Burundi : Trente et un ans après l’assassinat de Ndadaye.

GLOBALISATION, SECURITE, GEOPOLITIQUE AFRICAINE

L’héritage de Ndadaye est essentiel pour comprendre les enjeux géopolitiques et la quête de paix au Burundi depuis 1993. Les Barundi se souviennent du 21 octobre 1993…

Bujumbura, 21/10/2024 – Dans un esprit de commémoration et dans une ambiance de souvenir empreinte de douleur, après une messe célébrée à la Cathédrale Régina Mundi, en présence des diplomates ainsi que de toutes les hautes personnalités du pays, le couple présidentiel, S.E. Ndayubaha Angéline, Première Dame du Burundi, et S.E. Ndayishimiye Evariste, Général Major et Président du Burundi, s’est dirigé vers le Mausolée du Héros de la Démocratie, situé au Palais des Martyrs de la Démocratie. En ce lieu, ils ont déposé une gerbe de fleurs sur la tombe de S.E. Ndadaye Melchior, ancien président du Burundi, tragiquement assassiné le jeudi 21 octobre 1993 par l’armée burundaise.

Depuis la fin des années 1980 [1] , les États-Unis [2] poursuivaient l’établissement de leur empire à l’échelle mondiale, y compris en Afrique, par le biais de ce qu’on désigne comme la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale (GUAN) [3]. En réponse à cette menace, la France initiait son propre projet de démocratisation [4] en Afrique, un continent qui était jusqu’alors sous la domination de dictatures militaires établies par son soutien, en lien avec les États-Unis, depuis les indépendances des années 1960.

Le dictateur burundais, le Major Buyoya ( parti UPRONA), initia un processus de démocratisation au Burundi. En 1993, le Président Ndadaye Melchior ( Parti Sahwanya FRODEBU ) fut élu lors d’élections démocratiques, à la grande surprise de tous, remplaçant ainsi le dictateur Buyoya, qui avait perdu son pouvoir. Cependant, cette victoire entraîna une tourmente politique au Burundi.

La France, par l’intermédiaire du dictateur Buyoya, ressentit une menace face à cette élection, car elle remettait en cause son contrôle sur un pays stratégiquement placé entre le Zaïre (devenu la RDC) et la Tanzanie. Pour les États-Unis, le Major Buyoya et le Président Ndadaye constituaient un défi pour leur influence, car ils s’inscrivaient dans une dynamique de « démocratisation » en opposition à la GUAN. Ainsi, les États-Unis et la France s’accordaient, chacun selon ses intérêts, pour écarter le Président Ndadaye du jeu géopolitique qui les opposait.

Le 21 octobre 1993 [5], le Président Ndadaye Melchior [6] fut assassiné [7] par l’armée burundaise, dont les officiers [8] étaient divisés entre ceux qui soutenaient les États-Unis (comme Bagaza) et ceux qui faisaient le choix de la France (comme Buyoya). Cet assassinat, motivé par des considérations géopolitiques, entraîna une guerre civile au Burundi qui durera une décennie. Le CNDD-FDD [3], force qui promeut l’héritage démocratique [9] de Ndadaye, finira par l’emporter.

La déclaration de Saint-Malo en 1998 constitua un tournant, où la France, sous la présidence de Chirac, capitula face à la GUAN, portée par les États-Unis et l’Angleterre. Cette dynamique débouchera sur la fin de la guerre au Burundi, avec les accords d’Arusha en 2001, suivis de l’accord global de cessez-le-feu en 2003.

Notes :

[1] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’Histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Génération Afrique, 2024.
[2] Pierre Péan, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Ed. Fayard, Paris, 2010.
[3] Nahimana Karolero Pascal, La Guerre civile du Burundi (1993-2003) : Face à la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale, le CNDD-FDD, Génération Afrique, 2024.
[4] Amzat Boukari-Yabara, T.Borrel, B. Collombat et T. Deltombe, L’Empire qui ne veut pas mourir : Une histoire de la Françafrique. Guerres, pillages, racisme, coups d’Etat, corruption, assassinats …, Ed. Seuil, 2023.
[5] Nsanze Augustin, Burundi : La descente au pas du putsh (1993-2000), Quebec, 2002.
[6] Sindayigaya Jean-Marie, Burundi-Histoire d’un Coup d’Etat Sanglant – 10 ans après, c’était le 21 octobre 1993.
[7] Kamana Jean Paul, Je refuse d’être un bouc émissaire d’un putschiste et assassin : Buyoya, Kapamla, 25 août 1995.
[8] Rukindikiza Gratien, Trahisons au Burundi. Un récit de 1962 à 1993, 2003.
[9] Ntibantunganya Sylvestre, Burundi. Démocratie piégé, Ed. Iwacu Europe, 2018.

Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Lundi 21 octobre 2024 | Photo : Ntare Rushatsi House

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