Mpozagara Gabriel aussi bourreau en 1969 au Burundi, jugé pour « traite d’être humain » à Paris

(La Libre Belgique) La cour d’appel de Versailles juge, à partir de ce mercredi, un couple burundais, Candice et Gabriel Mpozagara, pour “traite d’être humain”. En première instance, en 2019, les accusés avaient été condamnés à deux ans de prison avec sursis et 70 000 euros de dommages et intérêts à leur victime, Méthode Sindayigaya, pour “soumission à un travail forcé” et “conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité” par le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine).

Exploité 19h par jour

Le couple de septuagénaires n’est pas n’importe qui. Gabriel Mpozagara a été Procureur général de la République sous la dictature de Michel Micombero – requérant notamment des peines de mort devant le Conseil de guerre, lors d’un procès pour “complot” en 1969 –, ainsi que son ministre de la Justice, puis ministre de l’Économie. Il a également été diplomate à l’Unesco et, selon le média burundais Ijambo (18 septembre 2007), il a été conseiller du président Pierre Nkurunziza, décédé l’an dernier. Candice Mpozagara, son épouse, se dit princesse et petite-fille du dernier roi du Burundi.

Le comportement des Mpozagara est pourtant tout sauf princier. En 2008, ils emmènent du Burundi à Paris, où ils vivent, un jeune homme de 29 ans, Méthode Sindayigaya ; il est convenu entre eux qu’il s’occupera durant trois mois de leur fils handicapé.

Mais, privé de papiers, Méthode Sindayigaya restera dix ans à leur service, chargé de s’occuper du fils handicapé du couple mais aussi de la cuisine, du ménage, de la lessive et du jardinage, travaillant 19h par jour, sept jours par semaine, sans être payé. En dix ans, il a reçu quelque 5000 euros.

Cet esclave des temps modernes est logé à la cave, à côté de la chaudière, doit se laver dans un seau et est peu nourri.

C’est un ouvrier passé chez les Mpozagara qui alertera la police française. Celle-ci débarque le 12 juillet 2018 chez le couple de notables burundais, délivre Méthode – “j’ai ressenti une explosion de joie”, décrira-t-il plus tard – et arrête ses esclavagistes.

Des antécédents avec deux nièces

Ceux-ci sont condamnés à deux ans avec sursis. Ils n’en sont pourtant pas à leur coup d’essai.

Selon le journal Ijambo, en effet, les Mpozagara avaient déjà été condamnés le 17 septembre 2007 par la justice française, à 12 et 15 mois avec sursis, pour un autre cas d’exploitation d’êtres humains “dans des conditions proches de l’esclavage”.

Il s’agissait cette fois-là de deux nièces de Candice Mpozagara, Chantal et Yvette. Leurs parents ayant été tués lors des massacres politico-ethniques de 1993, elles avaient été recueillies en 1994, à 13 et 9 ans, par le couple Mpozagara, alors que le mari était haut fonctionnaire à l’Unesco, à Paris.

Installés à Ville-d’Avray avec leurs six enfants – dont leur fils handicapé – les Mpozagara faisaient travailler l’aînée des nièces au service de la famille sept jours sur sept. La cadette était scolarisée mais pas nourrie le midi (elle aurait perdu “plus de 10 kg”, selon Ijambo). Les deux fillettes étaient logées elles aussi à la cave, à côté des machines à laver rapporte Ijambo, avec pour tout WC un trou dans le sol. L’aînée sera blessée en repoussant les avances d’un des fils Mpozagara.

Une peine qui ne fut pas dissuasive

En 1998, Chantal parviendra à contacter un organisme d’aide à l’enfance et à recouvrer la liberté, avec sa sœur. Mais durant sept ans, le couple Mpozagara parviendra à échapper aux poursuites judiciaires en faisant valoir l’immunité diplomatique. En janvier 2007, enfin, il doit répondre de ses agissements privés et la sentence tombera neuf mois plus tard.

Celle-ci n’aura guère été dissuasive puisque c’est l’année suivante à peine que les Mpozagara recrutent une autre victime pour remplacer leurs nièces libérées, Méthode Sindayigaya.

En 2013, une des filles du couple, Viviane, publiera un livre, “Ghetto de riches, ghetto de pauvres”, décrivant sa jeunesse dorée à Paris – pendant que sa cousine Chantal trimait dans sa maison – et sa prise de conscience du sort des autres à l’occasion d’un retour au Burundi.

Par Marie-France Cros