« Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Et pour être craint, il faut être puissant. ». Etre puissants ! Voilà qui me rappelle une parole presque cathartique et messianique qu’affectionnait le regretté Osiris N.K.O : la volonté de puissance. On devinera tout le long du présent propos que c’est bien cela même qui manque à l’Afrique. Je ne ferais l’injure à personne de situer tout ce laïus dans un contexte global mondialisé ; mais il sera intéressant de suivre dans un futur proche, très proche, les voies de mise en œuvre de cette volonté de puissance française et macronienne, surtout eu égard au passé et au présent de ce pays face au continent africain.
Il serait intéressant également, partant de ce prétexte tout trouvé des déclarations de ce président hécatombe pour la France, de revisiter la Francafrique qu’il continue par d’autres méthodes malgré lui, en rappelant à la France le mal absolu infligé au continent, mais surtout de la supplier de chercher les « 64 milliards d’euros à l’horizon 2027 » ailleurs. Qui pis est, cette déclaration vient comme en écho à moult autres qui l’ont précédée, comme une antienne dysharmonique reprise en chœur par des chefs qui, à une époque récente, ont présidé aux destinées des Français. Et contre ce chœur de malheur mon propos s’oppose comme un cri perçant d’une « trompe » ou « clairon nzamba » lancé aux oreilles des bons entendeurs, surtout parmi les leaders africains actuels assis sur deux chaises : du Sénégal au Gabon, en passant par la Cote d’Ivoire et le Bénin, le Togo actuellement empêtré dans la lutte entre le vieux monde et le moderne, la Cameroun du nonagénaire brigand un nième mandant, etc. Laissez-nous vivres libres !
Pour situer le point de départ
« Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Et pour être craint, il faut être puissant. » dixit le patron de l’Elysée. Dans son discours aux armées le 13 juillet 2025, E. Macron résume de la sorte et lapidairement sa vision stratégique, certains diraient impérialiste : pour garantir leur liberté, les nations européennes — et notamment la France — doivent disposer d’une puissance capable d’inspirer la crainte au reste du monde, c’est-à-dire de dissuader efficacement toute menace, réelle ou supposée. Détrompons-nous, il ne s’agit plus seulement de la seule dissuasion nucléaire ! Partagée ou non !! Et le président venu de nulle part pour gouverner la France n’en demandait pas mieux comme point d’appui à l’annonce d’un plan de renforcement significatif du budget de la défense (64 milliards d’euros à l’horizon 2027, entendez dans… seulement deux ans ! Ça urge, bonnes gens ; mais « gars au gorille » en… Afrique ! Et pour cause : ce budget sera apparemment financé sans recourir à l’endettement. Ah ! Bon ! Dites donc ! Et d’où proviendront les sous qui manquent cruellement à cette belle France lourdement endettée et qui a longtemps vécu sur le dos de … ses « néo »-colonies… africaines, notamment ? Suivez mon regard… Dans la version publique du discours publiée par l’Élysée, cette phrase s’inscrit dans un paragraphe plus large qu’il convient de restituer : « […] comme il n’y a plus de règles, c’est la loi du plus fort qui l’emporte. […] Soyons clairs, nous, Européens, devons désormais assurer notre sécurité nous‑mêmes. […] Alors, face à tous ces risques qui pèsent sur notre liberté, […] pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Et pour être craint, il faut être puissant. ». Nous y voilà !
- Rappelons d’abord ce qu’ils ont dit eux-mêmes
Dans l’interview sur Le Figaro TV datée du 21 avril 2024, des propos alarmistes aux allures de néo colonisation y compris par la force militaire, propos repris notamment dans les médias comme L’Abestit ou Le Média, François Lecointre évoque l’idée que l’Europe, donc aussi la France, pourrait être obligée de retourner en Afrique pour « restaurer l’État », « relancer les administrations » et « soutenir le développement ». Ces propos sans aucune ambiguïté laissent entendre une reprise en main militaire.
Bien avant ce général à la retraite, l’on se souviendra d’une autre parole, présidentielle celle-là, selon laquelle « L’Homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire »… « Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance », déclaration du sieur Sarkozy, alors président français, dans son discours à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar en juillet 2007. Le businessman hongro-greco-franco-et-tutti-quanti, immigré de son état par ses parents, entendait ainsi dénoncer une hypothétique vision foncièrement statique et régressive du continent mère de la saga humaine. Ne lui parlez donc pas de tout ce qui est « out of Africa », des sciences à la médecine, des mathématiques à la philosophie, en passant par le droit et l’astronomie, etc. Connait pas ! D’ailleurs lui aussi n’affirmait-il pas vouloir rompre avec la politique de la Françafrique ? Mal lui en a pris, car les casseroles ou plutôt sacoches pleines d’euros de Kadhafi le poursuivent encore aujourd’hui.
En octobre 2012 à Dakar, devant le Parlement sénégalais ahuri, son tombeur Fr. Hollande déclara : « Le temps de la Françafrique est révolu : il y a la France … un partenariat entre la France et l’Afrique fondé sur le respect, la clarté et la solidarité. » Il ajouta qu’il n’était pas venu « pour imposer un exemple, ni pour délivrer des leçons de morale ». Pourtant, en 2013, ses interventions au Mali puis en Centrafrique ont illustré cette posture de « France-puissance d’équilibre », tout en renforçant son image internationale malgré des critiques internes sur le plan économique.
Pour revenir au mari de Brigitte (C. Owens ajouterait « Trogneux »), dans son malencontreux discours de Ouagadougou (28 novembre 2017), Macron fait semblant de rendre hommage à Thomas Sankara et annonce la fin de la « politique africaine de la France » des décennies passées, voulant marquer une rupture symbolique avec la Françafrique. Il affirmera péremptoire : « Je ne serai pas de ceux qui voient dans l’Afrique la misère […] je suis du côté de ceux qui considèrent que l’Afrique n’est ni un continent sauvé, ni un continent perdu. » Comme il se voit empereur européen, il invite à un projet entre Europe et Afrique, fondé sur des destins liés mais respectueux et équilibrés. Trois ans plus tard, dans une interview avec Jeune Afrique (novembre 2020), il évoque : « La France a une part d’Afrique en elle. Nos destins sont liés » ». Il ira même jusqu’à annoncer des réformes concrètes comme la réforme du franc CFA, la restitution du patrimoine culturel, ainsi que la promotion d’un partenariat économique renouvelé (Digital Africa, Investissements).
Alors que les pays de l’AES lui tournent le dos dès 2022, on attendra la « Conférence des ambassadeurs » (6 janvier 2025) pour l’entendre expliquer l’inexplicable : « La France n’est pas en recul en Afrique, elle est simplement lucide, elle se réorganise ». On le surprendra, ce qui, s’ailleurs, eut le mérite d’énerver le Président IB du pays des hommes intègres, en train de critiquer des attitudes jugées « d’ingratitude de certains pays africains ». Décidément les choses changent drôlement, car il faut une autre ère pour qu’un président français souligne la nécessité pour la France d’adopter une posture de “profonde humilité” en Afrique, face à des défis géopolitiques, démographiques et climatiques sans précédent, pendant qu’il promet de réduire progressivement la présence militaire française, en plaçant l’accent sur les bases « co-gérées », la formation, et la transformation du dispositif sécuritaire dont l’opération Barkhane. C’est d’ailleurs à cette même occasion que, devant le Parlement marocain, Macron propose un « nouveau cadre stratégique », tout en reconnaissant comme pour gagner les sympathies de roi et ses sujets, la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et annonçant une coopération renforcée sur l’économie, la migration et la gestion des talents, pour un partenariat plus équitable (octobre 2024). Sauf que d’aucuns ont vite souligné un “oubli mémoriel” dans son discours, notamment sur les violences de la colonisation et la guerre du Rif ! Décidément les Etats, particulièrement la France, font montre d’une mémoire officielle trop partiale et sélectivement oublieuse et une mémoire vive peinant à se départir d’un flagrant paternalisme. Qui a dit que la France lâcherait un jour l’Afrique ? Le Sahara n’est-il pas un leg de De Gaule ?
Mais tout n’est pas définitivement noir dans le tableau car certaines mémoires déclinantes ont osé un début de vérité. Tenez ! Lors d’une conversation informelle avec la presse au Sommet France–Afrique, Yaoundé (janvier 2001), le président J. Chirac s’est exprimé de manière virulente face aux critiques de l’épiscopat français demandant de prendre ses distances avec certains régimes africains. Sans langue de bois, le président déclara : « Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi. Ensuite, nous avons pillé ses matières premières ; après, on a dit : ils… ne sont bons à rien. Au nom de la religion, on a détruit leur culture ; maintenant… on leur pique leurs cerveaux grâce aux bourses. … Après s’être enrichi à ses dépens, on lui donne des leçons. » Certains analystes ont affirmé que ce discours improvisé a surpris par son ton critique envers la France, affirmant que quantité de richesses françaises tirent directement leur origine de l’exploitation du continent africain. Dans la même veine, en février 2007 au sommet de Cannes, Chirac déclarait devant des chefs d’État africains probablement surpris, du moins pour certains, une sorte de confession sénile comme qui dirait : « Une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique » Et d’ajouter sans sourcier : « Qu’on rende aux Africains ce qu’on leur a pris », y voyant non seulement un acte de justice, mais une nécessité pour éviter des turbulences politiques futures. Si seulement il pouvait ressusciter pour constater les dégâts (pour la France) causés par ses successeurs, au grand bonheur des Africains épris d’indépendance totale et de souveraineté !
- Qu’en dire ?Moment de lucidité rare dans un discours de chef d’État : Chirac reconnaît publiquement que la richesse de la France est en partie issue d’une histoire d’exploitation. Ca sent aussi le rejet de la posture moralisatrice : il critique ceux qui, à l’extérieur, donnent des leçons à l’Afrique après l’avoir historiquement spoliée et mise à feu et à sang. Enfin, et chose rare pour être soulignée, il s’agit d’unappel à la réciprocité historique : un rééquilibrage symbolique et matériel pour prévenir des tensions à venir.
Quatre chefs d’Etat français depuis la disparition de Fr. Mitterrand ; et quatre types de déclaration. Trois d’entre eux sont visiblement dans la droite ligne : on prend les mêmes objectifs, on camouffle les méthodes et on continue de mentir, de jeter de la poudre aux yeux de certains Africains naïfs ou gentils de bonne foi, et on recommence le business as usual. Jacques Chirac, quant à lui, s’est distingué par des propos on ne peut très critiques envers l’histoire de la relation entre la France et l’Afrique. Ses déclarations rappellent crûment et drôlement que les richesses françaises trouvent une part notable dans l’exploitation africaine historique, tout en appelant à une prise de conscience morale et politique. Ce discours — peu attendu — reste l’un des plus percutants sur les enjeux mémoriels et géopolitiques hérités de la colonisation. Mais on semble n’en faire aucun cas !
- Rappelons aussi quelques exemples de faits têtus de l’histoire récenteque l’on a tendance à nous faire oublier, surtout aux jeunes générations que l’on veut embarquer dans une idéologie béni-oui-oui ou woke, comme qui dirait.
Oublions l’esclavage et le dépeçage de l’Afrique en AEF et AOF ainsi que l’exploitation du continent jusqu’aux années des indépendances, en passant par des guerres d’indépendance sanglantes au Cameroun, Algérie, pour ne citer que ces deux-là. Oublions aussi la guerre du Biafra ; celle en cours en RDC ; le Darfour ; la Libye ; la Cote d’Ivoire ; le Tchad ; la RCA ; le Congo de Lissouba ; etc. L’Afrique contemporaine a connu environ deux cents vingt coups d’Etat… Peut-être plus, mais probablement pas moins ! Sur ce total, plus de 25% ont impliqué directement ou indirectement la France ! Des coups d’État, des tentatives avortées ou réussies, des assassinats politiques ou actions controversées attribués à l’influence de la France en Afrique depuis les années 1960. Bob Donald était de nationalité française, non ? Tout récemment le livre de Bourgi en a épinglé quelques-uns. C’est beaucoup. Pourquoi ? Les faits reconnus ou largement documentés sont légion. Coup d’État au Gabon (1964) La poisse, dirions-nous, d’avoir croisé le chemin des Français. Ca continue, et ce n’est qu’une portion de vérité ! Quelques exemples suffiront.
« En août 1964, un coup d’État renverse le président Léon M’ba. La France intervient rapidement pour rétablir le régime en place, envoyant des troupes afin de restaurer M’ba, favorisant notamment les intérêts du groupe pétrolier Elf et de réseaux proches du pouvoir français » peut-on lire sur Wikipedia. En Centrafrique – Opération Barracuda / Caban (1979), septembre 1979, la France lance l’opération Caban, suivie de Barracuda, pour démettre l’empereur Bokassa et replacer David Dacko au pouvoir. Cette intervention militaire revendique un « retour à la République » et permet à la France de maintenir son influence politique dans le pays (idem). Tchad – Soutien militaire et coups d’État : la France soutient l’arrivée au pouvoir d’Hissène Habré en 1982. Elle intervient via les opérations Manta (1983–84) puis Épervier (1986–2014) pour soi-disant contenir l’influence libyenne et consolider les régimes pro‑français (idem). Bénin – Tentative de coup d’État (1977) : l’opération Crevette, menée par un groupe de mercenaires sous leadership de Bob Denard, visait à renverser Mathieu Kérékou. Ce coup raté aurait bénéficié du soutien tacite de réseaux pro‑français en Afrique francophone (idem). Guinée – Opération Persil (1960) : l’opération « Persil » a visé à renverser le mal aimé et indépendantiste président Sékou Touré après l’indépendance de la Guinée en 1958. Les services secrets français auraient orchestré la contrefaçon d’argent guinéen et armé des opposants pour provoquer un effondrement économique et politique (Ca ne vous rappelle pas un certain ministre des finances qui avait juré de provoqué un « effondrement » de l’économie… russe ? La méthode ne date pas d’hier ! L’opération fut révélée puis abandonnée rapidement en raison des fuites et protestations officielles (idem).
Dans la même logique, des assassinats politiques et appuis à des régimes autoritaires. Au Cameroun, les indépendantistes de l’UPC (Union des populations du Cameroun) furent violemment réprimés entre 1955 et 1970 par la France alors puissance coloniale, et leurs leaders assassinés (Rubén Um Nyobé, Félix Mounié, Ernest Ouandié) dans un contexte de maintien des régimes pro‑français recourant à la violence. Au Togo, Sylvanus Olympio fut assassiné en 1963 lors d’un coup mené par des officiers souvent formés en ou par la France. Son successeur, Gnassimgbé Éyadéma, mena une dictature de plusieurs décennies soutenue par Paris sans s’en cacher. On soupçonne que son fils qui lui a succédé n’en est pas moins sous la même tutelle. Au Burkina Faso, le très charismatique président Thomas Sankara (1983–1987) fut renversé puis assassiné par un coup de Blaise Compaoré ayant plus que visiblement bénéficié du soutien, explicite ou tacite, de réseaux pro‑français.
Les statistiques les plus optimistes et non exhaustives semblent indiquer que depuis les indépendances, on compte environ 67 coups d’État en Afrique, dont 61 % dans des ex‑colonies françaises (~45 événements), ce qui souligne une forte présence historique et péri-post‑coloniale de la France dans les affaires politiques africaines. Selon le chercheur universitaire Abubakar Usman : depuis 2000, 45 tentatives ou coups ont eu lieu, dont 23 réussis, 16 dans des pays anciennement soumis à l’influence française, comme le Niger, le Mali ou le Burkina Faso. Ces coups sont souvent présentés comme des ruptures avec l’influence française jugée néocoloniale. Les interventions françaises s’inscrivent en droite ligne de ce que les historiens appellent le modèle de la « Françafrique », une stratégie d’influence politique, économique et militaire mise en œuvre depuis les années 1960 pour maintenir un contrôle sur d’anciennes colonies françaises (via des régimes « amis », des bases militaires, l’usage du franc CFA, etc.)
- Que dire des plus grandes sociétés françaises implantées en Afrique, implantées ou incrustées depuis des lustres sans jouer aucun rôle visible dans l’économie du continent, surtout dans des secteurs comme l’énergie, la logistique, la grande distribution, l’industrie ou les services ?
Citons sans commenter : TotalEnergies dont la présente en Afrique date depuis les années 1950, notamment au Nigeria, où elle opère environ 570 stations-service et aurait engagé un investissement de 6 milliards USD en 2023‑24 dans les secteurs du pétrole et du gaz (cf. Businessday NG, Arbiterz). Au Mozambique, TotalEnergies a lancé un projet gazier de 20 milliards USD, même s’il a dû faire face à des retards importants à cause de l’insécurité et de controverses politiques. A qui la France a-t-elle fait appel pour protéger ses intérêts ? Je vous le donne en mille : le Rwanda de Kagame et ses militaires dressés pour faire le job, pour tuer tout ce qui bouge et pour les intérêts étrangers à l’Afrique (on se souviendra du deal avec les demandeurs d’asile britanniques, des contrats miniers récents avec l’UE alors que le pays ne produit aucun minerais, des contrats avec les firmes pharmaceutiques pour des essais vaccinaux sur une population servant de cobaye etc. Les entreprises françaises en Afrique sans Bolloré Transport & Logistics ? La liste serait insignifiante ! Présente dans 46 pays africains, avec environ 250 filiales et 25 000 employés. Gère terminaux portuaires, ports secs et réseaux ferroviaires, notamment en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Cameroun. Accusée par des ONG de corruption dans l’attribution de contrats portuaires. Qui dit mieux ? Castel Group ; Maurel & Prom, Canal+ / Vivendi ; Orange (opère dans 18 pays africains) ; Danone / Fan Milk ; Lafarge Africa ; Schneider Electric ; Sodexo ; Alstom, Engie, Safran, CMA CGM, Orano ; pour ne citer qu’une infime minorité mais des plus en vue.
- La présence française en Afrique est surannée et contestée par l’Afrique profonde sur fond de volonté de souveraineté, de puissance et de résistance
Dans le discours qui nous a servi de prétexte pour ce papier, E. Macron affirme que la liberté collective européenne et, par extension occidentale, exige une posture de puissance, en raison d’un monde en « bascule », marqué par l’instabilité internationale, la remise en cause des règles du droit et la montée des impérialismes — y compris dans un arc de crise qui s’étend du golfe de Guinée au Sahel et au Moyen‑Orient. En adoptant sa formule, on peut en déduire que tous les acteurs africains doivent équivalemment renforcer leur puissance, y compris militaire, pour préserver leur liberté face aux ingérences extérieures (néo-colonialisme, rivalités géopolitiques), y compris de la part de la France. Si l’on applique le raisonnement de Macron à l’Afrique, plusieurs pistes émergent.
D’abord rejet d’un paternalisme militaire
Le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, et le Tchad ont exigé ou effectué un retrait des bases françaises, affirmant leur droit à une défense autonome, sans tutelle ni intervention étrangère.
Créer ou renforcer des capacités locales, en synergie entre pays partageant les mêmes intérêts sinon par regroupements régionaux à l’instar de l’AES. Après la mort dans l’œuf de l’armée continentale dont rêvait Kadhafi, plusieurs États africains encouragés par un mouvement panafricaniste devenu plus que jamais dynamique cherchent aujourd’hui à développer des armées nationales autonomes sans dépendre de forces étrangères. Mais c’est très embryonnaire encore et tout le mouvement doit être porté par un élan politique clair et à long terme. L’exemple à suivre, voire améliorer est l’initiative comme l’Alliance des États du Sahel (AES) illustrant une ferme volonté de construire une puissance régionale collective indépendante, orientée vers la sécurité régionale interétatique et plus loin continentale.
Diversifier les partenariats géostratégiques
Alors que la France recule et devrait ne plus montrer son nez dans les affaires africaines, certains pays africains se tournent vers la Russie, la Turquie, la Chine ou un partenariat Sud‑Sud pour renforcer leur souveraineté, souvent sans imposition de modèles militaires externes. La nouvelle stratégie devrait réussir à garder sous un silence protégé par les ancêtres africains les détails de cette orientation.
Merci donc à Macron pour nous avoir rappelé que « pour être libres … il faut être craints … être puissants ». La volonté ou le besoin de souveraineté et de capacité de décision. Mais plutôt que d’invoquer une puissance extérieure, les pays africains doivent privilégier de plus en plus la construction interne d’institutions solides, d’armées nationales responsables et d’alliances régionales indépendantes. Là où un leadership africain réellement « libre » sera bâti sur la légitimité, la coopération équitable et l’émancipation géopolitique, là sera désormais l’avenir du continent africain.
Un profond désenchantement vis-à-vis du système international existant nourrit des revendications africaines (via l’UA), mais aussi globales (via les BRICS). Les propositions pour une réforme effective du Conseil de sécurité sont nombreuses, mais confrontées à une inertie institutionnelle forte. L’Afrique, via ses institutions et plateformes régionales, explore des modèles autonomes de gouvernance sécuritaire, tandis que les puissances émergentes s’affirment comme forces alternatives pour remodeler l’ordre mondial à venir.
Mais ceci est un autre chapitre et nous y reviendrons ultérieurement.
Par JP Mbona, août 2025, sources arib.info
Lu pour vous la rédaction