Nous nous sommes demandé pourquoi les tutsi qui gravitent autour d’Alexis Sinduhije (Maggy Barankitse, Pacifique Nininahazwe, Ciramunda,etc.) ont eu les nerfs tendus quand Buyoya présentait sa candidature à la direction de la francophonie. C’est la première fois dans l’histoire que nous avons entendu des tutsi du Burundi insulter un autre tutsi, le traitant à juste titre de criminel. La raison de cette sortie n’est certainement pas la pitié envers les populations massacrées par Buyoya, qui étaient principalement hutu, mais une rivalité politique.
Parmi les groupements politiques tutsi de l’opposition, on distingue deux grandes catégories: les Hima de Bururi (l’Akazu de Rutovu et alentours) avec comme chef de file Buyoya, et les tutsi d’ailleurs qui se meuvent dans le sillage de Sinduhije et de son parti MSD.
La majorité des disciples de Sinduhije sont des jeunes, qui ont tenté les années passées de gravir les échelons au sein du parti tutsi officiel UPRONA, mais qui ont trouvé toutes les portes barricadées par la vieille garde. Ils ont bifurqué vers le MSD. Leur mère nourricière est Marguerite Barankitse, qu’ils ont détournée de sa mission humanitaire pour en faire la financière du MSD. C’est l’unique qui a de l’argent. Sinduhije a pourtant un handicap majeur pour arriver à conquérir le pouvoir: il n’a pas de levier sur l’armée; c’est pour cela qu’il a tenté depuis quelques années de créer une rébellion dans l’Est de la RDC, en rassemblant les aventuriers tutsi burundais qui avaient rejoint Nkunda et le M23. Ce sont eux qui ont attaqué en décembre 2014-janvier 2015. Raison pour laquelle la radio RPA de Sinduhije et le journal IWACU (qui appartient au même club) les défendaient. Et ce sont les jeunes du MSD, dont le quartier général est à Ngagara, qui ont déclenché les manifestations violentes, entraînant beaucoup d’autres dans une histoire dont ils ne comprenaient ni les tenants ni les aboutissants. Les rébellions qui sont en train de se créer ne sont rien d’autre que les débris de ces groupes de Sinduhije, auxquels se sont ajoutés certains jeunes insurgés d’avril 2015. Mais ils n’ont pas de poids numérique. Leur nuisance vient surtout de l’ingérence rwandaise, qui fournit armes et entrainement. Sinduhije avait un atout majeur: sa radio et sa télévision avec leur effet amplificateur.
Buyoya au contraire a toute la vieille classe de pirates avec lesquels il a machiné les coups du passé, et dont beaucoup lui doivent ce qu’ils sont. Et surtout, il a une tranche de l’armée qui peut lui obéir encore. Cela ne signifie nullement que tous les militaires même de Bururi l’aiment, à voir les dégâts qu’il a causés ne fussent qu’avec les hélicoptères (4 tombèrent en peu de temps, emportant un Chef d’Etat major général, deux ministres de la défense, un colonel et leurs escortes) et autres assassinats d’officiers [cf. article précédent].
Il se fait donc que Buyoya et Sinduhije étaient (et sont encore) en train de chasser le même lièvre chacun pour son compte, c’est-à-dire le pouvoir de Bujumbura. Sinduhije croyait qu’avec ses jeunes, il pouvait balayer Pierre Nkurunziza et le CNDD-FDD, et prendre d’assaut le fauteuil présidentiel; d’ailleurs son action n’a pas coïncide avec l’annonce de la candidature du président actuel, mais est partie bien avant, par la féroce guerre médiatique, par les sabotages à imputer par la suite au gouvernement (l’assassinat spectaculaire de 3 vieilles sœurs italiennes), et enfin par l’attaque armée à partir de la RDC. Les manifestations devaient constituer seulement le coup de grâce. L’histoire du « 3°mandat » auquel la nébuleuse Sinduhije s’accroche n’est qu’un exutoire ! Comme aussi le génocide imaginaire, inventé de toutes pièces et démenti par les faits.
Le 13 mai 2015 pourtant, Buyoya a failli surpasser Sinduhije, quand il a sorti les cartes qu’il avait soigneusement cachées: les putschistes de 1993. Ces hima de Bururi, commandés par Cyrille Ndayikengurukiye, camouflés derrière le général hutu Niyombare Godefroid et quelques inconscients frondeurs hutu, sont entrés en action, en surfant sur l’onde de l’insurrection provoquée par le MSD. Mais c’étaient deux forces distinctes. La preuve en est que l’échec du coup d’Etat n’a pas arrêté la poursuite des violences des jeunes. Mais si le coup avait réussi, ces jeunes auraient été calmés, par la raison ou par la force. C’est une manœuvre déjà rodée pour Buyoya. En 1993, avec le coup d’Etat contre Ndadaye, il avait lancé derrière les Hutu la horde de Sans Échecs et le SOJEDEM de Déo Niyonzima pour faire pourrir la situation. Quand enfin il a renversé le président Ntibantunganya en 1996, en se proclamant sauveur du pays, il a tout de suite capturé ces jeunes criminels; certains ont été mis en prison, d’autres ont été envoyés en Europe comme récompense.
Quelles conclusions en tirer ?
L’échec du coup d’Etat du 13 mai 2015 signifie que beaucoup de militaires du sud sont déjà passés de la vision régionale à l’idéal national. C’est un signe de l’intégration réussie et une garantie de l’unité nationale. Sinduhije peut bourdonner tant qu’il veut, tant que l’armée est nationale, il n’arrivera à rien.
Buyoya, le vieux crocodile tant craint peut aller en pension, parce que son akazu n’a plus ou a peu d’influence. Désormais, il appartient au passé.
– Les Hutu frondeurs qui croyaient qu’ils luttaient pour une cause « juste » (Accords d’Arusha) n’ont rien compris comme d’habitude. Car si Buyoya ou Sinduhije avaient pris le pouvoir, ils les auraient annulés de toute façon. Chaque coup d’Etat suspend la Constitution ou l’abroge, ainsi que les autres textes fondamentaux. Et ces Hutu n’avaient aucune force pour les défendre (ni armée, ni jeunesse). Il est probable qu’à ces Accords d’Arusha, les seuls qui y croient vraiment, ce sont les Hutu, parce qu’ils les ont signés sans réserves. Les camps Buyoya et Sinduhije proviennent d’un passé et d’une culture opportunistes, où la logique ordinaire se perd; sinon on n’aurait pas assassiné Ngendandumwe, ni Ndayizeye, ni Ndadaye et ses collaborateurs, ni tenté un coup d’Etat pendant un mandat légitime de Pierre Nkurunziza…. cela signifie que la démocratie, ils n’y croient pas du tout. Et comment croiraient-ils dans les Accords d’Arusha, s’ils ne croient pas dans la démocratie ?
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