« Chaque jour on entend parler d’attaques à la grenade ou de cadavres trouvés dans la rue au petit matin… » aurait dit récemment Samantha Power, Ambassadrice US à l’ONU à propos de la crise burundaise.
Mais aux USA que se passe-t-il donc ? Chaque jour on entend parler d’attaques avec armes à feux dans les écoles, universités ou centres commerciaux, de crimes à l’arme blanche dans les foyers. Le soir au coin des rues, il semblerait qu’il ne faille pas, pour un ado noir, croiser un policier blanc On apprend que le Klu Klux Klan sévit toujours d’une manière clandestine. L’assassinat de Martin Luther King, des Kennedy, les événements du 9/11 (WTC 7 Salom Brothers), le crash de Buffalo (Colgan Air – Continental Flight 3047 : Alison Desforges (†) et Beverly Eckert(†)) attendent toujours d’avoir des explications en dehors de tout doute raisonnable. Des terroristes dans des attentats suicides emportent dans la mort des dizaines de victimes innocentes. La corruption galope, il n’y pas de jours sans scandale dans les secteurs publics comme privés, des sports aux cultes. La triche et le mensonge sont de mise à tous les niveaux et sans aucune pudeur (« Je n’ai pas eu de rapports sexuels avec cette femme » – Clinton-Lewinsky). La débauche et les moeurs dépravées sont la norme jusque dans les annexes (hôtels de passes) des locaux officiels des institutions internationales (BM – FMI – Strauss Kahn). La torture à Guatanamo, à Abbu Ghraib, à la CIA, les interventions sous fausses bannières ne seraient condamnées qu’uniquement parce qu' »inefficaces ». Les scandales des « accidents » écologiques « escamotés » ou « minimisés » (Deap Water Horizon, Golf du Mexique ; Méthane Leak, Californie), la gestion désastreuse des suites de l’Ouragan Katrina (New Orleans) ne sont que des faits divers. Les révélations d’Assange (Wikileaks) et de Snowden n’arrêtent pas de choquer. Les vols de documents « classifiés » par des hauts fonctionnaires (Sandy Berger) sont des affaires courantes comme le scandale du Watergate ou la « dégradation » du Général Petraeus. Les trafics d’immigrés illégaux, de travailleurs clandestins, de drogues, d’êtres et d’organes humains semblent des plus prospères. La « vulgarité » (et si ce n’était que cela) des propos révélés par des « fuites » opportunes est révélatrice de la notion de « nos valeurs » et de « leurs niveaux » (Février 2014 : « Fuck the EU » – Victoria Nuland [1]). Les insultes volent au plus bas entre politiciens en campagne : ils se disent que les Américains devront choisir entre un « fou dangereux » (sic Hillary Rodham) et une « folle dangereuse ». Faut-il évoquer les sectes de tous poils qui fleurissent un peu partout, l’enseignement élitiste ou nivelé par le bas ? Et que dire des prisons qui sont pleines à craquer….[2]
Alors, il faudrait peut-être cesser de piloter depuis Washington les politiques intérieures des Etats indépendants en surfant sur le « Crédit G ». Il vaudrait peut-être mieux commencer par appliquer l’hypocrite « R2P » (Responsibility to Protect) à sa « propre assiette ». Le droit d’ingérence humanitaire qui semble pour certaines et certains être une nouvelle inquisition nécessaire, est, en fait, leur fonds de commerce, leur gagne-pain. Leur raison de vivre : c’est faire mourir les autres pour « nos idées », « notre modèle », « notre culture », « nos valeurs », « notre exceptionnalisme », « nos ressources », « notre clarté morale » (PNAC)….Cette « responsabilité » semble cependant, souvent, moins de mise avec nos propres peuples qu’avec ceux du voisin.
Oui, il est vrai que Nkurunziza aurait mieux fait de ne pas se représenter à sa réélection…Mais les Accords d’Arusha de 2000[3] prévoyaient une période de transition de 3 ans (pendant laquelle le pouvoir était exercé par Pierre Buyoya pendant 18 mois et par Domitien Ndayieze pendant 18 mois) et une période post-transition où le pouvoir présidentiel était exercé (pour 4 ans) par un président désigné par un congrès pour mettre en oeuvre les mesures transitoires devant permettre un retour à la vie normale . Il a fallut attendre 2003 pour qu’un « Accord de cessez-le-feu » permette l’application de l’Accord d’Arusha 2000 en mettant un point finale à la guerre civile qui avait commencé, en fait, avec les assassinats (qui avaient d’ailleurs laissé complètement indifférente la Communauté Internationale) de Ndadaye en novembre 1993 et de Ntaryamira en avril 1994. (Entre parenthèse, cette indifférence internationale est étrangement constante depuis l’assassinat de Rwagasore et le génocide des Hutus burundais de 1972, etc., etc.). Sauf que pour en revenir à l’actualité, on oublie les étapes franchies depuis 2003. A l’expiration de la période post-transition, des élections constitutionnellement prévues au suffrage universel ont été remportées démocratiquement par Nkurunziza et cette première présidence constitutionnelle s’est déroulée relativement bien, du moins sans grands tapages médiatiques. Il faut se rappeler que le pays sortait du chaos d’une guerre civile de plus de 10 ans et les conditions d’application des Accords d’Arusha commençaient à être réunies. Il est vrai que certains points (très sensibles) étaient encore à régler. Nkurunziza, ayant fait évoluer le processus d’une manière assez satisfaisante, devant les avancées engrangées et les acquis positifs de sa présidence, estima (avec sa mouvance) avoir, dès lors, une certaine légitimité, pour achever le processus favorablement engagé, et donc pour se présenter à sa propre succession, pour un second mandat. Vu d’ici, c’est une erreur stratégique, car, mieux « inspiré », il aurait pu créer un « alias », une marionnette ou bien faire comme « on » fait dans la Communauté Internationale : Poutine – Medvedev – Poutine, Bush Père, Fils et Frère, Bill et Hillary, Sarkozy I et Sarkozy II, etc., etc. Mais au lieu de cela, il semblerait que se manifesterait, Chez Nurunziza, une intention génocidaire qui l’aurait pousser à monopoliser le pouvoir. Cependant et en tout état de cause, dans les 8 dernières années qui ont précédé la réélection actuelle, rien n’a prouvé que Nkurunziza (et sa nébuleuse) aurait planifié le génocide dont on lui prête l’intention maintenant. Il est vrai qu’il aurait toléré une répression disproportionnée des manifestations. Il est vrai qu’il est trop passif vis à vis des crimes se commettent actuellement dans certaines régions du Burundi et dans certains quartiers de Bujumbura. Il est vrai qu’après la dernière tentative de coup d’état, des opposants ont dû s’exiler. Il semble vrai que l’un des avocats des putschistes ait participé (suivant ses propres dires) à l’exfiltration de certains conjurés. Ceci est évidemment très courageux pour ce qui est des Droits de l’Homme, mais relativement peu compatible avec la position et le statut d’un avocat de la défense (par contumace ?) de ces mêmes conjurés. Mais de ce fait, cet avocat devait s’attendre a être « écarté » par les juridictions en charge de l' »affaire ». (Ceci serait à comparer avec le cas « Ingabire-Erlinder » du Rwanda voisin). Ce qui n’empêche que, sachant que tout Hutu est « génétiquement » prédestiné à être « génocideur », il vaut mieux prévenir que guérir et donc neutraliser « l’éventuelle cause » désignée comme potentiellement « première ».
Mais bien qu’il s’agisse jusqu’à présent d’un problème politique interne au Burundi, ne peut-on s’interroger de la « précipitation » actuelle de la Communauté Internationale ? En effet, à l’époque, « 90-94 », au Rwanda, tout a été mis en oeuvre, par abstention, pour que les conditions de la catastrophe soient réunies. Aucune enquête internationale sur le déclanchement des hostilités lors de l’invasion du Rwanda par des troupes ougandaises (premier de tous les crimes : le crime contre la Paix, au moment – même où les accords de rapatriement des réfugiés rwandais prenaient corps), aucune enquête sur l’attaque de la centrale de Ntaruka (privant le pays de 40% de ses ressources électriques) , aucune enquête sur l’assassinat des Bourgmestres de la Préfecture de Ruhengéri, aucune enquête sur l’origine des violations du cessez-le-feu, aucune enquête sur les massacres de Byumba qui ont poussé un million de déplacés internes à trouver refuge dans les faubourgs de Kigali, aucune enquête sur les assassinats de Gapyisi et de Katabazi, aucune enquête sur la rencontre secrète Kagame – David Rawson (Ambassadeur US) le 6 janvier 1994, aucune enquête sur le présence de Roger Winter (CIA) à Mulindi (QG de Kagame) dès le 4 avril 1994, aucune enquête sur la présence à Kigali, le 5 avril 1994, de Charles Vuckovic, attaché militaire US au Rwanda (avec résidence au Cameroun), aucune enquête sur la « mission Akagéra » du Peloton Mortier de la Minuar le matin du 6 avril 1994, aucune enquête sur l’attentat sur l’avion présidentiel, aucune enquête sur la présence de C-130 dans le ciel de Kigali au moment de l’attentat, aucune enquête sur l’interdiction faite dans l’Administration Clinton d’employer le mot « génocide », aucune enquête sur le refus de la Communauté Internationale de mobiliser les forces déjà pré – positionnées dans la région ou de renforcer les effectifs de la Minuar (ce qui aurait permis de mettre fin au Génocide en quelques jours), etc. etc. Non, à ce moment-là, remonter le ressort de la barbarie, c’était investir dans un « Singapour Africain », pour demain. Il fallait désigner un seul coupable facilement identifiable dans l’imaginaire populaire : le « génocideur »……Mais, n’était-ce pas, pour les premiers intéressés de la Communauté Internationale, « tout faire » pour ne pas donner les noms des responsables des premières et injustes agressions. N’était-ce pas tout faire pour entraîner diaboliquement dans la spirale infernale de la violence ceux qui ne pouvaient plus que s’enfoncer dans l’enfer ?
Quant à Samantha Power, sur le plan de la psychologie elle est (un peu) hystériquement à côté de la paque avec sa sortie sur Hillary Rodham (« She is a monster » [4] 🙂 ? Sur le plan diplomatique, elle est également (un peu) compulsivement à côté de ses pompes avec la délégation russe au Conseil de Sécurité[5]. Elle est par contre génialement diabolique avec la planification. Après avoir reçu le prix Pulitzer 2002 pour son livre « A problem from the Hell », elle se consacre à une réédition en 2007 avec, toutefois, un ajout qui dit juste ce qu’il faut pour qu' »on » sache, dans le clan Clinton, ce que, elle, elle sait !…En effet pourquoi aurait-t-elle ajouté ce nouveau paragraphe dans cette réédition (aux pages 354 et 355) où elle rapporte que des « nouvelles révélations choquantes » font état du fait (inconnu jusqu’en 2007 ?) que deux douzaines (au moins) de Marines des forces spéciales étaient en « mission de reconnaissance » dès les premiers jours du génocide à Kigali……….[6] ». Pourquoi ne cite-t-elle pas ses sources, pourquoi ne donne-t-elle pas de réponses aux questions « what, who, why, when, where » ? Pourquoi un silence si assourdissant en réponse à ces interrogations si angoissantes ? Connaîtrait-on les réponses à ces questions qu’on se rendrait compte , peut-être, que cela ne s’est pas passé « comme cela » à Kigali [7]et que Samantha Power le sait ? Comme l’aurait su Dallaire, comme sans doute, auraient pu l’apprendre, aux dépens de leur vie, Sian Cansfield et Stefan Steck ?…….. Comprendrait-on que cette stratégie laisse la porte ouverte à l’évaluation, pour les politiciens démocrates US, de la valeur du silence de Samantha Power et du « salaire de la peur » qu’elle peut en tirer…. ?
Non, Samantha Power n’est pas « The right man in the right place » pour se prononcer sur la situation actuelle au Burundi. Elle ne l’était pas non plus pour le Kosovo, ni pour la Libye, ni pour la Syrie, ni pour l’Ukraine….. !
Bertrand Loubard
Agoravox