Burundi / ONU : Reconnaître 1972 – Entre multipolarité et héritages de colonialité

SECURITE, JUSTICE, GEOPOLITIQUE

À New York, Bujumbura réaffirme multilatéralisme, réforme onusienne et droits humains, tout en demandant reconnaissance du génocide hutu de 1972.

New York (USA, ONU), 29/09/2025 (BdiAgnews) – Dans la continuité de sa politique étrangère, le Burundi évolue encore dans l’ordre de la globalisation mis en place par les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale (1940-1945), devenu la Globalisation unipolaire américaine néolibérale (GUAN) entre 1989 et 2022 [1].

À l’occasion de la 80ème session de l’Assemblée générale des Nations unies, Bizimana Édouard, ministre des Affaires étrangères, s’est exprimé au nom de S.E. Ndayishimiye Evariste, général-major et Président du Burundi. Il a réaffirmé l’attachement indéfectible du pays à un multilatéralisme rénové, à la Charte des Nations unies, à la réforme du Conseil de sécurité, ainsi qu’aux droits humains — en rejetant leur instrumentalisation par des formes de soft power telles que la « guerre humanitaire ». Le ministre a présenté un Burundi post-conflit cherchant un pouvoir apaisé : un modèle de réconciliation nationale, de stabilité politique et de progrès démocratique, adossé à une vision socio-économique alignée sur les ODD : horizon 2040 pour l’émergence et 2060 pour le statut de pays développé [2]. Il a également demandé la reconnaissance du génocide contre les Hutu du Burundi (1972-1973), condition d’une paix durable fondée sur la vérité, la justice et la mémoire [3].

Dans le nouveau monde multipolaire qui se dessine depuis 2022, le Burundi demeure toutefois pris dans les filets de la colonialité, au lieu d’en profiter pour s’en affranchir. De 1920 à 1972-1973, ce que Baranyanka Charles (Muganwa) nomme « la Croix et la Bannière » — une alliance étatique coloniale occidentale, chrétienne et capitaliste — a successivement détruit : entre 1920 et 1944, l’Ubungoma (cosmologie et spiritualité) ; en 1965-1966, Ingoma (l’État dyarchique millénaire, institution politique traditionnelle) ; et en 1972-1973, l’Ubumu (système socioéconomique écologique, lié à l’Ibanga — aux lois du cosmos, de la nature et des mystères — et fondé sur l’harmonie). Ces piliers ont été remplacés, dans une logique de colonialité, par le christianisme, la république et l’économie de marché occidentale (le capitalisme) [4][5].

Question ouverte : cette « Croix et Bannière » peut-elle reconnaître le génocide du Burundi ? 

En février 2025, l’Union africaine a adopté la Décision Assembly/AU/Dec.934(XXXVIII), lançant un processus vers la qualification de la Colonisation comme Crime contre l’humanité et de certains actes comme Génocide, en mandatant la Commission du droit international de l’UA (AUCIL) pour en étudier les implications. Dans cette perspective de réparation, le Génocide contre les Hutu du Burundi (1972-1973) peut être réexaminé à l’aune de ce cadre continental émergent.

Références :
[1] Nahimana Karolero Pascal, La guerre civile du Burundi (1993-2003). Face à la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale, le CNDD-FDD, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[2] Bigirimana Jean, Réinventer le Burundi : L’énergie, l’agriculture, les TIC et l’éducation comme fondements du futur, Bruxelles, Ed. Les éditions du Net, 2025.
[3] – Ntibantunganya Sylvestre, Histoire d’un génocide occulté: Le Génocide des Bahutu du Burundi de 1972-1973, Ed. Sigumugani, 2025.
       – Kubwayo Félix, Mémorandum sur les massacres répétitifs des Hutu du Burundi de l’indépendance à 1992.: Appel à la conscience mondiale, Bruxelles, 2025.
[4] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015. (La « Croix et la Bannière » désigne l’alliance historique entre le Vatican, la France – notamment via les Pères Blancs de Lavigerie –, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis contre l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXᵉ siècle.)
[5] – Nahimana Karolero Pascal, Réfugiés du Burundi : Quand Ingoma s’est tu. Histoire géopolitique d’un peuple brisé par la Colonialité, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
     – Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.

Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Mercredi 1 octobre 2025 | Photo : Le Burundi aux Nations Unies (New York)

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