Honorer les ancêtres au quotidien est la fierté que Ngurube de Mwaro veut raviver chez les Barundi.
Gitega (Mwaro), 11/06/2024 – Le vieux royaume d’Ingoma Y’Uburundi [1], cet état millénaire niché au cœur de Kama ( Afrique ), connu aujourd’hui sous le nom de Burundi, regorge d’histoires et de traditions anciennes. Les Barundi, peuple de l’Ubungoma et de l’Ubuntu, perpétuent chaque jour, depuis leurs collines verdoyantes, des rites ancestraux. À travers le couple sacré MukaKiranga et Kiranga, ils pratiquent le Kubandwa, un rituel qui leur permet de se connecter au monde caché d’Imana avec une joie ineffable. Ils deviennent ainsi des forces positives, aidant les âmes (imitima) [2] de leurs ancêtres disparus, engagées dans leur processus de résurrection ou de retour à notre univers ou notre monde tangible ( cf. Uburemagi, isi). Car, dans la croyance des Barundi, les âmes ne meurent jamais, elles sont éternelles.
M. Ngurube, alias Rugamba de Bariza, est un citoyen humble de la colline Musimbwe, située dans la commune Gisozi à Mwaro. Pour lui, « Kudaterekera imizimu y’abasokuru n’abasokuruza bawe uba warataye akaranga ntan’inguvu ushobora kugira », ce qui signifie : « Ne pas honorer les esprits de tes ancêtres, c’est perdre tes traditions et ta force » [3].
Ngurube est empli de colère envers le Burundi moderne, ce Burundi où les Barundi, aliénés par la colonisation – véritable crime contre l’humanité – ont oublié l’Ubuntu, essence même de leur identité. Pour lui, honorer un esprit étranger est une perte de repères. Aujourd’hui, quand on parle d’esprits, ils sont souvent perçus comme mauvais, comme des démons, à maudire et à mépriser.
Pourtant, chaque jour, ces Barundi « aliénés » vénèrent les saints des Blancs : « Saint Michel, priez pour nous ; Saint Benoît, priez pour nous, donnez-nous la sagesse, donnez-nous la force« . Ironiquement, ces saints, objets de leurs prières ferventes, ne sont plus en vie, ne sont plus dans le corps, ils sont eux aussi des esprits.
Ngurube rappelle, avec une sagesse amère, que ce que vivent les Barundi aujourd’hui est le résultat d’une imposition par les armes. Les religions actuelles furent imposées par la force, contraignant nos ancêtres à les accepter. Il exhorte ses compatriotes à revenir à l’Ubuntu. Il ne s’oppose pas à ce que chacun suive son propre culte, mais son appel est à l’amour des ancêtres et de nos traditions. Il observe que dans d’autres nations, l’honneur rendu aux ancêtres est source de force et de guidance. Pour lui, il est essentiel que les Barundi honorent leurs propres ancêtres ( « Saint Ntare Rugamba, priez pour nous ; Saint Mwezi Gisabo, priez pour nous, donnez-nous la sagesse, donnez-nous la force etc. ) plutôt que ceux des autres nations, car depuis toujours, les ancêtres savaient qu’une personne morte ne disparaît pas complètement, qu’elle quitte le corps pour revenir sous forme d’esprit.
Notes :
[1] Burundi : D’où vient le mot ” Burundi ” ? – https://burundi-forum.org/100786/burundi-dou-vient-le-mot-burundi/
[2] Source bdiagnews.com – Le processus de réincarnation de l’âme après la mort chez les Barundi : Lorsque l’on mourait, l’âme (umutima), avant de quitter notre monde réel Uburemagi, se scindait en deux : d’une part, l’umutima devenait « iroho » (une âme sans esprit) allant directement dans le monde des couples MukaKaryenda et Karyenda ; et d’autre part, l' »esprit » (umuzimu) de l’âme du défunt restait au Burundi, soit le monde des couples MukaKiranga et Kiranga. Ainsi, dans le monde du grand tout ou du couple MukaKaryenda et Karyenda, soit du néant, des sons , des vibrations, du désordre, du chaos, et de la pureté éternelle, l’iroho (une âme sans esprit) se liait à izuka, un nouvel esprit lui permettant d’entrer dans le monde caché d’Imana où commençait le voyage de cette nouvelle âme (umutima, comprenant cet esprit nouveau izuka devenu impwemu) pour retrouver l’umuzimu (l’esprit du défunt parti) dans le monde du couple MukaKiranga et Kiranga ou au Burundi. Une fois retrouvé, après une épreuve nécessitant l’harmonie, cette âme réincarnée, avec deux esprits devenus un, attendait au ciel (ijuru) avant de ressusciter dans notre monde réel, Uburemagi.
[3] Source : Irisnews.
Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Mardi 11 juin 2024 | Photo : IrisNews