1. Monsieur le Président, je commence par vous remercier pour avoir organisé cette importante réunion quelques jours seulement avant votre voyage au Burundi et dans la région. Il s’agit d’une excellente occasion de nous rafraîchir la mémoire sur les nouveaux développements intervenus au Burundi depuis notre dernière réunion.
2. Permettez-moi également de remercier les représentants des Etats membres de la Configuration qui ont bien voulu se joindre à nous ce matin. Qu’ils reçoivent mes remerciements pour l’intérêt constructif et grandissant qu’ils ne cessent d’accorder à la situation socio-politique de mon pays.
3. C’est aussi ici l’occasion de remercier le Bureau d’appui à la consolidation de la paix pour toutes les facilitations qui ont permis l’organisation des présentes assises ainsi que sa pleine et franche coopération avec ma délégation.
4. Je ne pourrais ne pas remercier le Conseiller Spécial du Secrétaire Général M. Jamal Benomar à travers son Représentant ainsi que l’Assistant du Secrétaire Général chargé des Droits de l’Homme M.Ivan Simonovic pour leurs contributions à ce débat, même si je ne suis pas d’accord avec ce dernier sur tout ce qui a été dit, notamment en ce qui concerne la situation des droits de l’homme au Burundi. Des propos qui contredisent par endroit les impressions du groupe d’Experts de l’ONU qui vient de séjourner au Burundi pour la deuxième fois depuis le début de l’année. J’y reviendrais plus tard !
5. Qu’il me soit permis de remercier également le Représentant de la Banque Mondiale qui s’est exprimé à partir de Dar es Salaam en Tanzanie pour sa contribution bien équilibrée sur la situation économique dans le pays.
6. Monsieur le Président, dans mon intervention, je souhaite insister sur quelques points saillants qui ont dominé l’actualité burundaise ces dernières semaines.
7. Premièrement, en ce qui concerne la Situation sécuritaire, je puis vous affirmer que vue dans sa globalité, la sécurité sécuritaire est bonne sur tout le territoire national sauf quelques cas isolés de criminalités observés ici et là et qui sont en train d’être maitrisés grâce à la vigilance et au professionnalisme des forces de l’ordre qui travaillent jour et nuit pour défendre la souveraineté du Burundi ainsi que la dignité de son peuple. Comme vous le savez, la criminalité est aussi vieille que l’humanité, y faire face est un exercice permanent qui nécessite également une attention constante au Burundi et ailleurs.
8. Deuxièmement, sur le plan politique et des droits de l’homme, malgré le contexte complexe de la période pré-électorale, électorale et post-électorale de 2015, marquée par des troubles dans certains quartiers de la capitale (Bujumbura) et qui ont affecté la vie de la Nation dans tous ses aspects, la situation s’est normalisée, que ce soit sur le plan social, économique, politique ou sécuritaire, même si des défis persistent. Les crépitements d’armes à feu qui perturbaient la quiétude des habitants de certains quartiers appartiennent désormais au passé et la plupart de nos compatriotes qui avaient fui ces localités suite à la perturbation de l’ordre public par des insurgés armés retournent progressivement dans leurs ménages respectifs. C’est le résultat du désarmement de la population civile qui a permis la récupération de plus 1.100 armes à feu et plus de 28.000 munitions de tous les calibres.
9. Le Gouvernement du Burundi déplore le fait que des irresponsables, guidés par la course vers le pouvoir et servant des intérêts idéologiques étrangers, ont emprunté des voies tordues de médisance et de calomnie, accompagnées par la fabrication d’évidences sur terrain, en fauchant des vies humaines. En effet, trafiquer des uniformes de la police ou de l’armée et/ou par la suite enlever un paisible citoyen pour alerter le monde en affirmant qu’il est entre les mains de la police burundaise, le tuer pendant la nuit, mutiler son cadavre et le jeter dans la rue, prendre des images et les propager sur les réseaux sociaux tout en jetant le tort sur les forces de sécurité était devenu le quotidien obscur et malheureux des burundais. Cela encombrait même le quotidien des organes de presse écrite et audio-visuelle du monde entier et plusieurs organisations, pourtant sérieuses, y compris le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, sont tombées dans ce piège. Cela transparaît dans les différentes déclarations et décisions prises à l’encontre du Burundi. Heureusement que la vérité a fini par éclater au grand jour. Plusieurs criminels ont été arrêtés, d’autres se sont rendus aux forces de l’ordre et ils ont tout dévoilé.
10. Monsieur le Président comme vous le savez, le Gouvernement de la République du Burundi a récemment posé des actes notables pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays, promouvoir les libertés publiques et d’opinion, la liberté de la presse et surtout, pour créer un climat favorable au dialogue inter burundais le plus inclusif possible dans les limites des lois en vigueur au Burundi et conformément aux recommandations des Résolutions 2248 et 2279 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le 4 mars 2016 le Président de la République a procédé au lancement officiel de la phase opérationnelle de la Commission Vérité et Réconciliation et à l’ouverture solennelle de la campagne de sensibilisation de la population burundaise, une dernière étape dans la mise en application de l’Accord d’Arusha et dans la réconciliation effective du peuple burundais.
11. Aussi, le 23 février 2016, un décret présidentiel a été signé portant mesures de grâce de certains prisonniers. Plus de 1800 ont déjà regagné leurs familles respectives. Cette mesure a eu pour résultat de réduire d’un quart la population carcérale. Il est utile de rappeler également qu’auparavant des jeunes arrêtés dans les mouvements de rébellion et insurrection, dont des mineurs, avaient déjà bénéficié de la clémence de l’autorité judiciaire et libérés, soit plus de 200 sur un total de 513 personnes arrêtées. Il est utile de rappeler que cette mesure de grâce ainsi que d’autres antérieures excluent d’office les personnes poursuivie pour actes de violences basées sur le genre. Ceci pour vous signifier combien le Gouvernement du Burundi prend au sérieux ce crime odieux et ne peut en aucun cas le tolérer.
12. En outre, le Procureur Général de la République du Burundi a levé 15 mandats d’arrêt internationaux émis contre certains acteurs politiques ou de la Société civile soupçonnés d’avoir soutenu la tentative de renversement des Institutions à la veille des élections de 2015. Cette campagne d’apaisement initiée par le Gouvernement a permis la réouverture de deux radios privées qui n’émettaient plus, ayant été détruites durant cette tentative de putsch du 13 mai 2015, et l’agrément de deux nouvelles radios privées et la réouverture de l’ONG Parcem.
13. Sur le terrain, ces différentes mesures ont permis une amélioration significative de la situation politique et des droits de l’homme dans le pays bien que quelques défis persistent. Ces progrès notables viennent d’être constatés et confirmés les trois experts de droits de l’Homme de l’ONU qui viennent de clôturer leur deuxième mission de terrain au Burundi. Au terme de leur mission la semaine dernière, les trois experts ont animé une conférence de presse au cours de laquelle ils ont déclaré notamment et je cite en substance “Nous avons constaté une accalmie politique perceptible qu’il faut encourager et faire perdurer. L’un des développements les plus importants depuis le début de l’année a été la baisse significative du nombre d’exécutions. Cela est extrêmement apprécié et nous réitérons notre appel à toutes les parties de cesser l’utilisation de la violence comme instrument politique”.
14. Cet appel au non recours de la violence comme instrument politique a été également, presqu’au même moment relayé par l’Eglise catholique du Burundi qui, à travers un communiqué de presse, a appelé à l’opposition “de refuser la tentation de vouloir accéder au pouvoir par la violence ou par la ruse et la division”. Les partenaires techniques et financiers du Burundi devraient apprécier à juste titre ces efforts pour que le Burundi ne soit pas victime d’une campagne malveillante d’intoxication relayée par l’opposition aux allures violente en exile, les médias et réseaux sociaux qui lui sont associés.
15. Troisièmement, au chapitre du dialogue politique, celui-ci se poursuit normalement que ce soit avec les Burundais de l’intérieur ou ceux de la diaspora. Le dialogue a permis aux Burundais de plusieurs horizons de discuter des problèmes liés à l’organisation des élections, à la bonne gouvernance, au contenu des accords d’Arusha et de la Constitution et à la manière de définir le Burundi tel que nous le voulons dans l’avenir.
16. Ce même dialogue a été engagé sur le plan externe sous l’égide du Président ougandais Yoweri MUSEVENI. Une séance de consultations de 4 jours vient d’avoir lieu à Arusha en Tanzanie et a réuni le Gouvernement burundais, les partis politiques de l’opposition, les partis de la mouvance présidentielle et la société civile sous l’égide de l’ex Président Tanzanien Benjamin MUKAPA. Ce dialogue vient en complément au dialogue interne et permet d’associer l’opposition se trouvant à l’extérieur du pays. Ce dialogue externe va se poursuivre à Arusha en Tanzanie dans les prochaines semaines ou mois avec la possibilité de le rapatrier au pays au nom du principe de l’appropriation nationale.
17. La composante interne du dialogue inter burundais arrive à un point satisfaisant. Il se déroule dans l’inclusivité totale politique, ethnique et de genre. Plusieurs milliers de Burundais, de la colline la plus éloignée à Bujumbura la capitale se sont déjà exprimés sur les enjeux majeurs en rapport avec l’avenir socio-politique du pays. Tout le monde, les femmes, les jeunes, les moins jeunes, les autres groupes de la société civile, les religieux, les forces de défense et de sécurité, a mis la main à la pâte au cours des débats publics organisés sur tout le territoire national.
18. Les séances publiques d’interactions entre la CNDI et la population constituent une excellente occasion de débattre à bâton rompu de tous les problèmes sociopolitiques auxquels fait face notre pays depuis plusieurs années. Les conclusions permettront aux autorités nationales de prendre de bonnes mesures pour le bien être de la population.
19. Revenant sur le dialogue politique avec les Burundais de l’étranger, ma délégation voudrait rappeler que les sessions de dialogue organisées à l’extérieur du Burundi ne constituent pas un dialogue où nous allons discuter du partage du pouvoir car le power sharing est déjà existant et consacré par notre Constitution de 2005 et l’accord d’Arusha de 2000. Des questions comme la bonne gouvernance économique et politique, la culture démocratique en vue des élections apaisées en 2020, le respect du verdict des urnes et le recours aux canaux légaux existants pour résoudre les différends électoraux sans passer la violence devront à notre avis avoir une place de choix dans le dialogue en cours.
20. Monsieur le Président, le dialogue que nous voulons inclusif ne doit pas être une entrave à la démocratie ou une remise en cause des acquis démocratiques de 2015, mais plutôt un outil de cohésion nationale qui nous permettra de nous projeter dans l’avenir avec sérénité. Il est la clé de voûte du modèle sociopolitique que nous voulons construire et léguer aux générations futures.
21. Au cours de ce dialogue les principes sacrés de l’appropriation nationale et la dimension régionale doivent être respectés et soutenus. Il est en est de même des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité comme la résolution 2248 et 2279. Nous regrettons le fait que certains partenaires qui se reconnaîtront continuent de pousser le Gouvernement du Burundi à dialoguer avec les Burundais qui ont fui le pays après avoir échoué le renversement des institutions par un coup d’Etat en plus d’autres qui se sont illustrés dans l’organisation de l’insurrection violente de 2015 qui endeuillé beaucoup de Burundais de toutes les tendances.
22. Monsieur le Président, nous sommes bien déterminés à poursuivre le dialogue franc et sincère avec tous les burundais aussi bien de l’intérieur que de la diaspora et cela de bonne foi. Néanmoins avons une ligne rouge que ne nous comptons pas franchir. Il est clair que nous n’allons pas nous asseoir avec les putschistes et leurs alliés. Les résolutions 2248 et 2279 du Conseil de sécurité sont clairs là-dessus et je n’y reviendrai pas. Le dialogue concerne uniquement des acteurs paisibles ou ceux engagés aux solutions pacifiques à nos problèmes. Faire le contraire est inacceptable.
23. Par ailleurs, il n’est pas normal que des pressions continuent à se déverser sur un gouvernement démocratiquement élu dans le but d’accommoder ceux à qui la population a refusé les sièges au parlement ou au Gouvernement par la voie des urnes. Le meilleur conseil à leur prodiguer serait plutôt de leur dire de commencer à se préparer sérieusement aux élections de 2020 pour augmenter leurs scores et éviter une scène semblable à celle de 2015. On ne le dira jamais assez, dans toutes les démocraties du monde, jeunes et moins jeunes, seule la Constitution et le peuple octroient des postes politiques aux acteurs politiques en compétition à travers l’organisation des élections.
24. Monsieur le Président, au niveau régional, le 6ème Sommet des Chefs d’Etat de la CIRGL plus l’Afrique du Sud sur invitation spéciale du Président Angolais, qui s’est tenu le 14 juin 2016 à Luanda en Angola est revenu sur la situation politique au Burundi. A l’issue de ce sommet, les Chefs d’Etat ont lancé un appel à la reprise de la coopération entre Burundi et ses partenaires, soutenu le dialogue inter burundais sous la direction de la Communauté Est-Africaine et encouragé le Gouvernement et les partis de l’opposition à s’engager à ce dialogue. Je saisis cette bonne occasion pour remercier la Banque Mondiale qui vient de débloquer un montant de 55 millions de dollars américains pour appuyer le secteur du café au Burundi. Nous invitons naturellement les autres partenaires qui hésitent encore de faire de même dès demain.
25. Monsieur le Président, au cours de ce même sommet, les Chefs d’Etat membres de la CIRGL ont également instruit le Mécanisme conjoint de Vérification élargie (MCVE) de procéder à la vérification de l’identité et des intentions des ressortissants Burundais en provenance du Rwanda arrêtés et détenus en RDC et à établir un rapport y relatif dans un délai de 60 jours. Pour nous et pour le Groupe d’Experts de l’ONU sur la RDC et autres plusieurs ONG crédibles, ces burundais sont venus du Rwanda après avoir bénéficié de l’entrainement militaire visant à déstabiliser le Burundi. Ce comportement inamical et belliqueux du Rwanda envers le Burundi vient d’être confirmé de nouveau par le rapport final S/2016/466 du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo.
26. Au paragraphe 30 de ce rapport de 172 pages, le Groupe d’Experts de l’ONU précise, je cite “Le Groupe d’experts a rencontré des dizaines de combattants burundais capturés par les services de sécurité congolais en 2015 et au début de 2016 et des combattants encore actifs dans les groupes armés. Au total, 24 des combattants de trois groupes armés burundais différents présents dans l’est de la République Démocratique du Congo ont confirmé qu’ils avaient reçu un entrainement militaire ou d’autres formes d’appui auprès de personnes au Rwanda. Dix-neuf ont déclaré avoir eu des échanges directs avec du personnel militaire rwandais”. Fin de citation. Monsieur le Président, comprenez bien, ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’ONU, notre organisation commune qui parle à travers ses experts dûment mandatés.
27. Encore une fois Monsieur le Président, nous ne cesserons jamais de le dire aussi longtemps que ce problème reste existentiel. Nous demandons aux partenaires qui ont voix forte qui peut être entendue par Kigali, de multiplier des pressions comme au temps du soutien que ce même pays octroyait au mouvement M23 en RDC, afin que cette agression cesse immédiatement. Elle est et reste aussi contre-productive pour le peuple Rwandais qui aspire à la paix avec le peuple voisin du Burundi. Continuer à garder silence devant un tel comportement qui menace sérieusement la paix et la sécurité internationales serait choisir le mauvis côté de l’histoire.
• En conclusion Monsieur le Président, il sied de noter qu’après une période très difficile que vient de traverser le Burundi, il est relevant de noter que la situation politico-sécuritaire se normalise, l’activité économique, l’apaisement des esprits ainsi que la cohésion sociale ont repris leur cours normal, ceci grâce aux efforts qui ont été déployés par le Gouvernement. Ainsi, le Burundi sollicite auprès des partenaires le soutien en vue de renforcer et consolider les étapes déjà atteintes dans un esprit de coopération mutuellement profitable et respectueux.
Je vous remercie M. le Président.