Les beaux jours du capitalisme sont révolus en Occident; dans le reste du monde, ils le seront dans 40 ans par Audrey Duperron · 15 juil. 2014
L’OCDE vient de publier un rapport de prédictions économiques jusqu’en 2060, qui décrit les tendances économiques dans les pays industrialisés et les pays émergents au cours des cinquante prochaines années. Paul Mason du Guardian en a pris connaissance, et l’a synthétisé comme suit :
◾Dans 50 ans, le monde sera 4 fois plus riche, plus productif, plus mondialisé et bien plus éduqué qu’aujourd’hui.
◾Cependant, La croissance mondiale moyenne à long terme sera d’environ 2,7%, parce que l’effet du rattrapage des économies émergentes en matière de croissance de la population, d’urbanisation, et d’éducation, va s’épuiser. Entretemps, la croissance sera d’environ 3% par an en moyenne.
◾La stagnation économique sera la norme dans le monde industrialisé.
◾Le marché du travail pour les personnes qualifiées va s’épanouir grâce aux progrès technologiques, mais tous les autres emplois seront menacés par l’automatisation.
◾Ce phénomène implique une hausse des inégalités de l’ordre de 30%. D’ici 2060, des pays comme la Suède seront aussi inégaux que le sont les USA actuellement.
◾Le changement climatique commencera à produire des effets économiques, tels que la destruction de capital, la disparition d’une partie des côtes et de l’agriculture. Selon l’OCDE, l’incidence sur le PIB mondial serait de l’ordre d’une baisse de 2,5%, et même de 6% pour celui de l’Asie du Sud-Est.
Toutefois, Mason met en garde contre un excès d’optimisme, rappelant que les analystes de l’OCDE ont basé leurs projections sur l’hypothèse d’une hausse rapide de la productivité liée aux progrès technologiques dans le domaine des technologies de l’information. Mais d’autres experts ne partagent pas ce point de vue. L’économiste américain Robert Gordon estime par exemple que les gains de productivité provenant des technologies de l’information technologie ont déjà été constatés et que cet effet est épuisé. Mason conclut donc que la croissance mondiale annuelle moyenne sera plus proche de 1% que de 3%.
L’OCDE a également prévu que l’Europe et les Etats-Unis absorberont 50 millions d’immigrants d’ici 2060, tandis que le reste du monde en accueillera 30 autres millions. (si cela ne se produit pas, ces pays risquent de tomber en faillite en raison de la réduction de leur assiette fiscale et de leur main d’œuvre). Mais que faire si le flux migratoire se tarit en raison de la croissance relativement forte dans les pays en développement? En outre, les chercheurs de l’OCDE n’ont pas tenu compte de la popularité croissante des mouvements populistes anti-immigration tant aux États-Unis qu’en Europe.
Malgré les lacunes du rapport, le message est clair:
Pour les pays riches, les beaux jours du capitalisme sont révolus. Pour les pays pauvres, qui expérimentent en ce moment les jours de gloire de l’industrialisation, ce sera fini en 2060 ».
D’après l’organisation, pour obtenir plus de croissance économique à ce stade avancé du capitalisme, il faut accepter plus d’inégalités. Même un taux de croissance médiocre de 3% nécessitera une plus grande flexibilité du marché du travail. En conséquence, la classe moyenne va disparaître en grande partie, et l’écart entre les riches et les pauvres va se creuser encore davantage.
En outre, le rapport souligne que compte tenu de la polarisation plus importante entre d’une part, des gens de plus en plus modestes, et de l’autre, une classe de super-riches, la fiscalité devra évoluer vers une taxation plus forte des fortunes, comme l’a suggéré Thomas Picketty. Mais cela sera probablement compliqué par le fait que les riches détiendront de plus en plus d’actifs immatériels, qui permettent une plus grande optimisation fiscale, notamment parce qu’ils peuvent être détenus juridiquement dans des pays à fiscalité plus clémente.
L’OCDE recommande plus de mondialisation, plus de privatisation, plus d’austérité, plus d’immigration et des impôts sur la fortune. Mais selon Mason, « les populations armées de smartphones, et d’un sens plus aigu de leurs droits humains, n’accepteront pas un avenir de fortes inégalités et de croissance faible ». Il prophétise qu’il en résultera « un programme du même acabit », autrement dit, de l’agitation sociale.