Voitures de fonction au Burundi : Un privilège fiscal à corriger

Socio-Economie

La mise à disposition d’une voiture de l’Etat ou d’une voiture de société à titre gratuit est un avantage considérable pour le bénéficiaire. En France par exemple le coût annuel d’une voiture moyenne (6 CV) est estimé à 6 000–8 000 €. Or, au Burundi, aucun barème d’« avantage en nature » ou d’ « avantage de toute nature, ATN » ne s’applique aujourd’hui à ces véhicules fournis par l’employeur (Etat ou société privée). Ce vide légal crée un privilège injuste : l’usage privé d’une voiture de fonction échappe à l’impôt sur le revenu du cadre, alors que de nombreux pays voisins imposent explicitement cet avantage. Il est temps de combler cette lacune fiscale pour renforcer l’équité et la transparence.

Exemples internationaux

Dans plusieurs pays comparables, la fiscalité considère la voiture de fonction comme un avantage imposable selon divers barèmes. Par exemple, au Kenya les véhicules mis à disposition par l’employeur sont taxés mensuellement entre 2 % du coût d’acquisition et des taux réglementaires. Au Rwanda, on opte pour un taux forfaitaire simple : l’« avantage automobile » est égal à 10 % du revenu annuel de l’employé (hors autres avantages en nature). Ces règles assurent que le salarié contribue fiscalement à la valeur de la voiture dont il profite.

Au Sénégal, les anciens barèmes d’évaluation forfaitaire prévoyaient un montant fixe mensuel (entre 20 000 FCFA et  60 000 FCFA ). Ces montants modestes mais obligatoires s’ajoutaient à l’assiette fiscale. En Afrique du Sud, la loi fiscale impose 3,5 % par mois de la valeur déterminée du véhicule. Ainsi, la mise à  disposition gratuite d’une voiture par l’entreprise se traduit par un revenu imposable régulier pour l’employé.

Ces exemples montrent qu’il existe des cadres fiscaux clairs et applicables pour les avantages de toute nature (ATN) automobiles. Ils reposent sur des pourcentages simples ou des montants forfaitaires, calculés soit sur la valeur du véhicule, soit sur le salaire de l’employé. Le Burundi peut s’inspirer de ces modèles éprouvés pour élaborer son propre barème. La loi ainsi élaborée peut concerner d’autres avantages de toute nature comme le logement ,l’eau, l’électricité, le téléphone etc….

Impacts attendus sur l’assiette fiscale et la justice sociale

Taxer les voitures de fonction élargirait sensiblement l’assiette fiscale burundaise. Même un prélèvement modéré (quelques pourcents du coût ou du salaire) sur l’ensemble de véhicules attribués gratuitement aux cadres de l’État et du secteur privé rapporterait de nouveaux revenus. Cet impôt sur les ATN comblerait une échappatoire fiscale actuelle et limiterait l’utilisation du statut de salarié pour obtenir indûment des biens de luxe à frais réduit. Sur le plan social, la réforme renforcerait l’égalité devant l’impôt : aujourd’hui, un salarié modeste paie de l’impôt sur chaque franc BU de salaire, tandis que l’« économie » réalisée grâce à l’usage privé d’une voiture de fonction reste non taxée. Prélever l’ATN revient à rapprocher le traitement des hauts cadres de celui des autres contribuables.

De plus, l’instauration d’un contrôle obligatoire (déclaration des véhicules mis à disposition et de leur usage) améliorerait la transparence sur les ressources publiques. La population pourrait savoir quels responsables bénéficient de véhicules de fonction et le coût réel de cette dotation pour l’État. À terme, cela décourage la distribution opaque de privilèges coûteux. En somme, taxer les voitures de service serait à la fois un moyen efficace de mobiliser des recettes publiques supplémentaires et un signal fort pour la justice fiscale au Burundi.

Propositions concrètes de réforme

  • Inscrire l’ATN automobile dans la loi fiscale. Définir légalement l’« avantage de toute nature » que constitue la voiture de fonction et en faire un revenu imposable pour le bénéficiaire. Les cadres publics et employés du privé déclareraient l’avantage automobile au même titre que leur salaire.
  • Fixer un barème d’imposition adapté. S’inspirer des modèles étrangers : par exemple un pourcentage mensuel de la valeur du véhicule (2 %–3,5 % comme au Kenya ou Afrique du Sud) ou du salaire (10 % au Rwanda), ou un forfait indexé sur la puissance fiscale (à la sénégalaise). On pourrait aussi combiner : p. ex. 30 % du coût annuel de location pour les voitures louées (comme en France). L’essentiel est un calcul simple et opposable, pour éviter l’arbitraire.
  • Assurer le recouvrement par le système des salaires. L’employeur intègre l’ATN véhicule dans la base de retenue à la source, de sorte que l’impôt soit prélevé chaque mois sur le revenu du cadre. Alternativement, l’ATN pourrait être mentionné sur la fiche de paie.
  • Renforcer la transparence. Imposer la tenue d’un registre officiel des véhicules de fonction attribués aux responsables de l’État et aux entreprises publiques/subventionnées. Publier régulièrement le nombre de véhicules et leur valeur globale dans les comptes publics. Ainsi, les citoyens seraient informés des coûts réels, ce qui dissuaderait les excès.

En conclusion, les exemples internationaux et les arguments d’équité montrent qu’il n’y a aucune raison de laisser perdurer cette niche fiscale au Burundi. En taxant comme il se doit les voitures de fonction, le gouvernement trouverait un moyen concret de dégager des ressources nouvelles et de rétablir une justice sociale élémentaire : chaque avantage reçu doit être soumis à l’impôt. Les décideurs burundais gagneraient à instaurer rapidement un dispositif d’imposition de ces ATN, inspiré des législations comparables, afin de consolider l’assiette fiscale et de promouvoir la transparence dans l’utilisation des biens publics. Une telle réforme enverrait un signal fort de lutte contre les privilèges, tout en participant au renforcement du pacte social et au financement des services publics.

Par Bazikwankana Edmond