Quand la soif du pouvoir transforme les barrages en mirages : l’arnaque à 72 milliards FBU par an depuis 2017 dévoilée
BUJUMBURA – Qui autem imperat pecuniae, imperat regno (Celui qui contrôle l’argent contrôle le royaume). Cette maxime latine n’a jamais été aussi vraie que chez nous, où un homme a transformé la pénurie électrique nationale en véritable machine à cash personnelle.
Après nos précédentes révélations sur l’empire tentaculaire d’Olivier Suguru – commissionnaire, membre de l’Assemblée nationale depuis 2020, président de l’Agence pour le développement du Burundi (ADB), Secrétaire général de SAVONOR, Président de la Chambre de commerce et de l’industrie du Burundi (CFCIB), etc. – le voile se déchire désormais sur l’un des plus grands scandales énergétiques de l’histoire du pays. Une affaire digne d’un scénario hollywoodien, où corruption, trafic d’influence et sabotage économique se mêlent dans un cocktail explosif.
L’Arnaque du siècle : 72 milliards de FBU par an depuis 2017
Les chiffres donnent le vertige. Depuis septembre 2017, la Regideso – la Régie de production et de distribution d’eau et d’électricité – a mis en service des groupes électrogènes fournis par Interpétrol, entreprise dirigée par Tariq, fidèle associé et alter ego d’Olivier Suguru. Ces groupes, capables de produire 30 mégawatts, engloutissait mensuellement la bagatelle de 6 milliards de francs burundais en carburant.
Pecunia non olet (L’argent n’a pas d’odeur), disaient les Romains. Pour Suguru et son réseau, cet adage semble être devenu une doctrine. Pendant que les Burundais souffraient dans l’obscurité, ces magnats de l’ombre ont transformé chaque coupure de courant en pépite d’or.
Le calcul est aussi simple qu’effrayant : 72 milliards de francs burundais détournés chaque année depuis 2017 vers les poches de ce cartel énergétique. Depuis 2017, ce sont de centaines de milliards de FBU qui se sont évaporés dans les méandres de cette corruption systémique. Une hémorragie financière qui a vidé les caisses de l’État pendant que les hôpitaux, écoles et entreprises plongeaient régulièrement dans le noir.
Le pion de l’ombre : Egide Niyogusaba, agent dormant à la Délégation de l’Union européenne à Bujumbura
Mais comment maintenir un tel système de prédation ? Comment s’assurer que les solutions durables ne viennent jamais mettre fin à cette rente de situation ? C’est là qu’intervient le deuxième acte de cette tragédie nationale.
Egide Niyogusaba, Burundais, fraîchement promu spécialiste en énergie au sein de la section « Développement rural et infrastructures » de l’Union européenne à Bujumbura en remplacement dans ce poste d’un haut cadre européen, semblait être l’homme providentiel pour accompagner les projets énergétiques du Burundi. En réalité, comme nous l’avons révélé dans notre édition précédente, ce fonctionnaire était devenu le modus operandi parfait de Suguru : un saboteur en costume-cravate, placé au cœur même du système de financement européen.
Sa mission ? Ralentir, bloquer, torpiller tous les projets de barrages hydroélectriques qui auraient pu mettre fin à la dépendance aux groupes électrogènes de son mentor.
Des barrages transformés en mirages
A l’époque, le Burundi avait pourtant des projets ambitieux sur la table :
- Jiji-Mulembwe : 49,5 MW de capacité, avec des centrales devant démarrer entre février et mai 2025 ;
- Ruzibazi : 15 MW désormais en service ;
- Kabu 16 : 20 MW sur la rivière Kaburantwa ;
- Rusumo Falls : 26,5 MW partagés avec le Rwanda et la Tanzanie ;
- Mpanda : 10,4 MW, dont les travaux ont mystérieusement été suspendus.
Ces projets, partiellement financés par l’Union européenne, auraient dû libérer le pays de sa dépendance au diesel et mettre fin au monopole d’Interpétrol. Mais c’était sans compter sur l’ingéniosité machiavélique du réseau Suguru.
Niyogusaba, endetté jusqu’au cou pour avoir envoyé ses enfants étudier aux États-Unis, était l’homme idéal à corrompre. Olivier Suguru lui a offert un deal faustien : des pots-de-vin généreux et la réduction de ses dettes colossales contre un simple service – saboter de l’intérieur les projets énergétiques du Burundi par mauvais commentaires et fausses analyses à sa hiérarchie.
Le barrage de Mpanda ? Suspendu. Les autres projets ? Ralentis, enlisés dans des procédures byzantines, ou carrément vidés de leurs financements. Pendant ce temps, les groupes électrogènes de Tariq continuaient à ronronner… et à engraisser les comptes en banque du cartel.
La Chute de la pieuvre : Veritas Odium Parit
Veritas odium parit (La vérité engendre la haine). Quand le Président du Burundi, Son Excellence le Général-Major Evariste Ndayishimiye a pris les choses en mains et a nommé le Dr. Ir. Lieutenant-Colonel Jean Albert Manigomba comme Directeur général de la Regideso, il n’a pas fallu longtemps pour que l’édifice de mensonges commence à s’effriter. Ce technocrate intègre a rapidement identifié les magouilles et mis fin au système. Les projets hydroélectriques ont redémarré, certains sont même déjà terminés.
Pour Suguru et sa clique, c’était le début de la fin. Egide Niyogusaba a été limogé de l’Union européenne pour incompétence, insubordination et – in flagrante delicto – collusion avec des corrupteurs. Quant à l’actuel DG de la Regideso, il doit être désormais dans le collimateur de ces magnats qui ont vu leur vache à lait s’assécher.
Comme le dit le proverbe kirundi : « Ibuye riserutse ntiryica isuka ». La roue tourne, et ceux qui ont pillé le pays découvriront tôt ou tard que l’impunité n’est pas éternelle.
Conseil aux décideurs : Fiat Justitia, Ruat Caelum
Face à cette mafia politico-financière digne des plus grands thrillers, plusieurs mesures devraient être envisagées d’urgence :
- Audit complet et indépendant : Tous les contrats entre la Regideso et Interpétrol depuis 2017 doivent être scrutés ligne par ligne. Les surévaluations, commissions occultes et surfacturations doivent être quantifiées et les responsables poursuivis ;
- Protection des lanceurs d’alerte : L’actuel DG de la Regideso et tous ceux qui osent affronter ce système mafieux doivent bénéficier d’une protection rapprochée ;
- Incompatibilité des mandats : Un homme ne peut cumuler la présidence de l’ADB, des fonctions de commissionnaire (commerçant) et des intérêts dans des entreprises de l’État ou fournissant l’État. C’est le B.A.-BA de la prévention des conflits d’intérêts ;
- Coopération internationale renforcée : L’Union européenne doit tirer les leçons de l’affaire Niyogusaba et renforcer drastiquement ses mécanismes de contrôle interne. Les Burundais ne peuvent plus se permettre que leurs bailleurs soient infiltrés par la corruption locale ;
- Au-delà des milliards envolés, ce sont des millions de Burundais qui ont peiné dans le silence et la misère pendant que Suguru bâtissait sa fortune. Fiat justitia, ruat caelum — que justice soit faite, dût le ciel s’effondrer. L’État a désormais le devoir d’enquêter sur les traces de cet argent dissimulé et de le restituer aux caisses publiques, là où il aurait toujours dû se trouver.
À tous ceux qu’Olivier Suguru continue de séduire ou de corrompre avec l’argent du peuple burundais : sachez que les Burundais voient et comprennent. Les faisceaux de l’investigation sont désormais tournés vers ce réseau, et chaque révélation en resserre davantage l’étau. Burundi Forum ne fera qu’amplifier la voix du peuple — Vox Populi, Vox Dei : la voix du peuple est la voix de Dieu.
Avec Son Excellence le Général Major Évariste Ndayishimiye, Président de la République du Burundi, souffle un vent nouveau : celui de la justice, de la transparence et de la responsabilité. Le temps de l’impunité appartient désormais au passé. En s’attaquant avec détermination aux réseaux de prédation et en œuvrant à rapatrier les fonds détournés, le Chef de l’État accomplira un acte historique.
Nous croyons en lui, en sa sagesse et en son sens du devoir : il le fera, au temps opportun. Cet argent, réinvesti dans la Vision Burundi 2040–2060, deviendra le levier d’un développement équitable et souverain.
Sic transit gloria mundi — ainsi passe la gloire du monde, mais la grandeur des nations se forge dans la droiture et la foi en l’avenir.
Sources :
- Burundi-Forum.org – Dossier spécial Olivier Suguru
- Burundi-Eco.com – Consommation de l’électricité inquiète Regideso (2024)
- Enquêtes terrain – Regideso et projets hydroélectriques (2024-2025)
Par Jean Jolès Rurikunzira