L’Union européenne n’est pas au mieux en cette rentrée politique: forcée par son grand allié américain de plier sur le front commercial, marginalisée jusqu’ici dans les (pseudo-)discussions sur l’Ukraine, cruellement divisée sur l’approche à adopter envers Israël, son industrie en berne sur fond de croissance faiblarde en Allemagne, une crise politique en France… Le discours annuel sur l’état de l’Union, que la présidente de la Commission Ursula von der Leyen tiendra le 10 septembre prochain au Parlement européen, n’en sera que plus attendu.
Du côté de la Commission, on fait valoir la “stabilité” et la “prévisibilité” nées de cet accord. Pourtant, Donald Trump a relancé, dès cette semaine, une nouvelle salve contre les pays qui s’en prennent aux entreprises technologiques américaines. L’UE, qui s’est sentie une nouvelle fois visée en raison de ses législations sur les services et les marchés numériques, a dû clamer son “droit souverain” à réglementer les activités économiques sur son territoire. Et dans la foulée, le président de la commission du commerce international du Parlement européen, Bernd Lange, prévenait que l’assemblée pourrait rejeter la demande d’abaisser les taxes sur les exportations américaines.
Compétitivité et environnement
Pour remettre du vent dans les voiles, il est probable qu’Ursula von der Leyen réaffirmera son cap, avec la compétitivité industrielle en priorité absolue, même si cela implique de reporter ou de simplifier (« déréguler » selon ses détracteurs) les avancées climatiques de son premier mandat. La Commission maintient toutefois son objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 90 % d’ici 2040, sur la voie de la neutralité carbone en 2050. Le 18 septembre, une réunion des ministres de l’Environnement devrait déterminer si les États membres acceptent cette proposition.
Au Parlement européen, à défaut d’entente entre les partenaires de la « majorité Von der Leyen », le dossier a atterri entre les mains d’un rapporteur du groupe d’extrême droite PfE. Cela n’interdit pas aux groupes démocratiques de dégager un compromis entre eux, mais l’épisode illustre la tension et la défiance qui règnent parmi les soutiens de l’Allemande. Une autre confrontation entre la compétitivité d’une part, les intérêts environnementaux et sanitaires d’autre part, est encore attendue cette année pour réformer la régulation des produits chimiques (Reach).
Investissements massifs
La Commission parie aussi sur des investissements massifs. Mais ceux-ci devront être principalement réalisés au niveau national, car la proposition de budget pluriannuel de l’UE post-2027, qui sera discutée ces prochains mois, n’est pas d’une ampleur suffisante. Il n’y a pas non plus de volonté partagée de recourir à un nouveau grand emprunt commun pour des investissements dans les infrastructures énergétiques, par exemple. Les yeux se tournent donc vers l’Allemagne, troisième puissance économique mondiale et moteur économique de la zone euro. Le chancelier Friedrich Merz y a annoncé un plan d’investissement de 1.000 milliards d’euros.
L’incertitude jetée par Trump sur les relations commerciales transatlantiques pousse aussi la Commission à regarder ailleurs, vers l’Inde par exemple, avec laquelle un accord de libre-échange pourrait être conclu, tandis que l’exécutif européen cherchera sans doute à faire aboutir l’accord controversé avec les pays sud-américains du Mercosur. L’UE pourrait aussi éliminer les barrières qui persistent au sein de son propre marché unique, préconise la Commission, ce qui permettrait de neutraliser l’impact des droits de douane US. Mais ce n’est pas une sinécure : la création d’un marché unique des capitaux, par exemple, continue de buter sur des intérêts nationaux divergents.
Ambitions géopolitiques
Il en va de même pour les ambitions géopolitiques de l’UE, trop souvent étouffées par l’absence d’unanimité. Le conflit israélo-palestinien en offre une cruelle illustration, et la réunion, ce samedi à Copenhague, des ministres des Affaires étrangères de l’UE ne devrait pas déroger à la règle. La Suède et les Pays-Bas y militeront en faveur de sanctions contre les ministres israéliens les plus durs et pour la suspension du volet commercial de l’accord d’association, mais pour l’instant, il ne semble même pas y avoir de majorité pour suspendre la coopération avec Israël dans le programme de recherche Horizon.
De nouvelles sanctions contre la Russie pour l’invasion de l’Ukraine seront également discutées à Copenhague, peut-être aussi une optimisation des retombées financières des actifs de l’État russe gelés dans l’UE, principalement en Belgique, chez Euroclear. Le soutien à l’Ukraine, lui, a jusqu’ici bénéficié d’un front européen uni, malgré les freins de la Hongrie et de la Slovaquie. Convaincre le Premier ministre hongrois Viktor Orban de débloquer les négociations d’adhésion avec Kiev sera l’une des principales missions de la présidence danoise, qui tient les rênes du Conseil de l’UE jusqu’à la fin de l’année.
Défense
L’unité européenne sera aussi testée sur la capacité des Vingt-sept à renforcer leur défense. Notamment à l’aide d’un nouveau levier de l’UE, “SAFE”, qui mobilisera jusqu’à 150 milliards d’euros sur les marchés de capitaux pour pousser les États membres à investir dans la défense antimissile aérienne, les drones ou encore les moyens stratégiques, avec en ligne de mire la capacité d’offrir des garanties de sécurité significatives à l’Ukraine. Jusqu’à 2.000 milliards d’euros de dépenses seraient envisagés sur les cinq prochaines années.
En attendant donc, l’UE ne peut se passer de la couverture militaire américaine. Et les concessions commerciales y aident. C’est ce qu’a admis sans détour Sabine Weyand, directrice générale au Commerce à la Commission européenne, dans une interview accordée cette semaine au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Dans les pourparlers USA-UE sur les droits de douane, a-t-elle concédé, il n’y a pas vraiment eu négociation. “La partie européenne était soumise à une pression énorme pour trouver rapidement une solution permettant de stabiliser les relations transatlantiques, surtout pour les garanties de sécurité.”