Mme Sibomana, accusée d’avoir dénoncé des abus sexuels commis par un prêtre, est acquittée après un long procès difficile.
Gitega, 2/07/2024 – Par une journée de janvier 2023, l’école paramédicale de Gitega devint le théâtre d’une révélation bouleversante. M. Havyarimana François, alors Ministre burundais de l’Éducation, assistait à une réunion lorsqu’une voix tremblante mais déterminée, celle de Mme Sibomana Emilienne, accusa publiquement l’Abbé Ntakarutimana Laurent d’abus sexuels sur les jeunes filles de l’établissement. La vérité, aussi lourde soit-elle, ne tarda pas à provoquer une onde de choc. Mme Sibomana fut arrêtée peu après et passa un an et demi derrière les barreaux, une période d’incertitude et d’angoisse qui sembla interminable.
La Cour d’appel de Gitega, après une plaidoirie en juin 2024, vient d’acquitter Mme Sibomana, ancienne secrétaire au Lycée Christ-Roi de Mushasha. Sa défense, prise en charge par la Fédération nationale des syndicats du secteur de l’enseignement et de l’éducation du Burundi (FNASEEB) et menée par Me Niyonizigiye Michella, fit face à un ministère public implacable représenté par Me Nibigira Gertrude. Initialement condamnée par le Tribunal de Grande Instance de Gitega à cinq ans de prison et à une amende de 5.000.000 BIF pour diffamation, son acquittement est une délivrance.
Mme Sibomana Emilienne avait décrit avec une précision glaciale les actions de l’Abbé Léonard Ntakarutimana : ses fréquentes visites au dortoir des filles, les appâtant avec des beignets et autres friandises, et les autorisant à se laver nues dans la cour, sous son regard. Elle avait porté ces faits à la connaissance du responsable du bureau diocésain de l’éducation à Gitega.
Ce scandale résonne douloureusement avec celui qui a secoué la France, où 330 000 victimes ont été agressées sexuellement par des membres du clergé depuis 1950, un phénomène « massif » et « systémique » [1]. Au Burundi, la prêtrise est souvent un refuge socio-économique plutôt qu’une véritable vocation spirituelle, dans un pays où les Barundi, convertis de force au christianisme entre 1920 et 1945, restent profondément enracinés dans les valeurs de l’Ubungoma et de l’Ubuntu.
[1] Abus sexuels dans l’Église catholique : l’état des lieux accablant de la commission Sauvé – https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/10/05/pedocriminalite-un-etat-des-lieux-devastateur-pour-l-eglise-catholique_6097197_3224.html
Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Mercredi 3 juillet 2024 | Photo : Yaga Burundi