Bruxelles.
Une partie des armes aux mains des rebelles a été achetée auprès des FARDC, confie Jean-Jacques Wondo, expert sur des questions sécuritaires en RDC. Selon lui, des réseaux criminels au sein de l’armée alimentent en armes les rebelles ougandais de l’Alliance of Democratic Forces et d’autres groupes. Le processus a commencé en 1998, quand feu Laurent Kabila a fait distribuer aux Maï Maïs, 20 000 kalachnikovs, 500 bazookas et plus de 200 mortiers, raconte-t-il dans un livre intitulé « L’essentiel de la sociologie politique militaire africaine des indépendances à nos jours ».
Jusqu’à présent, le processus s’est poursuivi. En mars 2018, Radio France Internationale a révélé l’étrange coincidence que les balles tirées le 25 février précédent par les forces de l’ordre à Mbandaka, contre des militants opposés au troisième mandat de Joseph Kabila provenaient du même stock que les munitions d’AK 47 également fabriquées par la China North Industries Corporation (Norinco) dont furent équipés les rebelles du M23, des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda et les Mai Mai Nyatura. Selon Jean-Jacques Wondo, un rapport confidentiel de l’Etat-major des FARDC daté de 2016, indique que des kalachnikovs et des munitions produites par Norinco à la manufacture Afridex de Likasi (Haut Lualaba) ont été volées et distribuées aux milices Bakata Katanga.
Quatre ans auparavant, un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU de 2012, révélait qu’un réseau dirigé par le commandant de la 9ème région militaire, le général Jean-Claude Kifwa a fourni des armes aux Mai Mai Morgan en Province orientale dont des lance-grenades et des mitrailleuses. Par ailleurs, Jean-Jacques Wondo accuse l’actuel chef d’Etat-major adjoint, le général Gabriel Amisi, alias “Tango Four”,de soutenir des groupes rebelles. Pour le chercheur congolais, la stratégie des officiers supérieurs des FARDC consiste à maintenir un certain niveau de conflictualité leur permetteat de mettre la main sur les primes des soldats qu’ils gèrent ainsi que sur des budgets opérationnels additionnels et de se livrer à du trafic de carburant.
Un autre cas de figure est la capture de matériel par des rebelles comme ce fut le cas, en octobre 2008, lorsque le Congrès national pour la défense du peuple de Laurent Nkunda s’est emparé de tout l’arsenal du camp de Rumangabo au Nord Kivu. Et puis, il y a les armes qui proviennent des États voisins. Selon James Bevan de l’ONG britannique Conflict Armament Research (CAR), le gouvernement de Khartoum a vendu du matériel aux FARDC mais le M23 en a acquis beaucoup. Outre des munitions russes, des balles pour fusils belges FN ou allemands HK 93, fabriqués par une société d’Athènes, la Pyrkal Greek Powder & Cartridge Company, provenant du Soudan, ont été également retrouvés chez des groupes armés de l’est du pays, selon Amnesty International.
Selon un rapport de l’ONU de 2012, le Rwanda et l’Ouganda ont livré des mitrailleuses 12,7 mm, des munitions pour AK 47, des grenades et des mortiers au M23, tandis que les rebelles du FRPI dans l’Ituri ont obtenu des armes de la part officiers ougandais, en échange d’or. Le “catalogue” des fournitures aux rebelles comprend des fusils d’assault R4 sud-africains qui avaient été livrés aux Forces armes rwandaises, avant le génocide de 1994 ainsi que des pistolets serbes 7.65 mm Zastava Model 70, trouvés en Ituri, transportés auparavant par la société Silverback Cargo, de Belgrade à Kigali. Cette propension à la circulation des armes d’un camp à l’autre, pose la question de la responsabilité des fournitures aux FARDC, indépendamment du fait que ces dernières sont également à l’origine de nombre de violations de droits de l’homme et de trafics.
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Francois François Misser – La Libre Afrique