Il était de la dernière génération des Chefs d’Etat Africains. À 55 ans, il a dirigé pendant 15 ans un des pays les plus complexes d’Afrique, le Burundi. Issu de la majorité ethnique Hutu, six de ses prédécesseurs hutu ont été assassinés, tous, trois mois après leur accession à la Magistrature suprême. Alors que tout le monde croyait à la malédiction hutue, il a enfin dirigé le Burundi contre vent et marée. On lui prêta tous les noms d’oiseaux. On lui trouva tous les maux, notamment celui de dictateur. Pis dictateur africain. Oui, un autre dictateur africain, celui qui resta au pouvoir grâce à la force de la démocratie burundaise, patiemment bâtie et entretenue par sa clairvoyance. C’est de manière volontaire qu’il annoncera son retrait, sans que ces détracteurs n’y croient. Il n’a pas été candidat à sa succession au mois de mai dernier. Mais laissa le pays aux mains des maitres de la majorité.
Je tenais particulièrement à lui rendre un vibrant hommage pour le Grand Africain qu’il fut. Il a été ce que fut Patrice Emery Lumumba. Il a été ce que fut Ahmed Sékou Touré. Il a été ce que fut Nkwame Nkumah. Il a été l’incarnation de feu Melchior Ndadaye, le premier président hutu burundais assassiné. Comme ces Autres Panafricanistes, Il a affronté la difficulté. Il n’a pas reculé devant les nombreux ennemis internes et externes. Il n’a pas fui l’adversité. Au contraire. Pour ceux qui ne connaissent pas le Burundi, voilà un pays qui vit de deux produits d’exportation, le café et le thé. Pour boucler le budget, le pays comptait sur près de 70 % de l’aide extérieure. Pour l’empêcher de gouverner, pour inciter la population à la révolte, pour entretenir les rebellions, pour faire tomber le pays, les 70 % de l’aide extérieure lui sont constamment et régulièrement refusées.
Et ceci depuis des années. Le pays dirigé des mains de maître par une jeune génération de technocrates a su trouvé des solutions pour son développement, certes, retardé mais pas annihilé. Ingénieux, inventif, intelligent, j’ai beaucoup admiré le modèle économique de mobilisation de ressources internes pour faire face à l’adversité, pour faire face à la récession économique patiemment créée.
Avec sa dynamique équipe, il y a eu plus d’écoles construites, plus de routes bitumées, plus hôpitaux et centres de santé construits, plus de stades de football et de sports collectifs construits, plus de bâtiments administratifs construits, plus d’investissements publics accomplis. Sage décision, la capitale politique a même été transférée de Bujumbura à Gitega, dans un environnement de pénurie de devises, de manque de moyens financiers, de récession économique. La nouvelle élite au pouvoir, la nouvelle équipe au pouvoir a créé et mise en œuvre le concept de « Travaux communautaires », qui mérite d’être étudié dans nos grandes écoles et universités et vulgarisé dans les autres pays africains Ce concept de « travaux communautaires » est une alternative à l’aide publique au développement.
Le Burundi que l’on croyait asphyxié, asséché, privé de son développement n’a cessé d’améliorer les conditions de vie de ses populations. Au moment où la triste nouvelle fait le tour du monde, celle annonçant votre disparition, Son Excellence Monsieur Pierre Nkurunziza, Président de la République du Burundi, je voulais vous témoigner toute mon admiration. Bravo Monsieur le Président, Merci Monsieur le Président. Vous avez combattu le bon combat. Vous entrez ainsi dans le cercle fermé des Héros Africains.
Au revoir Monsieur le Président. Au revoir cher Ami.