L’Accord de Cotonou a été signé le 23 juin 2000 et révisé respectivement à Luxembourg le 25 juin 2005 et à Ouagadougou le 22 juin 2010. Il s’agit d’un accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique d’une part et la Communauté Européenne et ses Etats membres d’autre part.

L’Union Européenne a pris des sanctions à l’encontre du Gouvernement du Burundi sur base de l’article 96 de l’Accord de Cotonou. Or cet Accord ne lie pas l’Etat du Burundi puisque ce dernier ne l’a pas encore ratifié. Pour preuve, la ratification de cet Accord figure au point 3 de l’ordre du jour révisé de la session parlementaire ordinaire de février 2017.

Au point 3 de l’ordre du jour révisé de la session parlementaire ordinaire de février 2017, le Gouvernement demande au Parlement d’analyser le « Projet de loi portant ratification par la République du Burundi de l’Accord modifiant pour la deuxième fois l’accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique d’une part, et la Communauté Européenne et ses Etats membres d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et modifié une première fois à Luxembourg le 25 juin 2005 (l’Accord de Cotonou révisé et adopté à Ouagadougou en juin 2010).

Ici, il y a lieu de se poser maintes questions. Comment l’Union Européenne peut-elle se référer à l’Accord de Cotonou pour prendre des sanctions contre le Burundi ? Normalement, le Burundi est en quête de devenir partie à l’Accord. Eu égard à la Convention des Traités, aucune clause d’un Traité ne peut être appliqué à un Etat qui ne l’a pas ratifié. Tant que le Burundi n’a pas encore ratifié cet Accord, ce dernier ne peut donc pas lui être applicable. Sans aucun risque de me tromper, j’affirme sans ambages, qu’à cette date du 15 février 2017, le Burundi n’est pas encore partie de l’Accord de Cotonou. Il est inconcevable que l’Union Européenne fonde ses arguments sur l’article 96 de cet Accord pour prendre des sanctions contre un Etat qui n’est pas encore partie.

En conclusion, toutes les sanctions prises par l’Union Européenne contre le Burundi ont été prises sur des bases juridiques erronées. Ces sanctions devraient être levées sans délais et sans autre forme de procès.

Pour votre information, voici le fameux article 96.

ARTICLE 96 (Accord de Cotonou)

Éléments essentiels — Procédure de consultation et mesures appropriées concernant les droits de l’homme, les principes démocratiques et l’État de droit
1. Aux fins du présent article, on entend par «partie», la Communauté et les États membres de l’Union européenne, d’une part, et chaque État ACP, d’autre part.
1a. Les deux parties conviennent, sauf en cas d’urgence particulière, d’épuiser toutes les possibilités de dialogue prévues dans le cadre de l’article 8 avant de procéder aux consultations visées au paragraphe 2, point a), du présent article.
2. a) Si, nonobstant le dialogue politique sur les éléments essentiels prévus à l’article 8 et au paragraphe 1a du présent article, une partie considère que l’autre manque à une obligation découlant du respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’État de droit visés à l’article 9, paragraphe 2, elle fournit à l’autre partie et au Conseil des ministres, sauf en cas d’urgence particulière, les éléments d’information utiles nécessaires à un examen approfondi de la situation en vue de rechercher une solution acceptable par les parties. À cet effet, elle invite l’autre partie à procéder à des consultations, portant principalement sur les mesures prises ou à prendre par la partie concernée afin de remédier à la situation conformément à l’annexe VII.

Les consultations sont menées au niveau et dans la forme considérés les plus appropriés en vue de trouver une solution.
Les consultations commencent au plus tard trente jours après l’invitation et se poursuivent pendant une période déterminée d’un commun accord, en fonction de la nature et de la gravité du manquement. Dans tous les cas, le dialogue mené dans le cadre de la procédure de consultation ne dure pas plus de cent vingt jours.

Si les consultations ne conduisent pas à une solution acceptable par les parties, en cas de refus de consultation ou en cas d’urgence particulière, des mesures appropriées peuvent être prises. Ces mesures sont levées dès que les raisons qui les ont motivées disparaissent.
b) Les termes «cas d’urgence particulière» visent des cas exceptionnels de violations particulièrement graves et évidentes d’un des éléments essentiels visés à l’article 9, paragraphe 2, qui nécessitent une réaction immédiate.
La partie qui recourt à la procédure d’urgence particulière en informe parallèlement l’autre partie et le Conseil des ministres, sauf si les délais ne le lui permettent pas.
c) Les «mesures appropriées» au sens du présent article sont des mesures arrêtées en conformité avec le droit international et proportionnelles à la
violation.
Le choix doit porter en priorité sur les mesures qui perturbent le moins l’application du présent accord. Il est entendu que la suspension serait un dernier recours.
Si des mesures sont prises, en cas d’urgence particulière, celles-ci sont immédiatement notifiées à l’autre partie et au Conseil des ministres. Des consultations peuvent alors être convoquées, à la demande de la partie concernée, en vue d’examiner de façon approfondie la situation et, le cas échéant, d’y remédier. Ces consultations se déroulent selon les modalités spécifiées aux deuxième et troisième alinéas du point a).

Le Burundi : victime du syndrome du larbin

L’Union Européenne a ouvertement soutenu les insurgés qui ont tenté en vain de semer le désordre et le chaos au Burundi à partir du 26 avril 2015. Cela transparait à travers le soutien financier colossale que bénéficiait les organisateurs. Après l’échec de ses sbires qu’elle a pris soin de protéger dans l’espace européen et ailleurs, l’Union Européenne continue à lancer des flèches contre le Burundi pour pouvoir les réhabiliter. Elle est à a fois pyromane et pompier. Elle accepte de financer le dialogue inter-burundais d’Arusha mais avec le même objectif, réhabiliter la clique d’irréductibles acquis à sa cause qui ont échoué à changer le régime de Bujumbura. L’imposition des noms de personnalités poursuivies par la justice burundaise à la médiation burundaise n’est pas un fait du hasard.

Si le Gouvernement burundais n’y prend pas garde, il risque d’être phagocyté et noyé. Il est déjà victime du syndrome du larbin puisqu’il espère une solution auprès d’un pyromane qui revient avec perfidie à peine voilée : kuronderera umuti ku waguhereye ishano uwawe.

Dialogue inter-burundais d’Arusha : un guet-apens

Le round du dialogue inter-burundais de ce 16 au 18 février 2017 est porteur de tous les dangers. Le Gouvernement du Burundi doit prendre au sérieux les déclarations du Représentant du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires aux Nations Unies « OCHA » quand il annonce, sans aucune preuve, que plus de 500 burundais s’exilent chaque jour. C’est une déclaration dangereuse mais qui renferme en elle-même un objectif : provoquer une catastrophe humanitaire à tout prix. Soyons raisonnables, comment peut-on atteindre cinq cent fuyards par mois dans un pays qui n’est pas en guerre ? Si l’on fait des calculs, au bout d’une année, certaines localités du Burundi seraient vides de population.

Cette déclaration fait froid dans le dos. Pour cette raison, les services de l’ordre et de sécurité doivent être vigilants. Ils sont avertis et ils n’ont pas droit ni à l’erreur ni à se dérober de leurs missions. Sans doute que cette déclaration pourrait être étayée par une invasion du Burundi au nom de l’ingérence humanitaire puisque les autres voies ont lamentablement échoué. Certes le Représentant du HCR au Burundi y a apporté un démenti, mais il est inimaginable qu’une personnalité de son rang aux Nations Unies puisse raconter des hérésies.

Bujumbura, 15 février 2017
Centre des Droits Humains « CDH »
Peace Corner, 76, Bld du 1er novembre
Tél : 68934320
E-mail : cdhburundi@gmail.com