La Commission d’enquête sur le Burundi a été établie par le Conseil des droits de l’homme suite à la résolution 33/24 du 30 septembre 2016. Elle a un mandat d’un an et est composée de :
• Fatsah Ouguergouz (Algérie), son Président
• Reine Alapini Gansou (Bénin)
• Françoise Hampson (Royaume-Uni)
MANDAT ET TERMES DE RÉFÉRENCE
La résolution 33/24 du Conseil des droits de l’homme charge la Commission d’enquête d’accomplir les tâches suivantes :
• Mener une enquête approfondie sur les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits commises au Burundi depuis avril 2015, notamment pour en évaluer l’ampleur et déterminer s’il s’agit de crimes de droit international, afin de contribuer à la lutte contre l’impunité.
• Identifier les auteurs présumés de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits commises au Burundi, en vue de faire pleinement respecter le principe de responsabilité.
• Formuler des recommandations sur les mesures à prendre pour garantir que les auteurs de ces actes aient à en répondre, quelle que soit leur affiliation.
• Dialoguer avec les autorités burundaises et toutes les autres parties prenantes, en particulier les organismes des Nations Unies, la société civile, les réfugiés, la présence du Haut-Commissariat au Burundi, les autorités de l’Union africaine et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, afin de fournir l’appui et les conseils nécessaires à l’amélioration immédiate de la situation des droits de l’homme et à la lutte contre l’impunité.
• Présenter au Conseil des droits de l’homme un exposé oral à ses trente-quatrième (mars 2017) et trente-cinquième sessions (juin 2017) et un rapport final pendant le dialogue qui aura lieu à sa trente-sixième session (septembre 2017).
• Présenter son rapport à l’Assemblée générale et aux autres organes internationaux concernés.
La Commission d’enquête a interprété son mandat comme suit :
Compétence matérielle
Le paragraphe 23 a) de la résolution 33/24 précise que la Commission mènera « une enquête approfondie sur les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits commises au Burundi (…) notamment pour en évaluer l’ampleur et déterminer s’il s’agit de crimes de droit international. » Par « violations des droits de l’homme », la résolution vise, selon la définition courante, toutes les violations, par des agents ou entités étatiques, des droits de l’homme garantis par la législation nationale et le droit international. Par « atteintes » aux droits de l’homme, la résolution renvoie aux exactions commises par des entités non-étatiques, ou leurs membres.
Étant donné l’ampleur de son mandat et du délai relativement bref qui lui est imparti, la Commission se concentrera en priorité sur les violations des droits de l’homme et les atteintes à ceux-ci les plus graves, en particulier celles qui sont susceptibles de constituer des crimes de droit international, tels que définis dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Dans son rapport final, la Commission mettra l’accent sur certains cas et événements emblématiques.
Compétence personnelle
Le paragraphe 23 b) de la résolution 33/24 charge la Commission d’« identifier les auteurs présumés de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits commises au Burundi, en vue de faire pleinement respecter le principe de responsabilité. La Commission examinera les allégations de violations des droits de l’homme et les atteintes à ceux-ci commises par toutes les parties, y compris les forces étatiques, mais également les groupes armés, ou leurs membres, au Burundi. La Commission mènera ses enquêtes de manière impartiale et sans parti pris.
La Commission établira, dans la mesure du possible, les responsabilités individuelles pour les violations des droits de l’homme et les atteintes à ceux-ci. Plus généralement, elle s’efforcera d’identifier les entités responsables et les chaînes de commandement.
Compétence territoriale
Le paragraphe 23, alinéas a) et b), de la résolution 33/24 circonscrit le champ d’application géographique de la Commission d’enquête aux violations et atteintes aux droits de l’homme « au Burundi », c’est-à-dire commises sur le territoire du Burundi, ce qui inclut un examen des atteintes commises sur le sol burundais par des entités non-étatiques, ou leurs membres, basés à l’étranger.
Compétence temporelle
Le paragraphe 23 a) de la résolution 33/24 précise que la Commission mènera « une enquête approfondie sur les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits commises au Burundi depuis avril 2015 (…) » La résolution fixe donc clairement le début du mandat de la Commission qui coïncide avec les premières manifestations contre le troisième mandat présidentiel de Pierre Nkurunziza. La Commission sera en mesure d’enquêter jusqu’à la fin du mois de juin 2017 en raison des exigences éditoriales qui l’obligent à finaliser son rapport dans le courant du mois de juillet. Les développements ultérieurs survenus au Burundi pourront être traités dans l’exposé oral que la Commission fera devant le Conseil des droits de l’homme en septembre 2017, à l’occasion de la présentation de son rapport final.
Le texte intégral des termes de référence de la Commission est disponible sur ce lien.
La Commission d’enquête a présenté ses premières activités et observations
Commission d’enquête sur le Burundi
GENÈVE, 13 mars 2017 – M. Fatsah Ouguergouz (Président), Mme Reine Alapini Gansou et Mme Françoise Hampson, les membres de la Commission d’enquête sur le Burundi établie en vertu de la résolution 33/24*, ont fait aujourd’hui une présentation orale** devant le Conseil des droits de l’homme. Ils ont résumé le travail entrepris depuis leur nomination en novembre 2016 et ont présenté leurs premières observations sur la situation des droits de l’homme au Burundi.
« Nous sommes préoccupés par l’ampleur et la gravité des violations des droits de l’homme et des atteintes à ceux-ci qui ont été portées à notre attention », ont-ils déclaré.
« Sur la base d’une série de premiers entretiens que nous avons menés avec diverses sources, il ressort que les tendances observées en 2015 et 2016 persisteraient », ont-ils ajouté.
Dans leur présentation, M. Ouguergouz, Mme Gansou et Mme Hampson ont fait état de la persistance d’allégations de violations des droits à la vie et à l’intégrité physique, évoquant en particulier la multiplication des disparitions forcées. Les arrestations, notamment de personnes soupçonnées de participer à des groupes de l’opposition, continuent d’être rapportées tout comme les allégations de torture.
L’exercice de certaines libertés publiques connaît toujours des entraves suite notamment à l’adoption de nouvelles lois restrictives sur les organisations non-gouvernementales. La majorité des journalistes, des membres de la société civile et des partis d’opposition qui avaient fui le pays en 2015 sont toujours en exil.
Les membres de la Commission d’enquête ont également fait état de pratiques d’extorsion et de rançonnement qui se seraient renforcées suite à un affaiblissement de l’Etat de droit.
« L’impunité quasi-totale dont jouiraient les auteurs de ces violations nous inquiète particulièrement. Même lorsque des victimes ou témoins sont en mesure d’identifier les auteurs présumés, les cas de poursuites judiciaires seraient rares à l’encontre d’agents de l’Etat ou de ceux qui auraient son soutien », ont-ils déploré.
« Nous réitérons notre appel au Gouvernement du Burundi à coopérer avec notre Commission. Cette coopération revêt une grande importance pour la conduite de nos enquêtes sur les violations et atteintes commises par toutes les parties. Nous entendons mener ces enquêtes de manière professionnelle, indépendante et impartiale en écoutant chaque partie prenante », ont-ils déclaré.
M. Ouguergouz, Mme Gansou et Mme Hampson ont également appelé les Etats membres du Conseil des droits de l’homme, les Etats de la région, les Nations Unies, l’Union africaine et les organisations sous-régionales à coopérer avec la Commission d’enquête.
La Commission d’enquête a publié un appel sur sa page internet** afin de recueillir des informations de la part de toutes les personnes et organisations intéressées.
La résolution 33/24 du Conseil des droits de l’homme prévoit que la Commission d’enquête fera une seconde présentation orale à la trente-cinquième session du Conseil des droits de l’homme en juin 2017 et présentera un rapport final à la trente-sixième session en septembre 2017.
Persistence des violations graves des droits de l’homme dans un climat de peur généralisé
Commission d’enquête sur le Burundi
GENÈVE, 15 juin 2017 – « Nous avons été frappés dans nos enquêtes par le sentiment de peur profonde et généralisée qui se dégage des témoignages que nous avons recueillis », ont déclaré M. Fatsah Ouguergouz, Mme Reine Alapini Gansou et Mme Françoise Hampson, les membres de la Commission d’enquête sur le Burundi, au cours de leur seconde présentation orale* devant le Conseil des droits de l’homme.
« Nous sommes aujourd’hui en mesure de confirmer nos craintes initiales quant à l’ampleur et la gravité des allégations de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ceux-ci commis depuis avril 2015 au Burundi », ont-ils affirmé.
La Commission a regretté une fois de plus le manque de coopération du Gouvernement du Burundi et l’absence d’accès au pays. Toutefois, elle s’est entretenue avec de nombreux Burundais en exil et s’est rendue notamment en Tanzanie, au Rwanda, en Ouganda, en République démocratique du Congo et au Kenya. Depuis le début de ses enquêtes, elle a recueilli plus de 470 témoignages sur des violations des droits de l’homme qui auraient été commises depuis avril 2015 au Burundi.
Ces violations incluent des exécutions extra-judiciaires, des actes de torture et autres traitements inhumains et dégradants, des violences sexuelles et basées sur le genre, des arrestations et détentions arbitraires et des disparitions forcées, souvent accompagnées de demandes de rançons importantes aux familles contre des promesses de libération de détenus ou pour retrouver les personnes disparues. Bon nombre de ces violations ont été commises par des agents du Service national de renseignement et de la police, parfois secondés par des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir – les Imbonerakure.
« Nous avons été frappés par le caractère particulièrement cruel et brutal des violations qui nous ont été rapportées », ont noté les membres de la Commission. Ils ont reçu des témoignages faisant état, lors des séances de torture, de l’usage de matraques, de crosses de fusil, de baïonnettes, de barres de fer, de chaînes métalliques ou de câbles électriques ayant eu pour effet, dans certains cas, de casser les os de la victime ou de lui faire perdre connaissance, d’aiguilles enfoncées ou des produits non-identifiés injectés dans le corps des victimes, d’ongles arrachés avec des pinces, de brûlures, ainsi que de nombreux sévices sur les parties génitales masculines. « Dans plusieurs cas, les actes de torture et les mauvais traitements ont été accompagnés d’insultes violentes et de menaces de mort, y compris à caractère ethnique », ont-ils précisé.
La Commission d’enquête a également documenté des cas de violence sexuelle, particulièrement contre des membres féminins de la famille d’opposants politiques, notamment par des présumés Imbonerakure.
« Ces violations des droits de l’homme sont entretenues par des discours de haine, parfois à dimension ethnique, prononcés par certaines autorités de l’État et des membres du parti au pouvoir, comme l’a récemment illustré une vidéo ayant circulé en avril 2017, montrant une centaine d’Imbonerakure en train d’entonner un chant appelant à « engrosser les opposantes pour qu’elles enfantent des Imbonerakure » », ont ajouté les membres de la Commission. Cependant, les témoignages indiquent que les victimes sont ciblées le plus souvent en raison de leur opposition présumée au gouvernement, indépendamment de leur appartenance ethnique.
La résolution 33/24** établissant la Commission d’enquête sur le Burundi prévoit que cette dernière présentera un rapport final à la trente-sixième session du Conseil des droits de l’homme, en septembre 2017. D’ici là, la Commission va poursuivre ses enquêtes et procéder à un travail d’analyse, notamment pour établir si certaines violations ou atteintes constituent des crimes de droit international et, le cas échéant, établir les responsabilités individuelles.
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* Le texte de la résolution A/HRC/33/24 est disponible sur :
http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/RegularSessions/Session33/Pages/ResDecStat.aspx
** Le texte complet de la présentation orale des membres de la Commission d’enquête et l’appel à informations sont disponibles sur la page internet de la Commission:
http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/HRC/CoIBurundi/Pages/CoIBurundi.aspx
Contact pour les médias : Rolando Gómez, +41 (0) 22 917 9711, rgomez@ohchr.org, et Cédric Sapey, +41 (0) 22 917 9751, csapey@ohchr.org
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