Discours de Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Albert SHINGIRO, Représentant Permanent du Burundi auprès des Nations Unies à l’occasion du briefing du Conseil de Sécurité sur la situation au Burundi, New York, le 30 octobre 2019.
- Madame la Présidente, Distingués membres du Conseil de Sécurité, ma délégation voudrait d’entrée de jeu vous exprimer ses chaleureuses félicitations, vous personnellement et votre pays l’Afrique du Sud, pour votre accession à la présidence de ce conseil pour le mois d’octobre 2019. Votre riche et longue expérience et l’attachement de votre pays aux principes de la charte des Nations Unies et au droit international sont à la base du succès de votre présidence qui a commencé avec brio le 1er octobre 2019.
- Qu’il me soit également permis de saluer la présence parmi nous de Son Excellence Michel Kafando, l’Envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies. Comme vous êtes certainement au courant, lors de l’échange entre le Secrétaire général des Nations Unies et notre Ministre des Affaires Etrangères en marge de l’AG le 27 septembre 2019, les deux parties ont convergé sur la fin du mandat de l’Envoyé spécial en novembre 2019. Partant de ce constat, je m’en voudrais de ne pas remercier l’Envoyé spécial pour avoir mis son professionnalisme, son savoir-faire diplomatique et sa sagesse à la disposition du Burundi et de la région dans le cadre du processus de paix au Burundi. Aujourd’hui, je puis dire sans risque de me tromper qu’il a bien accompli sa mission. Il laisse derrière lui pays calme, stable et définitivement réconcilié. De notre côté, nous lui souhaitons bonheur et succès dans tout ce qu’il voudra entreprendre pour lui personnellement ou pour la communauté internationale dans les jours à venir.
- De même, je ne peux ne pas remercier Son Excellence l’Ambassadeur Jürg Lauber, Président de la configuration-Burundi de la Commission de consolidation de la paix pour sa présentation et pour tout ce qu’il a fait pour le Burundi dans le cadre du processus de consolidation de la paix. Nous lui renouvelons entre entière coopération.
- Madame la Présidente, mon intervention sera articulée sur cinq points. La situation politique qui sera dominé par les préparatifs des élections de 2020, l’état de la sécurité dans le pays, la situation humanitaire avec un accent particulier sur le retour des réfugiés, l’état de la situation des droits de l’homme ainsi que la coopération entre le Burundi et les Nations Unies d’une part et avec certains partenaires bilatéraux d’autres part.
- Madame la Présidente, la situation politique dans le pays est dominée par les préparatifs des élections de 2020 qui arrivent à niveau satisfaisant. Les mécanismes nationaux sur la préparation des élections sont déjà opérationnels. Sans être exhaustif, je citerai notamment, (I) La feuille de route de Kayanza conduisant aux élections pacifiques en 2020 a été adoptée après de très larges consultations au sein de la classe politique burundaise, (II) la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est déjà opérationnelle et tient régulièrement des conférences de presse sur l’état d’avancement du processus électoral dans la transparence totale en présence des membres de la Communauté internationale, (III) le code électoral révisé a été adopté par le Parlement en avril 2019 par 105 voix pour sur 108 Députés présents et votants. (IV) La décision du Gouvernement de financer l’entièreté du budget opérationnel des élections sans recours aux ressources extérieures souvent imprévisibles et conditionnelles (V) la publication par la CENI du calendrier électoral de tous les scrutins prévus en 2020, (VI) l’annonce par la CENI de la période de l’enregistrement partiel des électeurs qui n’ont pas pu se faire inscrire lors du référendum de 2018. Cet enregistrement partiel au rôle électoral aura lieu du 9 au 12 décembre 2019. C’est pratiquement dans les cinq semaines.
- Comme vous le voyez Madame la Présidente, les Burundais sont déjà plongés dans le processus électoral de 2020 et continuent de s’en approprier aussi bien sur le plan organisationnel que le sur le plan budgétaire. Tout en promettant aux Burundais et au monde des élections libres et transparentes et apaisées, nous voudrions rappeler à ceux qui essaient de s’en mêler sans y être expressément conviés, qu’au Burundi et ailleurs dans le monde, les processus électoraux sont une affaire interne qui relève exclusivement de la souveraineté nationale. Tout accompagnement extérieur doit être fourni sur demande du Gouvernement du Burundi conformément aux principes de la Charte de l’ONU. Et si accompagnement il y a, il ne doit pas bien entendu donner droit aux actes d’interférence caractérisée.
- Madame la Présidente, en ce qui concerne la promotion de l’environnement propice à la tenue des élections paisibles et inclusives, je mentionnerais entre autres gestes (I)L’élargissement de l’espace politique dans le pays par l’agrément de nouveaux partis politiques et la promotion de la liberté d’expression avec l’appui actif du Gouvernement (II) La levée de la suspension des partis politiques de l’opposition qui avaient enfreint à la loi régissant le fonctionnement des partis politiques (III) la décision maintes fois répétée du Président de la République de renoncer volontairement à ses droits constitutionnels de se représenter aux élections présidentielles de 2020, (IV) l’accueil et l’intégration des réfugiés qui rentrent en grand nombre, (V) le retour au pays des leaders politiques de l’opposition qui avaient fui le pays 2015, les derniers en date sont rentrés le 5 octobre 2019 (VI) la poursuite des consultations politiques constructives au sein du Forum des partis politiques dans un esprit d’ouverture et de tolérance politique, ces consultations sont aussi organisées au niveau provincial et communal (VII) la multiplication des messages des leaders politiques à leurs militants centrés sur la discipline, la cohésion sociale et la tolérance politique, (VIII) la décision prise par le Gouvernement, pour éviter la violence en marge des élections, de créer des comités mixtes à l’échelle nationale comprenant des jeunes de tous les partis politiques , (IX) l’engagement pris par les partis politiques de se consulter régulièrement sur tous les problèmes auxquels se heurte le pays au sein du Forum des partis politiques (X) Les déclarations publiques de représentants de l’État qui ont déploré et condamné quelques cas isolés de violence et encouragé la cohésion sociale et la cohabitation pacifique, (XI) la libération par grâce présidentielle au début de l’année, de plus de 2000 prisonniers incluant les jeunes casseurs et insurgés de 2015.
- Toujours au chapitre des élections, permettez-moi de vous informer que lors du Sommet du Mouvement des Non Alignés qui a regroupé du 25 au 26 octobre 2019 à Baku, en Azerbaïdjan, 120 Etats membres, les Chefs d’Etat et de Gouvernement du Mouvement des Non Alignés ont appelé à la tenue des élections libres, transparentes, inclusives et apaisées au Burundi en 2020. Ils ont félicité le Gouvernement du Burundi pour les étapes déjà franchies dans les préparatifs de ces élections. Ils ont en outre salué la décision souveraine du Gouvernement du Burundi de financer l’ensemble du processus électoral par les ressources nationales du pays.
- Au niveau continental, le Sommet des Chefs d’Etat de l’Union Africaine qui s’est tenu du 10 au 11 février 2019 à Addis-Abeba a félicité le Gouvernement du Burundi pour avoir initié les processus préparatoires des élections, en particulier la création de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ainsi qu’une Commission Vérité et Réconciliation (CVR). Le Sommet de l’Union Africaine a salué en outre, la déclaration faite par le Président Pierre Nkurunziza de ne plus se présenter aux élections présidentielles en 2020, et exhorté le Gouvernement et les partis politiques à travailler ensemble pour le bon déroulement des prochaines élections.
- Madame la Présidente, sur le plan sécuritaire, comme le précise le rapport du Secrétaire général au paragraphe 58, le Gouvernement du Burundi a fait des efforts notables pour améliorer les conditions de sécurité dans le pays. La situation sécuritaire au Burundi est stable, calme et entièrement maitrisée sur toute l’étendue du territoire à l’exception de quelques cas isolés de criminalités de droit commun qui existent aussi dans tous les pays. Du nord au sud, de l’ouest à l’Est en passant par le centre, la nuit comme le jour, les citoyens Burundais jouissent de leurs droits civiques et politiques dans la tranquillité. Les autorités des Nations Unies et d’autres organisations sous régionales qui ont visité le pays récemment ont été témoins oculaires du retour de la paix et de la sécurité au Burundi. Des efforts remarquables pour pérenniser cette paix chèrement retrouvée sont en cours dans tout le pays et cela passent avant tout par la promotion de l’amour patriotique et de l’attachement des Burundais aux principes et valeurs intrinsèques sur lesquels est bâtie notre Nation.
- En vue de se préparer à la sécurisation des élections, un plan de sécurisation du processus électoral de 2020 a été élaboré et des programmes de formation dans plusieurs domaines connexes aux élections sont en cours d’exécution. Le rétablissement de la paix, de la stabilité et de la confiance dans le pays est train de métamorphoser le paysage national. Aujourd’hui, tous les Burundais dans leur riche diversité se sentent en sécurité et protégés, participent librement au processus politique, sans restriction ni crainte, le discours politique et social est mené dans le respect mutuel et dans la tolérance et l’acceptation de l’autre.
- Sur le plan de la sécurité collective, nous continuons à participer activement à la lutte contre le terrorisme et dans les opérations de paix avec environ 6000 hommes sur le terrain principalement en Somalie et en RCA. Notre participation au maintien de la paix dans le monde est un retour d’ascenseur à la Communauté Internationale qui nous a toujours soutenus durant les moments difficiles de notre histoire. Cette contribution substantielle aux opérations de paix et à la lutte contre le terrorisme devrait être reconnue et appréciée à sa juste valeur.
- Madame la Présidente, en matière de développement, le plus grand défi de l’heure au Burundi est la lutte contre la pauvreté, ennemi commun de tous les Burundais de toutes les tendances politiques et sociales. C’est dans ce cadre que le Gouvernement du Burundi a préparé et finalisé le nouveau plan de développement national sur une période de dix ans allant de 2018 à 2027. A cet effet, nous sollicitons l’appui de nos partenaires traditionnels et non traditionnels pour accompagner notre pays dans sa mise en application. L’ONU, à travers l’équipe pays et la configuration-Burundi de la Commission de consolidation de la paix, peuvent servir de passerelles entre le Burundi et ses partenaires dans la mobilisation des ressources nécessaires pour compléter les efforts nationaux dans la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de développement du Burundi.
- Pour ce qui est de la situation humanitaire, nous nous félicitons du retour massif et volontaire des réfugiés Burundais qui avaient fui le pays en 2015. Au-delà des plusieurs milliers de Burundais qui rentrent d’eux-mêmes sans l’assistance du HCR, depuis le 1er août 2017 jusqu’au 29 octobre 2019, 375 réfugiés constitués de 26 739 ménages ont été rapatriés volontairement au Burundi en provenance de la Tanzanie, mais aussi du Kenya et de la RDC. Le plus récent groupe de 252 réfugiés constitué de 134 ménages, est arrivé hier à Kobero, en province Muyinga à la frontière nord avec la Tanzanie. Ce mouvement de retour volontaire massif est une manifestation évidente du retour de la paix, la tranquillité, la confiance et la stabilité dans le pays, nonobstant les propos de certains acteurs étrangers qui continuent de gonfler délibérément le nombre de réfugiés encore en exile pour maintenir le Burundi dans une psychose de crise artificielle et maintenir des emplois.
- Madame la Présidente, pour ce qui est de la situation des droits de l’homme, le Gouvernement du Burundi poursuit ses efforts pour améliorer la protection et la promotion des droits humains à travers plusieurs mécanismes nationaux qui ont été mis en place dont notamment la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) et coopère étroitement avec les mécanismes internationaux acceptés par tous comme l’Examen périodique universel (EPU) qui consiste à passer en revue les réalisations de l’ensemble des Etats membres de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme sans singulariser certains. La plupart des recommandations de l’EPU sont en train d’être mises en œuvre par le Gouvernement du Burundi. A titre d’exemple, le Gouvernement mène régulièrement des enquêtes impartiales, indépendantes et efficaces sur les cas d’allégations de violations des droits de l’homme portés à sa connaissance et qui sont avérés, afin que les responsables de tous les secteurs sans exception aucune, soient rapidement traduits en justice et punis conformément à la Loi.
- Au chapitre de la reconstruction de la confiance avec nos partenaires bilatéraux, le Gouvernement du Burundi œuvre pour la reprise des relations apaisées avec ses partenaires au développement dans un esprit de partenariat mutuellement bénéfique et respectueux. Ma délégation souhaite inviter nos partenaires, traditionnels et non traditionnels, de se focaliser plus vers l’avenir du Burundi et d’avancer ensemble en laissant de côté les malentendus passagers de 2015. C’est le moment maintenant de restaurer la confiance entre nous, de revoir les choses qui n’ont pas bien marché, et procéder à leur correction dans un esprit de confiance mutuelle. Nous devons composer avec le réalisme politique et éviter tout retour en arrière. La poursuite de la confrontation est contre-productive sur tous les points et pour les deux parties. Pour sa part, le Gouvernement du Burundi réaffirme sa ferme volonté d’embellir ses relations bilatérales avec ses partenaires au développement. C’est dans ce cadre que les Plus Hautes autorités du pays viennent de redéployer les nouveaux Ambassadeurs dans les pays où les relations bilatérales avaient connu des turbulences au lendemain de 2015.
- Madame la Présidente, en ce qui concerne la coopération avec les Nations Unies, nous nous réjouissons du rôle joué par l’équipe pays des Nations Unies au Burundi dans l’accompagnement des efforts nationaux dans la mise en œuvre du plan national de développement, des objectifs de développement durable ainsi que le plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement du Burundi, UNDAF 2019-2023. Le Gouvernement du Burundi s’engage à travailler de manière constructive avec l’équipe pays des Nations Unies au Burundi afin de parvenir à un développement socioéconomique durable dans l’intérêt de tous les Burundais.
- Toutefois, nous continuons de croire avec conviction que la présence du Burundi à l’agenda du Conseil de Sécurité est inopportune et viole la Charte des Nations Unies. La situation politico-sécuritaire actuelle dans le pays n’étant pas une menace à la paix et la sécurité internationale pour justifier le maintien du Burundi à l’agenda du conseil de Sécurité, nous réitérons notre appel légitime de retrait du Burundi à l’agenda de ce Conseil.
- Le maintien arbitraire du Burundi à l’agenda du Conseil est en train de créer un mauvais précédent. L’organisation intempestive des réunions sur le Burundi qui ne sont pas motivées par la réalité du terrain constitue un facteur de déstabilisation du pays au lieu de favoriser la paix et la tranquillité. Certains fauteurs de troubles en profitent pour commettre des crimes pendant les jours qui précèdent chaque réunion du Conseil de Sécurité.
- Madame la présidente, pour terminer, le Burundi réitère son attachement aux principes et valeurs véhiculés par la Charte des Nations Unies et sa détermination à renforcer la démocratie, à consolider la paix et la stabilité et à parvenir à un développement socioéconomique durable, harmonieux et inclusif dans l’intérêt du peuple Burundais.
Je vous remercie de votre aimable attention !