source : Xinhua, 24/08/2014
L’Afrique souffre d’un déficit de redevabilité en matière de « Gestion axée sur les Résultats de Développement » (GRD), estime le Béninois Aurélien Comlan Adidelga, consultant international en matière de GRD.

M. Adidelga, qui s’exprimait dans une interview accordée à Xinhua en marge d’une session de formation de hauts cadres burundais en GRD, déclare que dans la plupart des pays de l’ Afrique subsaharienne, les citoyens locaux sont peu exigeants en matière de qualité de service rendu par leurs autorités respectives.

Cette situation est due à la méconnaissance par les citoyens de leurs droits et devoirs dans bon nombre d’administrations africaines, explique-t-il.

« Il existe des normes internationales qui devraient obliger le responsable africain à quelque niveau où il se trouve d’offrir des services de qualité. Et c’est ça la vraie problématique de la redevabilité parce que d’un côté, nous avons les citoyens qui sont des détenteurs de droits et qui sont demandeurs de la redevabilité, et de l’autre côté, nous avons des porteurs de responsabilité qui sont des décideurs à différents niveaux et qui doivent réagir promptement face à la demande de l’offre des services de qualité », dit M. Adidelga.  Pour l’expert béninois, comme dans la majorité des administrations africaines, les citoyens n’ont pas accès à des services de qualité, il faudrait que le concept « redevabilité » soit approprié et qu’on en fasse même une stratégie nationale permettant à toutes les parties prenantes de s’en approprier.

Mieux conduit, a-t-il noté, le processus axé sur la GRD doit établir un lien entre six piliers fondamentaux, à savoir, la redevabilité, le leadership, la planification, la budgétisation, la mise en oeuvre et la suivi/évaluation, dans la mesure où la promotion de la culture de rendre compte oblige les citoyens à bien s’acquitter de leurs fonctions.

Pour M. Adidelga, « le manque de sanctions » dans les administrations africaines est une autre faille en matière de culture de la redevabilité.

« Quand quelqu’un fait bien, il n’est pas forcément récompensé, et quand quelqu’un fait mal, il n’est pas toujours fini comme cela se doit. Cette situation fait que les gens ne sentent vraiment pas l’importance de la redevabilité », fait-il remarquer.

Le tableau n’est pas entièrement sombre en Afrique, affirme M. Adidelga, dans la mesure où depuis 2007, l’ONG africaine AfrK4R ( Africa for Result) a lancé, en partenariat avec la Banque Africaine de Développement (BAD), le processus GRD, ce qui, selon lui, est déjà l’expression d’une volonté politique et d’un engagement pour changer les pratiques.

« Nous avons également observé ces dernières années en Afrique subsaharienne le montage des projets dans le domaine de la responsabilisation sociale en matière de promotion d’une culture de redevabilité notamment au Ghana, au Mozambique, au Bénin et au Sénégal. La valeur ajoutée de ces programmes est qu’elles aident les citoyens à comprendre qu’ils ont des droits à exercer; mais aussi les responsables au niveau central et au niveau déconcentré doivent comprendre qu’ils ont des obligations en terme de délivrance des services publics », dit M. Adidelga.

Malgré ses pas timides, poursuit-il, la culture de redevabilité en Afrique est en train de poser des jalons au Bénin où les mairies locales rassemblent leurs administrés à la fin de chaque année pour les présenter le bilan sur l’exécution des projets afin que le citoyen comprenne pourquoi il doit apporter sa contribution pour l’augmentation des recettes pour sa collectivité locale à travers le paiement des impôts et taxes.

Sur la question de savoir en quoi l’enracinement d’une culture de redevabilité peut impulser le développement économique de l’ Afrique, l’expert a indiqué que si par exemple certains pays africains producteurs de minerais mettaient en place des mécanismes de redevabilité obligeant toutes les parties prenantes à s’entendre sur les objectifs à atteindre en matière de GRD et le suivi des progrès dans le secteur minier, les appréciations finales ne seront pas biaisées et seront transparentes.

De la sorte, a-t-il noté, grâce à ses matières premières, l’ Afrique pourrait enregistrer de bonnes performances en GRD en réalisant des économies.

« Si la culture de redevabilité s’enracine solidement en Afrique, les abus relevés au cours des dernières décennies en matière de délinquance économique ou de flux illicite de capitaux, seront désormais contrôlés parce qu’on sera qui fait quoi avec quels moyens », a-t-il conclu.