Il est surprenant de constater que certains intervenants, y compris des soi-disant « chercheurs » ne se posent jamais les questions fondamentales qui permettraient de comprendre la situation actuelle du Burundi et de contribuer efficacement à la réflexion sur les actions qui pourraient à mettre fin à la crise actuelle et qui permettraient au Burundi de se développer durablement. Il serait par exemple adéquat de se demander si les Accords d’Arusha ont été violés pour justifier les insurrections, les vandalismes et les rebellions fictives dont le Burundi est le théâtre en cette période. De même, il serait juste de se demander si la Constitution du Burundi aurait été violée, qui l’aurait violée et les motifs avoués ou cachés de cette violation de la Constitution.
Amalgames sur les Accords d’Arusha
Depuis leur signature, les Accords d’Arusha conclus après d’âpres négociations sous les auspices de la communauté internationale n’ont fait l’objet d’aucune modification jusqu’à ce jour. Ils ont été une grande inspiration pour la Constitution actuelle du Burundi qui elle-même n’a jamais été amendée. Bien que certains estiment que les Accords d’Arusha constituent le socle de la nation burundaise, je voudrais souligner que la nation burundaise existait avant ces accords, qu’il y avait un peuple burundais avec une identité culturelle millénaire qui est toujours le même avec ses trois composantes, qu’il y avait un territoire burundais avec des richesses et des caractéristiques propres qui est toujours le même et qu’il y avait un Etat avec des lois et des institutions quelles qu’en fussent les imperfections.
Le socle de la nation burundaise, selon moi, devrait donc être situé dans l’ensemble de ces éléments qui constituent de manière indissociable les piliers de notre démocratie.
A se dire la vérité, c’est autour de ces différents éléments qui constituent notre patrimoine commun que des conflits éventuels peuvent surgir et se résoudre. Et là nous sommes obligés de nous entendre et de trouver des solutions puisque chacun doit nécessairement y trouver la part qui lui revient de droit. Oui, les Accords d’Arusha ont été bénéfiques pour notre démocratie parce qu’ils nous ont servi de base pour l’amélioration de notre loi fondamentale sur laquelle les autres lois qui régissent notre pays reposent. Dans sa substance dans la Constitution de 2005 est une fidèle relecture et un manuel d’application des Accords d’Arusha enrichie par ailleurs par les autres textes de lois qui existaient ne marquent pas la naissance de l’Etat du Burundi tout comme ils ne devraient pas l’empêcher de progresser. Malgré le caractère important de ces accords sur lequel personne ne revient ou ne discute n’empêche pas qu’en définitive, lorsqu’ils ont été repris fidèlement dans la Constitution de 2005, avec la participation de tous les signataires et d’autres experts de la loi, ils venaient de terminer leur fonction. Puisque ces accords ne sont pas une loi, il n’est pas possible de les violer comme on peut violer les autres lois, ou même la Constitution.
S’il arrive qu’un autre conflit éclate et que des négociations s’imposent pour le résoudre, ce sera de nouveaux accords et pas les Accords d’Arusha du 28 août 2000. Et ces accords resteront intacts tout comme les Accords de Kajaga, de Kigobe, de Novotel, qui étaient aussi en leur temps des accords de paix, existent bel et bien malgré l’existence des accords d’Arusha.
Qui viole donc les Accords d’Arusha ?
Toutes les dispositions des Accords d’Arusha sont fondés sur les valeurs et les principes d’une résolution pacifique des conflits. Les Accords d’Arusha appellent tous les Burundais à s’abstenir de tout acte ou comportement qui consisterait à user de la violence pour résoudre des conflits éventuels entre burundais. Le but ultime de cela est d’assurer la réalisation d’une véritable unité, d’une réconciliation sincère, d’une paix et d’une sécurité durables pour tous. Dans cet ordre d’idées le recours à l’insurrection, aux coups d’Etat est complètement opposé à ces idéaux démocratiques renforcés par le partage équitable du pouvoir selon les règles fixées par la Constitution et les autres lois.
Ceux qui se sont mis dans la rue au mois d’avril 2015 ne l’ont sûrement pas fait pour défendre les Accords d’Arusha ? Il en est de même des putschistes du 13 mai 2015 et du CNARED. Leurs motifs diffèrent de ceux qui sont déclarés. Ils pourraient peut-être résulter d’un questionnement sur l’application de la Constitution qui est on ne peut plus claire sur les procédés de mise en place des institutions démocratiques. Dans ces circonstances, l’arrêt de la Cour Constitutionnelle qui est l’organe habilité pour interpréter la Constriction aurait normalement mis fin à leurs doutes. Il est donc clair et net leurs procédures constituent des violations flagrantes de la Constitution et des Accords d’Arusha dont celle-ci constitue une relecture.
Pourquoi ont-ils choisi de parler des Accords d’Arusha et pas de la Constitution ?
Comme on l’aura remarqué dans les différentes réactions, que ce soit sur le plan national ou international les questions relatives à la Constitution d’un Etat relèvent de sa souveraineté. C’est pourquoi dans l’ensemble ils se sont tous pliés devant la décision de la Cour Constitutionnelle du Burundi et que tout acteur de bonne foi ne parle plus de controverse autour du troisième mandat du Président Pierre Nkurunziza puisque celui-ci a été certifié juste et conforme à la Constitution du Burundi. Ceux qui avaient gardé quelques doutes ont pu être éclairés par la Cour de Justice de l’EAC. C’est sûrement ce qui justifie l’attitude de l’EAC, de l’UA et de l’ONU qui reconnaissent les institutions démocratiques du Burundi même s’elles restent préoccupées, avec raison, par les violences regrettables perpétrées par ceux qui veulent contourner les voies démocratiques pour accéder au pouvoir.
Les insurgés et les putschistes insistent sur les Accords d’Arusha que personne n’a pourtant touchés pour internationaliser leurs actions. Ils savent que la Communauté internationale qui s’est tellement investie dans la négociation de ces accords en y consacrant des moyens exorbitants ne saurait rester indifférente de les voir violer. Cela a failli fonctionner jusqu’au moment où leurs violences ont dépassé les limites de la tolérance pour culminer dans une tentative de renverser les institutions démocratiques du Burundi le 13 mai 2015.
Suite à la condamnation du monde entier, ces fossoyeurs de la démocratie burundaise ont essayé, dans une sorte de fuite en avant, d’adopter un langage acceptable par la communauté internationale: celui de la négociation et d’un gouvernement transitoire d’union nationale qu’ils entendaient contrôler après avoir déposé les institutions démocratiquement élues: un coup d’Etat donc béni par la communauté internationale qui garantirait aux putschistes l’immunité et l’impunité.
Pour les insurgés et les putschistes donc le gouvernement actuel n’est pas un gouvernement d’union nationale tant qu’il a été établi dans le respect des lois et qu’il entend faire respecter les lois. Après avoir essayé toutes les manœuvres possibles et imaginables pour le renverser ils en sont aujourd’hui à une solution de désespoir, comme pour le « moi ou rien »: le terrorisme. Une controverse pathétique.
Malheureusement, le propre du terrorisme est d’éveiller l’attention de tout le monde sans pouvoir contribuer à la recherche de solutions, ne fussent-elles que de court terme.
La controverse terroriste
Le terrorisme est par nature un aveu de faiblesse et une barbarie condamnée et réprimée partout dans le monde. Il est donc normal que même au Burundi il soit traité comme il est traité ailleurs dans le monde. Puisqu’il couvre de honte ceux qui l’exécutent, ils n’osent pas par conséquent en revendiquer la perpétration. Ainsi donc, au Burundi, après avoir tout tenté, les insurgés recourent au terrorisme pour forcer le gouvernement à négocier avec eux, mais ils n’osent pas l’assumer. C’est pour cela que le « dialogue inclusif » tel que le voudrait la communauté internationale piétine.
Le moyen utilisé pour éveiller l’attention de la communauté internationale ne peut être assumé par personne. Pour cela, il ne reste plus qu’à jouer sur la conscience de celle-ci en brandissant le danger d’un prétendu génocide avec le soutien du Rwanda qui l’utilise à tort ou à raison comme un fond de commerce. Un amalgame de plus.
Dans ces circonstances, le gouvernement du Burundi a raison de rester ouvert au dialogue inclusif et de le mener sur son territoire comme le disait Martin Luther King lorsqu’il disait que « Ceux qui sont proches du problème sont proches des solutions ». En même temps le gouvernement est obligé de maintenir l’ordre public en laissant les montgolfières tournoyer sans destination dans les airs de leur choix.
Du temps des pourparlers de Mwanza, qui ont d’ailleurs échoué, Mwalimu Nyerere a rétorqué au représentant de l’UPRONA qu’il était impossible de négocier avec un gramophone qui continue à tourner en rond en répétant la même chanson. Aujourd’hui je trouve qu’il est encore plus difficile de négocier avec des histoires incongrues comme le CNARED ou une société civile délocalisée qui se présentent comme des sortes de montgolfières qui n’ont aucune base terrestre et qui continuent à planer sans objectif dans les airs, déconnectés complètement de la réalité car n’ayant pas d’assise populaire mais aussi incapables de s’élever dans le vrai ciel car n’en ayant pas la puissance. Ces ballons fabriqués sur mesure et gonflés ou dégonflés à desseins par leurs fabricants ne sont que des livraisons cosmétiques et exotiques dont le peuple burundais peut facilement se passer, ignorer et oublier. La médiation devrait en tenir compte.
De la même manière, le terrorisme discursif condamnable de Domitille Kiramvu et consort, signe de désespoir et d’hystérie qui frisent le ridicule est une révélation supplémentaire du complot longtemps décrié de certains média privés qui transgressent la déontologie journalistique et les règles du savoir-vivre. Leur violence verbale qui exclut toute argumentation les dégrade et disqualifie en leur radiant définitivement toute aptitude de participation aux activités de la société burundaise qu’ils s’appliquent à détruire.
Minani Claver