Introduction
Le régime installé au Rwanda en 1994 après la conquête militaire du pays par des éléments tutsi de l’armée régulière de l’Ouganda fonctionne selon un schéma simple et même grossier mais qui, jusqu’il y a peu, s’est montré plutôt efficace. En effet, pour mater impitoyablement mais en toute impunité une population hostile militairement conquise, le régime personnifié par le général-président Paul Kagame a utilisé et utilise encore des méthodes qui ont fait ses preuves ailleurs et sous d’autres époques.
A l’intérieur, la population est maintenue dans la terreur et la peur par des agents du régime et les milices du parti au pouvoir qui ont quadrillé le pays selon un système de maillage complet du territoire par tranches de 10 ménages. La population est fermement découragée à parler et à même penser politique, laissant la clique anglophone venue d’Ouganda et dont on ne connaît ni les contours ni les règles de fonctionnement, la conduire comme un troupeau. La seule activité politique qui lui est permise est de chanter les louanges de Paul Kagame et de verser la cotisation du parti au pouvoir.
A l’extérieur le régime a fait du mensonge et de la dissimulation son cheval de bataille à l’intention des visiteurs. Pour les chercheurs et autres organisations internationales, la manipulation des statistiques est la règle pour chaque responsable ou service consultés. Le tout dans le but de cacher ce qui ne marche pas ou la situation réelle mais de jongler avec les chiffres pour présenter les quelques modestes progrès mêmes les plus naturels.
Parallèlement, le régime investit lourdement dans des « contrats de communication » signés avec les grands médias du monde devant lesquels il ouvre ses caisses sans compter pourvu qu’en contrepartie le régime soit présenté sous un meilleur jour ou alors ses crimes complètement occultés.
Enfin, pour continuer à jouir de l’impunité et de présenter une fausse image de cette dictature dans le monde, le régime recourt aux puissants lobbyings occidentaux qui, moyennant payement, usent de leurs réseaux pour promouvoir Paul Kagame à tort et à travers. Celui-ci s’est pour cela entouré de « conseillers » qui ne sont d’autres que d’anciens chefs de gouvernements ou ministres dans leurs pays qui sont des grandes puissances et qui brandissent leurs cartes de visite pour épater les dictateurs à qui ils assurent l’impunité et l’aura internationale.
Première faille dans l’édifice FPR de Paul Kagame : les relations avec ses voisins.
Longtemps occulté, l’isolement du régime de Paul Kagame dans la région des Grands Lacs saute actuellement aux yeux. Tous ces voisins sont exaspérés par son arrogance et son ingérence dans les affaires d’autres Etats, ses actes de déstabilisation, son sabotage des efforts des organisations régionales…tout cela sans que ces organisations ne puissent le condamner ni même le dénoncer afin de ne pas s’attirer les foudres des puissances occidentales qui l’utilisent comme leur agent dans la région. Un petit aperçu des actes de Paul Kagame contre certains de ses voisins est très instructif.
1. La République Démocratique du Congo
Ce pays fut envahi depuis 1996 par les armées de Paul Kagame avec la bénédiction de la Communauté Internationale. Prenant le relais de l’occupation officielle, les rébellions successives créées et soutenues parle Rwanda ont transformé le pays et ses institutions en un « no man’s land » où seul les sujets de Paul Kagame peuvent se mouvoir en toute tranquillité. En effet, avec les multitudes d’intégrations des combattants des rébellions de Kagame en RDC, l’armée et la police de ce pays compte plus d’officiers supérieurs d’origine rwandaise (des Tutsi) que ceux des plus de 200 ethnies congolaises confondues. Idem sur le plan politique. Personne ne peut dénoncer cet état de choses.
2. La Tanzanie
Ce pays le plus stable et le plus démocratique de la région, est lui aussi confronté à la mégalomanie et à l’impunité dont jouit le FPR de Paul Kagame. Celui-ci n’a pas hésité à menacer de mort l’ancien président tanzanien Jakaya Kikwete lorsqu’il avait osé dire que le régime de Kagame devrait parler avec son opposition comme cela se fait ailleurs. Curieusement aucune voix dans la Communauté Internationale n’a condamné cette sortie de Paul Kagame jusqu’à la fin du mandat de Kikwete en octobre 2015. Au contraire il était et reste considéré au Rwanda comme un « empêcheur de tourner en rond » pour avoir exprimé une vérité qui fâche Paul Kagame.
3. Le Burundi
Le maillot faible de la région des Grands Lacs offre une illustration éclatante de l’impunité dont jouit Paul Kagame et du parti-pris de la Communauté Internationale. Après avoir insulté publiquement le président du Burundi en affirmant qu’il ne devait pas être considéré comme le président de ce pays, Paul Kagame a appelé publiquement à travers la presse officielle ( Radio, TV…) la population du Burundi à fuir vers le Rwanda en avril 2015 en lui disant qu’un génocide était imminent. Les fugitifs trouvaient des bus qui les attendaient à la frontière et recevaient tout de suite le statut de réfugié. Il a accueilli les éléments qui ont tenté de prendre le pouvoir par les armes en mai 2015. Aucune condamnation de la part de la Communauté Internationale. Une fois les réfugiés installés dans les camps, des recrutements suivis des entraînements militaires commencèrent. Des armes et munitions furent acheminées du Rwanda au Burundi pour maintenir l’insécurité qui sera présentée comme un « début du génocide ».
Face à ces actes commis au grand jour, certaines ONG et les Etats-Unis ont rendu publics ces actes de déstabilisation du Burundi provenant du Rwanda. Comme toujours, la réponse de Paul Kagame fut de brandir un chantage : il menace d’expulser les réfugiés burundais qui se comptent à plus de 250 mille. Encore une fois, la Communauté Internationale est obligée de s’incliner devant lui et de fermer les yeux sur ses actes condamnables par le droit international.
Les organisations régionales commencent à souffrir sérieusement de ses caprices à l’exemple de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
L’opposante Victoire Ingabire présidente du Parti FDU-Inkingi est détenue depuis 2010 et a été condamnée à 15 ans d’emprisonnement. Elle avait présenté son cas devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sise à Arusha en Tanzanie. La requête a été déclarée recevable et fondée. L’affaire devait s’ouvrir le 04 mars 2016. Mais à la surprise générale, le gouvernement rwandais a déclaré in extremis qu’il ne peut pas comparaitre dans cette affaire car il s’est entretemps retiré du protocole d’accord qui institue la Cour. Il échappe ainsi et à peu de frais à une condamnation pour violation des droits de l’homme devant une cour ad hoc. Pourtant, face à cette énormité, aucune condamnation et même aucun commentaire dans la presse occidentale comme si ce nième pied de nez à la Communauté Internationale était toléré et même souhaité.
Bouée d’oxygène : Afrique de l’Ouest
Face à ce Bérézina diplomatique qui risque de mettre à nu le roi du Rwanda Paul Kagame, ses lobbies se devraient d’agir vite. C’est le sens que l’on doit donner à l’intérêt subit de l’anglophone et surtout francophobe Kagame aux pays du pré-carré français de l’Afrique de l’Ouest comme le Sénégal et la Guinée Conakry. C’est le président guinéen Alpha Condé qi a révélé le pot aux roses.
Après l’avoir reçu en grandes pompes à Conakry, le guinéen a déclaré devant la presse que ce sont des personnalités comme… Bernard Kouchner et Tony Blair qui lui ont recommandé Paul Kagame afin qu’il lui dise comment il a fait pour réussir ! Entendez par là, violer les droits de l’homme sans être dénoncé, présenter une fausse image à l’étranger alors qu’à l’intérieur c’est catastrophique.
Par cette opération, les conseillers de Kaul Kagame que sont les hommes d’affaires Bernard Kouchner et Tony Blair promettent à Kagame de redorer son blason. A l’interne, ils espèrent continuer à berner l’opinion comme quoi tout va à merveille et à l’internationale, ces nouveaux alliés souvent naïfs lui seront d’un grand soutien dans les organisations internationales comme l’UA ou l’ONU. En même temps le brouhaha que va faire les médias francophones dont on sait que la plupart ont signé des contrats de communication avec Paul Kagame, en vantant les « mérites » du dictateur mais qui est aussi grand détracteur de la France, amènera cette puissance moyenne à chaque fois faire profil bas devant Kagame ou quand il s’agit de parler de ses actes.
Enseignement
Comme les peuples de la région des Grands Lacs qui, depuis des décennies, sont malmenées selon des stratégies pensées par des prédateurs occidentaux présentés comme « conseillers » des autocrates africains choisis et promus par eux et qui doivent les appliquer sur le terrain, les peuples de l’Afrique de l’Ouest risqueraient-ils, eux aussi, de se réveiller et constater que leurs vrais décideurs sur leur sort s’appellent … Bernard Kouchner ou Tony Blair ? Nous ne le leur souhaitons pas. Mais comme on dit en Kinyarwanda : «Usenya urwe, umutiza umuhoro »
Nous ne le leur souhaitons pas. Mais comme on dit en Kinyarwanda : «Usenya urwe, umutiza umuhoro »[1]
Emmanuel Neretse