Il ne suffit pas d’être majoritaire, il ne suffit pas d’être au pouvoir, il ne suffit pas d’être intellectuel pour échapper à la loi génétique, il suffit tout simplement d’être né hutu pour vivre le calvaire, pour vivre humilié et pour vivre dans l’indifférence. Que les mêmes causes produisent les mêmes effets ? Oui.
Oui parce que depuis avril 1972 jusqu’aujourd’hui personne n’a le courage de réclamer où sont les fosses communes des communs hutu abattus en 1972, personne ne réclame à ce que Arthémon Simbananiye dise la vérité sur son plan d’extermination des hutu, personne ne demande à jean Baptiste Bagaza et à Pierre Buyoya des comptes non seulement à propos de leurs positions dans l’armée en avril 1972 pendant que leur cousin Michel Micombero guillotinait des innocents hutu, mais aussi leur continuité post Micombero à réduire, à anéantir et ridiculiser les hutu, personne ne demande à l’Eglise Catholique son rôle joué pendant le génocide des hutu de 1972, personne, personne. Et pourtant, Simbananiye est toujours vivant, Bagaza est toujours vivant, Buyoya toujours vivant et ne daigne de nous narguer encore, l’Eglise Catholique est ici et là, toujours fidèle à elle-même.
Alors qui pour prendre l’initiative ? Le collectif des survivants du génocide des hutu avant et après 1972 qui à peine né, né avec des chicanes internes? La commission vérité et réconciliation qui apparemment est combattue par les opposants de Pierre Nkurunziza ? Qui pour réclamer que justice soit faite ? C’est une honte pour les orphelins, c’est une honte pour les rescapés, c’est une honte pour le peuple hutu. Mais si on analyse bien le comportement des hutus face au danger qui les guette, on y comprend rien, absolument rien.
Leur perception du danger est tellement bizarre que parfois on se pose des questions sur leur capacité d’adaptation. Retenez par exemple, pendant leurs exécutions en 1972, on a commencé par zigouiller les militaires et gendarmes hutus, curieusement les autres hutus civils bien au courant, n’ont pas eu le courage de prendre la fuite, pour eux, ils n’avaient rien à se reprocher « ntaco biyagiriza », des mots comme « tant pis pour les hutus coupables, qu’ils payent leur implication … » étaient prononcés par d’autres hutu. Ensuite c’était le tour des civils fonctionnaires de l’Etat et autres intellectuels hutus de passer aux poteaux d’exécution, les mêmes qui croyaient ne se reprocher de rien. Les étudiants au lieu de prendre la fuite, se disaient que c’est une affaire qui ne les concernent pas, malheureusement leur tour est arrivé, ils ont été massacrés. Ensuite les commerçants qui croyaient eux aussi que c’est une affaire de ceux qui ont été à l’école, se sont vus arrêtés et massacrés. Et enfin, les JRR hutus qui étaient actifs dans l’acheminement de leurs compères hutu aux abattoirs, furent à leur tour exécutés et la boucle était bouclée. Le génocide des hutus venait d’être consommé, vu mais pas connu par la communauté internationale. Tous ont été exécutés sans jugement et jetés dans des fosses communes avec comme l’unique péché mortel : « être né hutu », mais officiellement ils étaient étiquetés d’« ABAMENJA ».
Comme si génétiquement parlant, les hutus ne changent pas, donc ne s’adaptent pas, eh bien, ils sont condamnés à disparaitre ou à être des soumis. C’est étonnant de voir qu’à nos jours les mêmes types de hutus existent, malgré les engins flagrants de l’actuelle crise burundaise. Quand vous entendez Paul Kagamé dire que les autorités burundaises sont de connivences avec des Interahamwe pour tuer les tutsi et que certains hutus applaudissent et approuvent , quand vous entendez dans certains milieux tutsi crier haut et fort que le gouvernement burundaise est entrain de commettre un génocide des tutsi et que certains hutus renchérissent en disant « Abo bicanyi baba DD, abazocika kw’icumu bazorungikwa i La Haye muri CPI », ou « twebwe turi intore z’abahutu, aba DD nibo Bamenja », ou « Twebwe ntaco twiyagiriza, par ailleurs nous ne sommes pas au pouvoir », ou encore, « twebwe ntibituraba, c’est une affaire des DD ». Telles sont les phrases qui sortent de ces hutus qui à leurs yeux, ne « se reprochent de rien », exactement comme en 1972.
Non ce n’est pas l’oublie, non ce n’est pas le manque de tête bien faite, c’est tout simplement ce qu’on appelle : la valeur d’élevage très basse dans la perception du danger, mais aussi peut être le coté négatif de l’effet nombre.
Heureusement qu’il existe des hutus et des tutsi clairvoyants et bien intentionnés, le Burundi compte beaucoup sur eux.
Par Roberto Bacinoni