La capitale d’un pays est son coeur. Et le coeur du Burundi saigne. Inutile de mentir que la crise ne concerne que quelques quartiers. C’est toute la ville qui est prise en otage. Comment dormir tranquille à Rohero quand du côté de Saint Michel la police tire sur des manifestants? Comment ne pas avoir la peur au ventre quand pour quitter Kinindo, on doit supplier des jeunes drogués de vous ouvrir les barricades faites de branches d’arbres et de pierres? Comment ne pas piquer une sainte colère comme le Christ quand des enfants sont empêchés de se rendre à l’école et que même les médecins n’ont pas le droit se rendre au travail?
La capitale Bujumbura se meurt. Inexorablement. A petit feu. L’espoir s’éloigne. Le ciel s’assombrit des nuages noirs de fumée venant des pneus brûlés, des kiosques incendiés, de corps humains calcinés. Des bandes de jeunes irresponsables prennent la ville en otage. Impunément. Cela fait peur quand vous voyez un colonel de l’armée ou de la police, avec un pistolet chargé et des gardes du corps armés de kalachnikov, s’arrêter devant une barricade, supplier les jeunes de lui ouvrir le passage. Cela fait réfléchir et perdre tout son latin quand des jeunes surexcités, condamnent tout un quartier à l’oisiveté.
Voilà deux semaines que ça dure. Même quand on parvient à marcher à pied vers des axes routiers principaux, le calvaire perdure: les bus de transport en commun se font de plus en plus rares. Quand ils ne sont pas brûlés! Ou une fois sur le lieu du travail, aucune autre âme qui vive! Oublié le travail d’équipe. On regrette la mésaventure. On est encore une fois prisonnier dans son bureau. La peur au ventre, il faut rebrousser chemin. Devenir ainsi un otage docile. Les bandes des jeunes irresponsables font la loi, celle de la jungle!
Dans les quartiers de Bujumbura, seul le Nord de la capitale semble tourner et échapper au tableau si sombre. Apparemment. Car un habitant de Kamenge nous a confié que la peur règne dans les coeurs. Quartier pauvre, la plupart des habitants sont des débrouillards en ville. Or, s’ils se rendent au centre ville et qu’il n’y a rien qui tourne, ils rentrent bredouille. Comment décrire les sentiments d’une mère ou d’un père qui n’a plus rien à donner à ses enfants? Les dilemmes pleuvent : encourager les actions d’une autre bande de jeunes pour une action de contre offensive, comme en 1994 et marcher vers le Sud? Mourir debout plutôt devant les caméras du monde au lieu de crever dans un trou à rats devant ses enfants affamés? Fuir cette ville fantôme et retourner au village? Et où trouver l’argent pour les tickets de bus? A Gasenyi, mêmes désespoirs. Les otages tendent les mains vers le ciel!
Le jeudi 7 mai, un militant du CNDD-FDD a été brûlé vif à Nyakabiga. Deux autres jeunes soupçonnés d’être des Imbonerakure ont failli être lynchés par les bandes des manifestants à Cibitoke. Dans la nuit, bien des familles des militants du CNDD-FDD ont sollicité la protection de l’armée pour fuir le quartier. Comme en 1994, les bandes de jeunes irresponsables vont se jeter sur les maisons ainsi désertées pour piller, enlever les tôles et les portes. Retour de la balkanisation de 1994?
La police a été diabolisée pour l’empêcher de faire partie de la solution. Elle semble s’en accommoder au lieu de se monter à la hauteur de sa mission. L’armée est ovationnée pour l’endormir sur des lauriers. Et pendant ce temps, le gouvernement raconte des salades à l’opinion internationale: le pays est en paix à l’exception de quelques quartiers de Bujumbura! Et la présidente de la commission de l’Union Africaine de rétorquer: » Quand les gens fuient en masse, pas question de parler des élections. La priorité c’est la paix! »
La clé n’est pas dans l’intervention des pays voisins ou de la communauté internationale. Mais dans l’appel des instigateurs des manifestations à cesser le mouvement. A défaut, le commandant suprême des forces de l’ordre et de sécurité doit jouer son rôle. C’est ici des voies de sorties courageuses de la crise. En pensant à ce peuple et non aux intérêts partisans. L’heure est grave. Chaque jour d’attentisme ou de manoeuvres dilatoires, c’est des morts de trop dans les manifestations violentes, dans la dépression en solo ou à cause de la misère qui s’amplifie. Plus question de prétexte de mandat: pour ou contre on s’en fout! La paix s’il vous plaît!
Editeurs B-24