Les juges français qui enquêtent au sujet de l’attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana en 1994, épisode déclencheur du génocide des Tutsi, ont relancé les investigations pour entendre un ancien général entré en dissidence, qui accuse l’actuel président Paul Kagame dont il était proche, selon des sources concordantes.
Réfugié en Afrique du Sud, où il a fait l’objet de tentatives d’assassinat, l’ancien général rwandais Faustin Kayumba Nyamwasa est lui-même visé par un mandat d’arrêt, lancé en 2006 par l’ex-juge français Jean-Louis Bruguière, chargé à l’époque de l’enquête ouverte à Paris et qui a brouillé les relations diplomatiques avec Kigali.
Membre fondateur, au côté de Paul Kagame, de la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) qui a pris le pouvoir à Kigali en mettant fin au génocide, cet ancien chef d’état-major de l’armée rwandaise (1994-2002) a longtemps été dans le premier cercle.
Fin juin, dans une déposition devant notaire versée à l’enquête et dont l’AFP a eu connaissance, cet opposant a nié sa participation à l’attentat, rejetant les témoignages qui le mettent en cause, tout en accusant de nouveau le président rwandais d’en avoir été l’instigateur.
Après cette déposition, les juges d’instruction Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux ont pris la décision d’envoyer une nouvelle commission rogatoire internationale à l’Afrique du Sud pour faire entendre Faustin Kayumba, ont expliqué à l’AFP des sources proches du dossier. Une démarche déjà effectuée en vain par le juge précédent, Marc Trévidic, et alors que l’enquête était close depuis janvier dernier.
L’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion présidentiel, au cours duquel fut tué le président hutu, est considéré comme l’événement déclencheur du génocide des Tutsi au Rwanda, qui a fait au moins 800.000 morts.
Alors qu’au Rwanda, une commission d’enquête a imputé la responsabilité de l’attentat aux extrémistes hutu qui voulaient se débarrasser d’un président jugé trop modéré, une information judiciaire avait été ouverte à Paris après la plainte des familles de l’équipage de l’avion abattu, composé de Français.
Soupçonnant un commando du FPR, le juge Jean-Louis Bruguière avait lancé neuf mandats d’arrêt contre les proches du président Kagame en 2006, entraînant la rupture des relations diplomatiques entre Kigali et Paris pendant trois ans.
En 2010, six protagonistes avaient été mis en examen et laissés en liberté par le juge Trévidic, entraînant la levée des mandats d’arrêt. Leurs avocats réclament un non-lieu.
Le camp Kagame veut pour preuve de son innocence les expertises techniques présentées début 2012 par les juges qui avaient cité comme zone de tir des missiles « la plus probable » un camp alors tenu par la garde présidentielle de Juvenal Habyarimana.
Avec AFP