(Reportage en images) Première lecture : les fausses idoles.
Lecture du livre du prophète Jérémie (10, 1-7)
01 Écoutez, maison d’Israël, la parole que le Seigneur a prononcée sur vous.
02 Ainsi parle le Seigneur : N’apprenez pas la conduite des nations ; ne soyez pas terrifiés par les signes du ciel, du fait que les nations en sont terrifiées :
03 les décrets des peuples ne sont que vanité. Voici du bois coupé dans la forêt, travaillé au ciseau par la main de l’artisan,
04 enjolivé d’argent et d’or ; on les fixe avec des clous et des marteaux pour qu’ils ne vacillent pas.
05 Ils sont comme un épouvantail dans un champ, ils ne parlent pas. On doit les porter, car ils ne marchent pas. N’en ayez pas peur : ils ne peuvent faire du mal, et du bien, pas davantage !
06 Nul n’est comme toi, Seigneur ; tu es grand, ton nom est grand et puissant.
07 Qui ne te craindrait, roi des nations, comme cela te revient ? Oui, parmi tous les sages des nations et dans tous leurs royaumes, nul n’est comme toi.
Evangile : la valeur du service à la nation
Bonne Nouvelle de Jésus Christ selon saint Matthieu (20, 17-28)
17 Montant alors à Jérusalem, Jésus prit à part les Douze disciples et, en chemin, il leur dit :
18 « Voici que nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes, ils le condamneront à mort
19 et le livreront aux nations païennes pour qu’elles se moquent de lui, le flagellent et le crucifient ; le troisième jour, il ressuscitera. »
20 Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de Jésus avec ses fils Jacques et Jean, et elle se prosterna pour lui faire une demande.
21 Jésus lui dit : « Que veux-tu ? » Elle répondit : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. »
22 Jésus répondit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » Ils lui disent : « Nous le pouvons. »
23 Il leur dit : « Ma coupe, vous la boirez ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé par mon Père. »
24 Les dix autres, qui avaient entendu, s’indignèrent contre les deux frères.
25 Jésus les appela et dit : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir.
26 Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ;
27 et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave.
28 Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »
Homélie
La première lecture est tirée du livre du prophète Jérémie qui vécut à une époque très difficile. Les enfants d’Israël ont été déportés à Babylone et ceux qui sont restés au pays vivent très mal.
Et quand on vit très mal, on se tourne vers des divinités pour implorer leurs faveurs. Le prophète prévient la dérive : « N’apprenez pas la conduite des nations ! »
Que font les nations païennes ?
« Voici du bois coupé dans la forêt, travaillé au ciseau par la main de l’artisan, enjolivé d’argent et d’or ; on les fixe avec des clous et des marteaux pour qu’ils ne vacillent pas.
Ils sont comme un épouvantail dans un champ, ils ne parlent pas. On doit les porter, car ils ne marchent pas. »
Les nations se fabriquent des idoles ! Des dieux faits de main d’homme, façonnés à partir du bois. Des dieux qui ne savant ni marcher, ni parler, ni écouter ! On les respecte, on attend tout d’eux, on a peur d’eux !
N’en ayez pas peur, dit le prophète : ils ne peuvent faire du mal, et du bien, pas davantage !
A l’époque coloniale, les Barundi s’étaient fait des idoles. Je ne parle pas des ibiheko, des amulettes. Je parle des colons.
Les colons dictaient tout. Leur volonté était exécutée sans la moindre hésitation. Ils avaient droit de vie et de mort sur les citoyens. On avait peur d’eux !
Alors vint le prince Rwagasore, le briseur d’idoles. Comme Moïse, le libérateur. Dans une Egypte où un culte était rendu au soleil, Moïse révéla aux enfants d’Israël que le soleil n’était pas Dieu, que c’est plutôt Dieu qui a créé le soleil !
Rwagasore apprit aux Barundi que le colon qui portait le feu dans sa poche et dont la magie offrait à ses adorateurs quantité de biens de consommation, que ce colon n’était pas tout-puissant. Que le Burundi devait redevenir maître de son destin.
Les briseurs d’idoles sont d’habitude persécutés. On les met à mort ! Moïse fuyait Pharaon. Rwagasore n’eut pas le temps de fuir.
« Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes, ils le condamneront à mort. »
Rwagasore a été victime d’un attentat. A 29 ans et 9 mois seulement !
Il aurait eu aujourd’hui 90 ans ! Quand le Burundi compte 60 ans d’indépendance ! Qu’est-ce que ce leader n’aurait pas réalisé en ces 60 ans d’autodétermination, lui le briseur d’idoles.
Moïse a eu le temps d’initier Israël à l’exercice de sa liberté. Car il ne suffit pas d’acquérir sa liberté. Encore faut-il savoir vivre libre. Rwagasore décède trop vite et laisse un Burundi désorganisé qui s’égare dans des divisions et des meurtres sans fin ! Jusqu’au génocide !
La main qui a tué Rwagasore et le cerveau qui a organisé sa liquidation, ont fait beaucoup de mal au Burundi et ont causé un lourd préjudice à toute la nation.
Maintenant, il va falloir remonter la pente, reconstruire en veillant à bâtir sur de bonnes fondations. Une de ces fondations est le sens du service à rendre à la nation. L’évangile aborde cette importante question.
Attention à la mère des Zébédée ! Au Burundi elles sont légion les femmes ambitieuses qui réfléchissent comme la mère des Zébédée.
« Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. »
On a beau leur dire que diriger une nation n’est pas une sinécure où le premier venu peut s’essayer sans risque. Jésus parle même de « coupe à boire », pour dire qu’il s’agira de se sacrifier, de donner sa vie.
Rien à faire. Ils veulent le pouvoir ! Ils se battent pour le pouvoir. Ils veulent manger et se saouler du pouvoir !
Jésus rappelle :
« Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. »
Devenir grand devient être serviteur. Être le premier devient être l’esclave !
La récente crise du carburant a montré qu’au Burundi les ministres ne sont pas toujours au service de la population. En latin « ministre » signifie « serviteur ». Or pour certains de nos ministres, le service à la nation, c’est le dernier de leurs soucis… « C’est pas vrai », diront-ils. Qu’ils fassent taire la rumeur avec leurs réalisations. Ce sont leurs actes qui pourront démentir.
Nous avons besoin de vrais héritiers du prince Rwagasore, des hommes épris de liberté, des briseurs d’idoles.
Nous avons besoin de vrais héritiers du prince Rwagasore, qui gens qui ont retenu la phrase de son discours inaugural (une phrase restée comme sa devise) et qui ont le courage de la répéter après lui : « Vous nous jugerez à nos actes et votre satisfaction sera notre fierté ».
Abbé Daniel Nahimana
Bruxelles le 13 octobre 2022.