Reconstruire le Burundi 50 ans après son indépendance, voilà la mission qui a été léguée, en 2005, à Pierre Nkurunziza, actuel président de la République. Réélu en 2010, le chef de l’État burundais défend le bilan de ses deux mandats à la veille des élections présidentielles de 2015. Des hauts et des bas…
Les Afriques : Monsieur le Président, on vous prête la volonté de vouloir modifier la Constitution burundaise, afin de briguer un troisième mandat en 2015, quel éclairage apportez-vous à de telles allégations ?
Pierre Nkurunziza : Au Burundi comme dans toutes les démocraties, la modification de la Constitution est une affaire qui ne dépend pas du chef de l’État. Il s’agit d’un acquis. Depuis l’Accord d’Arusha en Tanzanie, le 28 août 2000, notre pays a été déterminé à ne plus revenir à l’instabilité. La modification de la Constitution émane d’un souhait du peuple. Et le peuple seul décide si oui ou non un chef d’État reste à la tête d’un pays. Laissez-moi vous préciser une chose : notre pays est en phase d’évolution. À ce jour, nous avons pu organiser plusieurs ateliers pour vulgariser les pratiques démocratiques et les traditions autant de la gouvernance que de la bonne gestion, notamment grâce à l’appui de la communauté internationale. Il reste toutefois que nous avons encore un long chemin à parcourir.
LA : Plus de 45 partis politiques animent la vie politique au Burundi, l’opposition vous accuse d’essayer de l’affaiblir par la division. Comment évaluez-vous la scène politique burundaise ?
P.N. : Ce sont des allégations gratuites. Au Burundi comme dans d’autres pays, le pluralisme politique est aujourd’hui une réalité. Nous avons effectivement autour de 45 partis politiques. Il s’agit d’un constat tout à fait contradictoire avec ce qui se passe ailleurs dans les plus anciennes démocraties où l’on retrouve au maximum trois ou quatre partis.
Les scissions sont une partie intégrante du travail politique. Au sein même de mon parti politique le CNDD-FDD (Ndlr : le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie), nous sommes souvent confrontés à des divisions. Encore une fois, la scission est une question interne au sein des partis politiques.
LA : Vous étiez présent à la signature de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation en 2000, et qui a permis de mettre fin au conflit dans votre pays. Quel regard portez-vous sur cette période ?
P.N. : L’Accord d’Arusha marque la fin d’une période des déchirements. De 2000 à 2005, des accords de cessez-le-feu ont été appliqués. Cet accord, signé en 2000, a permis le retour de l’opposition de l’exil et la constitution d’une Assemblée nationale de transition en 2001, ainsi que l’organisation d’élections législatives et municipales en 2003. Viennent après des présidentielles en 2004. Il est important de souligner que l’Accord a été signé sous l’égide de feu Nelson Mandela.
Suite à cette période, nous avons essayé de préparer le texte de la Constitution pour parrainer l’équilibre actuel.
Nous savons très bien qu’au Burundi comme dans plusieurs pays africains, les fractions politiques dont souffre notre classe politique sont le résultat d’une indépendance – à laquelle nous n’étions pas préparés – et d’une décolonisation inachevée.
LA : Toujours est-il que le Burundi continue d’être classé parmi les pays à population souffrant de malnutrition…
P.N. : Comme vous le savez, nous sommes en train de subir les conséquences de la crise politique qui a longtemps duré au Burundi. En effet, environ 2 millions de Burundais se sont déplacés à l’extérieur du pays. Les 7 dernières années, nous avons assisté à un retour massif des réfugiés, et il était difficile de les accompagner. La guerre a fait qu’une majeure partie de la population s’est déplacée. Et qui dit guerre dit instabilité et non-accessibilité à la nourriture.