Rwanda : demande d’une enquête internationale sur l’assassinat d’Habyarimana
APA, 31-05-2014

Arusha (Tanzanie) – Plusieurs partis de l’opposition rwandaise en exil, toutes tendances confondues, demandent une enquête internationale sur l’attentat du 6 avril 1994 qui coûta la vie au président rwandais Juvénal Habyarimana et à son homologue burundais Cyprien Ntaryamira, dans une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. .

« Au moment où le monde commémore le 20ème anniversaire (du génocide des Tutsis), l’ONU n’a entrepris aucune enquête sérieuse pour élucider les circonstances de cet acte terroriste qui, rappelons-le, avait non seulement coûté la vie à deux chefs d’Etat en exercice, mais aussi déclenché le génocide », écrivent les six partis signataires.

« Or, il incombe bel et bien à l’ONU, dont les casques bleus assuraient la sécurité dans la zone de l’attentat de mener cette enquête », poursuit la lettre.

Parmi les partis signataires, figurent les Forces démocratiques unifiées (FDU), dont la présidente, l’opposante hutue Victoire Ingabire, est actuellement emprisonnée au Rwanda, ainsi que le Congrès national rwandais (RNC) dont l’un des fondateurs, le colonel Patrick Karegeya, ancien compagnon d’armes du président Paul Kagame, a été assassiné au début de l’année en Afrique du Sud.

Est également signataire de la lettre, le PDR-Ihumure de Paul Rusesabagina, dont l’histoire, en 1994, a inspiré le célèbre film « Hôtel Rwanda ».

Les six partis accusent le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha, en Tanzanie, d’avoir abandonné ce dossier.

« En effet, en 1997, un enquêteur (australien) du TPIR, feu Michael Hourigan, avait remis à l’ancienne procureur du TPIR, Madame Louise Arbour, un rapport d’enquête impliquant des officiels du FPR (Front patriotique rwandais, actuellement au pouvoir) dans cet attentat », accusent les trois formations en exil.

L’actuel procureur du TPIR, le Gambien Hassan Bubacar Jallow, ne cesse d’affirmer que cet attentat ne rentre pas dans le mandat du TPIR.

« Des juristes de renom, comme (le Belge) Filip Reyntjens, par ailleurs témoin expert auprès du TPIR, ne sont pas du même avis. Filip Reyntjens affirme depuis des années que l’attentat contre l’avion de Habyarimana rentre parfaitement dans les crimes que le TPIR est habilité à juger », soulignent ces partis.

« Si l’ONU peut s’empresser de demander des commissions d’enquête après l’assassinat d’un ex-Premier ministre libanais, Rafic Hariri, ou pakistanais, Benazir Bhutto, ou même de l’ex-chef de la rébellion sud-soudanaise, John Garang, il est incompréhensible que 20 ans après le drame, aucune attention ne soit prêtée à l’attentat qui a coûté la vie à deux chefs d’Etat en exercice et déclenché le pire génocide que l’Afrique ait jamais connu », estime la lettre.

Les signataires affirment que « depuis cet horrible attentat qui a plongé le pays et la sous-région dans une instabilité sans précédent, beaucoup de fausses pistes sur les responsables de ce crime ont été avancées ».

La lettre dénonce notamment l’enquête rwandaise, connue sous le nom de « rapport Mutsinzi » qui affirme que le président Habyarimana a été tué par des durs de son entourage, opposés au partage du pouvoir avec les rebelles tutsis du FPR, d’alors.

Dans un rapport rendu public en 2006, le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière avait pourtant désigné Paul Kagame comme le principal commanditaire de l’assassinat.

L’enquête du juge Bruguière a été reprise par son successeur le juge Marc Trévidic qui a remis en janvier 2012 un rapport préliminaire aux parties civiles au tribunal de Grande Instance de Paris.

« Quoi qu’étant préliminaire, ce rapport a fait l’objet d’un tapage médiatique destiné à enfumer l’opinion publique et l’amener à adhérer à la thèse du FPR », écrivent ces partis, se réjouissant cependant du fait que « des langues commencent à se délier dans l’entourage du président Kagame, avec plein de détails sur cet attentat ».

« Nous estimons que le temps presse, avant que le régime du FPR ne se débarrasse de tous les témoins oculaires, comme il vient de le faire en assassinant feu le colonel Karegeya, ex-responsable des renseignements extérieurs, qui s’apprêtait à déposer devant le juge français Trévidic, en charge de l’enquête en France ».