Selon le principal quotidien rwandais, les autorités de Kigali vont signer un accord avec le HCR pour accueillir 500 migrants actuellement en Libye, le temps que l’Europe traite leurs dossiers d’asile. A Londres, démission du speaker de la Chambre des Communes John Bercow, personnage-clé du Brexit.
Lisons la presse rwandaise ce matin…
En parcourant les derniers articles publiés par le New Times de Kigali, le principal quotidien rwandais, on découvre une information encore absente de nos journaux européens, alors qu’elle concerne directement notre continent. Jugez plutôt : The New Times nous apprend que ce mardi le gouvernement du Rwanda va signer un accord avec le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (HCR) et l’Union Africaine pour prendre en charge l’accueil (dans un premier temps) de 500 migrants ouest-africains qui sont actuellement pris au piège des centres de détention libyens.
Le quotidien nous rappelle qu’il y a deux ans déjà, quand avait été révélées les trafics, tortures et esclavagismes dont étaient victimes les réfugiés dans ces centres aux mains des milices libyennes, le président du Rwanda Paul Kagamé avait fait savoir que son pays était prêt à “jouer la carte de la solidarité africaine” et à offrir un refuge à ces migrants le temps que l’Europe instruise leurs demandes d’asile et décide de leur sort.
Le petit pays d’Afrique de l’Est va donc devenir, avec le Niger, le deuxième Etat du continent africain à accéder aux demandes européennes et onusiennes pour rejoindre le système dit ETM, pour Emergency Transit Mechanism, qui permet à l’UE de gérer les flux migratoires… le plus loin possible des côtes de la Méditerrannée.
C’est en tous cas le décryptage qu’en fait le New York Times qui a eu vent de l’affaire. Le quotidien new-yorkais décrit l’accord qui doit être signé aujourd’hui non pas un engagement entre le HCR et le gouvernement rwandais pour prendre en charge ponctuellement quelques centaines de migrants, mais bien comme la mise en place d’un partenariat avec l’Union Européenne pour s’occuper des réfugiés à sa place, moyennant une aide financière conséquente… et pas officiellement chiffrée.
Bruxelles agirait donc avec le Rwanda comme elle l’a fait ces dernières années à coups de milliards d’euros avec la Turquie, la Libye ou le Niger, avec tous les doutes que l’on peut avoir sur l’aspect moral, éthique, de cette stratégie. Et voilà qui inspire cette réflexion au New York Times: faut-il vraiment que la vie politique européenne soit fragilisée, empoisonnée par cette question des migrants pour que ces décideurs en arrivent à penser qu’il est une bonne chose de s’en remettre au Rwanda pour la gérer à leur place.
Le journal américain va même plus loin, citant un responsable de l’ONG Human Rights Watch qui fait le parallèle entre cette stratégie européenne qui consiste à éloigner le problème, et la politique migratoire (tant décriée ces dernières années) de l’Australie, laquelle parque ses demandeurs d’asile sur des lointaines îles du Pacifique avant d’accepter d’en accueillir une infime minorité sur son territoire et surtout d’en renvoyer la grande majorité, de force et à l’abri des regards, vers leur pays d’origine.
Mais The New Times de Kigali, lui, refuse de voir cet aspect-là des choses : il s’en tient à la communication très positive des autorités rwandaises, centrée sur l’impératif de solidarité qui s’impose aux Africains face aux exactions dont sont victimes leurs frères et leurs soeurs en Libye. Mais rien sur l’aide financière que devrait verser l’Europe en échange, et rien non plus sur les arrières-pensées diplomatiques que pourrait nourrir Paul Kagamé.
Dans les archives de La Croix, j’ai retrouvé un article datant de fin 2017 quand le monde avait pris conscience des horreurs subies par les migrants en Libye. Déjà à l’époque Kagamé avait fait savoir qu’il voulait participer à leur accueil, mais cette bonne volonté affichée avait prêté à quelques critiques, sachant qu’au même moment le Rwanda était sur la selette internationale pour “la dérive répressive de son régime, les tortures pratiquées sur des prisonniers dans ses centres de détention, et la censure qui se généralisait à travers le pays”, selon un rapport accablant de la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH).