Le génocide des Hutus de 1972 au Burundi et ses conséquences à long terme : Une brève analyse pour la mémoire et la justice

Bruxelles, 26 avril 2025.  Le Burundi, pays des grands lacs africains, a connu une série de conflits ethniques dévastateurs. Le plus tristement célèbre est celui perpétré contre les Hutus du Burundi en 1972 (1) et qui reste largement et malheureusement méconnu. Pourtant, ses conséquences structurelles, sociales, économiques et intellectuelles ont modelé l’histoire contemporaine de notre pays, le Burundi.

Cet exposé vise à mettre en lumière la nature complexe de ce génocide et à démontrer que, bien au-delà des massacres physiques, le génocide des Hutus s’est poursuivi sous des formes indirectes mais tout aussi destructrices.

  1. Les événements de 1972 : le génocide physique

En avril 1972, le régime militaire du président Michel Micombero parle d’une insurrection hutu qui éclate dans le sud du Burundi. En réaction, le régime militaire du président Michel Micombero, dominé par des Tutsis-hima principalement originaires de la province de Bururi, orchestre une répression sanglante. En quelques mois, plus de 300.000 Hutus sont exterminés, en particulier les hommes instruits : enseignants (écoles primaire, secondaires et universitaire), fonctionnaires, étudiants (secondaire et universitaire), militaires, médecins, prêtres, etc…..

Ce massacre visait explicitement à anéantir toute future élite hutu capable de remettre en cause la domination politique tutsie. Il s’agissait d’un génocide planifié et organisé de manière systématique.

  1. Les conséquences à long terme : un génocide structurel et silencieux

2.1. Perte des pères et spoliation des biens

Des milliers d’enfants ont grandi orphelins, souvent sans accès à l’héritage de leurs pères. Les biens des victimes ont été confisqués ou redistribués arbitrairement, souvent au profit des proches du pouvoir. Les veuves ont été dépossédées sans recours juridique.

2.2. Génocide intellectuel

Après 1972, les autorités burundaises mettent en place un système de classification ethnique dans les écoles primaires : les enfants sont identifiés par les lettres « U » pour Hutus et « I » pour Tutsis. Cela permet un contrôle invisible mais efficace de l’accès à l’éducation secondaire et supérieure, avec des quotas secrets favorisant les Tutsis.

Cette situation de classification ethnique a caractérisé d’une manière flagrante les trois premières républiques militaires, dirigées d’une main de fer respectivement par Michel Micombero, Jean-Baptiste Bagaza et Pierre Buyoya, tous militaires d’ethnie tutsi-hima, originaires de la même province et de la même commune.

Ce mécanisme a eu pour effet d’exclure la majorité hutu du savoir, rendant impossible la reconstruction d’une élite intellectuelle, et renforçant l’asymétrie du pouvoir.

Ce mécanisme a eu pour effet d’exclure la majorité hutu du savoir, rendant impossible la reconstruction d’une élite intellectuelle, et renforçant l’asymétrie du pouvoir.

2.3. Exclusion politique, économique et sociale

Le pouvoir post-1972 était structurellement tutsi. Les Hutus étaient systématiquement exclus des postes de décision dans l’administration, l’armée, la justice, la diplomatie et les affaires. Leur accès à l’emploi public, aux crédits agricoles et aux opportunités économiques était fortement limité.

Sur le plan social, de nombreuses familles hutus qui vivaient dans des quartiers résidentiels ont été forcées de quitter leurs domiciles. Certaines ont été reléguées dans des quartiers populaires ou contraintes de se réfugier à l’intérieur du pays. Des enfants hutus se sont ainsi retrouvés dans la rue, sans toit, sans école et sans soutien, ce qui a entraîné une marginalisation générationnelle.

2.4. Silence de la mémoire

Parler de 1972 était interdit. Les survivants vivaient dans la peur. Il n’existait ni reconnaissance officielle, ni réparation, ni commémoration. Ce silence imposé a empêché la transmission de la mémoire et la réconciliation.

  1. Reconnaissance tardive et quête de justice

Ce n’est qu’en 2021 que la Commission Vérité et Réconciliation du Burundi (CVR) a officiellement qualifié les massacres de 1972 de génocide contre les Hutus. Cette reconnaissance, bien que tardive, est essentielle pour la reconstruction morale du pays.

Elle doit être accompagnée de politiques de mémoire, de justice transitoire, de réparation et d’éducation historique.

Conclusion

Le génocide des Hutus de 1972 au Burundi ne se limite pas à un massacre de masse : il s’inscrit dans une logique d’anéantissement total d’un groupe, à travers la violence physique, mais aussi par la marginalisation structurelle, la privation d’accès au savoir, à la parole et à la prospérité.

Pour construire un avenir de paix durable, la société burundaise, et notamment ses intellectuels, ont la responsabilité de regarder cette page sombre en face, de l’étudier, de la transmettre, et d’agir pour que plus jamais cela ne se reproduise. Le devoir de mémoire est un devoir de vie.

[1] Kubwayo Félix, La lente reconnaissance du génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi: Les faits et l’exécution du génocide par le pouvoir de Micombero, Bruxelles, 2025.  amazon.fr,

Par Bazikwankana Edmond