
Cette semaine, lors d’une session solennelle de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’ambassadeur du Burundi à New York, S.E. Zéphyrin Maniratanga, a prononcé un discours marquant qui place la question du génocide des Hutus de 1972 au cœur des revendications mémorielles et diplomatiques du pays. Plus de 50 ans après les faits, cette intervention courageuse et historique vise à rompre le silence international qui entoure encore cette tragédie.
Un message de vérité et de justice à l’échelle mondiale
Devant les représentants de la communauté internationale, l’ambassadeur Maniratanga a rappelé qu’entre 200 000 et 300 000 Hutus furent sauvagement exterminés en 1972 dans une campagne de violence organisée par le régime militaire de l’époque. Il a dénoncé le fait que ce génocide reste largement méconnu et jamais officiellement reconnu à l’international, malgré les preuves accumulées, notamment par la Commission Vérité et Réconciliation du Burundi.
« Cinquante ans, c’est trop long pour rester dans l’oubli » a-t-il martelé, en appelant l’Assemblée générale à briser cette invisibilisation.
Une extermination ciblée de toute une élite
Les victimes du génocide de 1972 ont été tuées non pas pour ce qu’elles avaient fait, mais pour ce qu’elles étaient : nées Hutus. Le régime militaire a délibérément ciblé les Hutus « évolués » ou influents : fonctionnaires, enseignants, médecins, officiers et sous-officiers militaires, prêtres, pasteurs, commerçants et étudiants. Cette politique d’extermination sociale visait à détruire toute forme de leadership hutu et à empêcher l’émergence d’une élite capable de représenter les aspirations de la majorité. Elle a également eu pour effet d’appauvrir générationnellement la communauté hutu, tant sur les plans intellectuel, culturel que politique.
Un appel à l’action : vers le Conseil de sécurité
Dans un geste sans précédent, M. Maniratanga a proposé que le génocide de 1972 soit formellement soumis au Conseil de sécurité de l’ONU. Cette demande vise à enclencher un processus de reconnaissance, mais aussi de responsabilisation politique et morale. Elle s’inscrit dans une volonté de justice historique et de réparation symbolique pour les familles des victimes et pour l’ensemble de la communauté hutu du Burundi.
Rappeler l’histoire pour éviter la répétition
L’ambassadeur a également souligné que le devoir de mémoire est un rempart contre la répétition des atrocités. En insistant sur l’importance d’une mémoire universelle, il a mis en garde contre les dangers de l’amnésie historique et du relativisme face aux crimes de masse. Le génocide des Hutus de 1972 ne doit pas rester une « affaire interne », mais faire partie des tragédies humaines que l’humanité tout entière reconnaît et mémorise.
Une diplomatie au service de la mémoire
Par cette intervention, le Burundi franchit un cap diplomatique majeur. Il affirme son droit à une mémoire respectée, à la justice historique, et à la reconnaissance de la douleur de ses citoyens. En donnant une voix internationale au génocide de 1972, Zéphyrin Maniratanga a rappelé que la paix durable passe par la vérité et que la diplomatie peut être un vecteur de mémoire et de réconciliation.
Le message est clair : aucun peuple, aucune souffrance ne doit rester dans l’ombre. Il est temps que le monde entende l’appel du Burundi.
Par Bazikwankana Edmond