POLITIQUE – La publication de notre interview avec l’ambassadeur de France au Burundi a suscité des réactions virulentes de la part de l’opposition radicale contre M. Laurent Delahousse. Son crime: il s’est permis de donner son impression sur la situation au Burundi au lieu de répéter le récit fabriqué par Pacifique Nininahazwe, David Gakunzi et consorts.
6 February 2017 22:02 by Clarisse Irakoze
Source : http://www.ikiriho.org/2017/02/06/attaques-contre-ambassadeur-delahousse-certains-a-paris-et-bruxelles-ne-veulent-recit-burundi/
POLITIQUE – La publication de notre interview avec l’ambassadeur de France au Burundi a suscité des réactions virulentes de la part de l’opposition radicale contre M. Laurent Delahousse. Son crime: il s’est permis de donner son impression sur la situation au Burundi au lieu de répéter le récit fabriqué par Pacifique Nininahazwe, David Gakunzi et consorts.
L’article publié par l’écrivain burundais David Gakunzi contre l’ambassadeur Delahousse était le point culminant du torrent d’insultes contre le diplomate français, depuis qu’il avait osé dire “Je me sens en sécurité dans votre pays” au terme d’une visite dans la rédaction d’Ikiriho.
Gakunzi, qui vit depuis plusieurs décennies en France où il y dirige le Paris Global Forum n’est pas un nom inconnu au Burundi. Depuis l’éruption de la crise électorale de 2015, il s’est particulièrement illustré dans la défense d’une théorie selon laquelle il y a un génocide en cours au Burundi. Repris notamment par Maria Malagardis de Libération, Gakunzi ne cesse depuis d’annoncer un cataclysme burundais, soigneusement comparé au génocide au Rwanda en 1994.
Mais qu’a dit au juste l’ambassadeur de si choquant ? Qu’est ce qui lui a coûté tant de foudres de la part des personnes qui se disent défenseurs de la liberté d’expression mais qui se révèlent être des adeptes de la pensée unique, celle en leur faveur?
Sur la sécurité
Gakunzi et ses amis reprochent à l’ambassadeur Delahousse de dire comment il se sent à Bujumbura. Au vue de leur réaction, il aurait fallu qu’il dise autre chose. Fallait-il que l’ambassadeur annonce se sentir menacé? Par quoi ou par qui ? Faut-il créer de toute pièces un discours radical juste pour faire plaisir à une partie de la diaspora, qui ne veut pas entendre parler du bien sur le Burundi ?
Car visiblement pour Gakunzi et ses amis, il faut que l’image projeté du Burundi soit toujours apocalyptique pour que celui qui parle soit crédible à ses yeux.
Or, que ce soit Gakunzi, Pacifique Nininahazwe, Bob Rugurika, Thierry Uwamahoro ou le propagandiste rwandais Albert Rudastimburwa, tout ce monde qui se dit scandalisé par les propos de l’ambassadeur n’a pas mis les pieds au Burundi depuis au moins 20 mois.
Ce constat de normalisation de la situation sécuritaire ne vient pas seulement de l’ambassadeur français. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, les missions de la CIRGL, de l’EAC, les observateurs de l’Union Africaine, et les milliers de vacanciers qui sont venus au Burundi tout au long de 2016 le confirment. Peut-être qu’ils ne sont pas aussi actifs sur Twitter que nos opposants de Bruxelles ou Paris.
Sur les rapports des ONG internationaux
Gakunzi et ses amis accusent l’ambassadeur Delahousse de douter de ce qui est écrit dans les rapports présentés ou diffusés par des organisations internationales qui disent se battre pour les droits de l’homme.
Douter est une réaction tout à fait normale pour un intellectuel qui veut mieux comprendre les faits et leurs motivations. Douter n’est pas un péché.
L’accusation est d’autant plus étonnante car Gakunzi est aussi un intellectuel qui devrait savoir que ‘douter’ est tout à fait normal surtout lorsqu’on est en présence d’un cas comme celui du Burundi, un pays qui a deux versions de l’histoire et de la vérité sur son violent passé. Il suffit de passer un coup d’œil sur les réseaux sociaux pour comprendre à quel point les positions des Burundais peuvent être extrêmes lorsqu’ils parlent des problèmes politiques auxquels fait face le pays.
En ce qui concernent les rapports produits sur le Burundi, il a été en effet clair qu’ils n’étaient pas dans la plupart des cas objectifs et avaient souvent un double voire même un triple objectif. A part la propagation d’information sur la situation des droits de l’homme vue surtout de l’angle de ceux qui sont opposés contre Bujumbura, les rapports étaient des outils de lobbying et d’influence sur les décisions parfois arbitraires qui ont été prises contre le Burundi. Dans de telles conditions, comment ne pas avoir des doutes ? Comment ne pas douter lorsqu’on est en présence des hommes qui se cachent derrière l’activisme de la société civile alors qu’en réalité ils veulent faire de la politique ? Peut-on oublier que Pacifique Nininahazwe, l’un de ceux qui se disent scandalises par les propos de l’ambassadeur, fut le premier secrétaire exécutif du CNARED, la plate-forme de l’opposition radicale basée à Bruxelles ? Peut-on espérer que ces accusations sont dépourvues de motivations politiciennes ?
En effet comment ne pas douter des activistes qui ont osé présenter sur les plateaux d’une grande chaîne de télévision comme France3 une vidéo de tueries se passant en Afrique de l’Ouest et qu’ils ont affirmé que cela se passait à Karusi au Centre-Est du Burundi ? Gakunzi, qui était l’invite du jour pendant l’émission de cette vidéo ne pourrait pas le nier, on espère. Il s’agissait d’un mensonge, d’un montage et d’une manipulation de l’information (d’ailleurs un peu stupide car la vidéo circulait sur les réseaux depuis un temps). Par après France 3 s’est excusée, mais Gakunzi n’a rien dit. Comment donc ne pas douter ?
La manipulation et la désinformation comme tactique chère à Gakunzi et son groupe
L’ambassadeur Delahousse, lors de sa visite au siège d’Ikiriho
La manipulation de l’information est une tactique que maîtrise bien Gakunzi. Il décrit si bien la fonction de cette tactique dans son livre sur la « Côte d’Ivoire : le crime parfait » (Gakunzi, 2011). Il évoque la désinformation comme un jeu de massacre contre la vérité. Et c’est exactement ce qu’il fait sur le Burundi comme on l’a vu avec la vidéo passée sur France3. Il a « martyrisée, broyé et réduit en miettes la vérité », selon ses propres termes.
Prenons par exemple comment Gakunzi affirme qu’au moins 2.000 personnes sont mortes au Burundi multipliant ce chiffre par 4 ou 5 fois, bien plus au-delà de ce que les chiffres des rapports produits par ses amis avancent.
Toujours dans cet art de désinformer et de manipuler l’information, Gakunzi met dans la bouche de l’ambassadeur des mots qu’il n’a pas utilisés – il lui fait dire que les rapports des ONG sont des ‘fables ‘. Il va plus loin encore et injurie l’ambassadeur en le taxant de « diplomate à la raison défectueuse sous l’effet de la chaleur des tropiques » : ceci est tout simplement le résultat de l’intolérance des opinions différentes.
Le prétexte du Rwanda
Il est très intéressant de voir comment il essaie d’amplifier le problème en faisant constamment une comparaison entre le Rwanda de 1994 et le Burundi de 2015. L’insistance sur un probable génocide au Burundi tient effectivement plus d’un discours a caractère politique que de la réalité.
Cela fait plus de 3 ans que cette menace est présentée comme imminente pour le Burundi, depuis le jour ou Léonce Ngendakumana décidé d’écrire une lettre au Secrétaire Général des Nations Unies en lui annonçant un génocide en préparation.
Concernant la sécurité, personne ne peut imposer aux autres comment se sentir. Il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que le retour de l’ancien président Ntibantunganya à Bujumbura, la présence des personnes comme le professeur Evariste Ngayimpenda et Tatien Sibomana qui se proclament défenseurs de la minorité tutsi ainsi que d’autres membres de l’opposition basée au Burundi est un signe d’une stabilisation de la situation sécuritaire. Tout n’est pas rose et il y a encore beaucoup de défis à relever mais le pays ne brûle pas.