Theresa May était rentrée humiliée de Salzbourg jeudi soir. La rebuffade publique des dirigeants européens envers ses propositions sur le Brexit a affaibli un peu plus sa position face à l’aile dure du Parti conservateur, qui les conteste aussi. Il lui fallait donc reprendre l’offensive pour tenter de remobiliser ses troupes derrière elle, devant «l’impasse» des négociations avec Bruxelles. Empruntant à la gestuelle thatchérienne, elle a accusé les Européens de lui manquer de «respect» et de tenter de «se moquer» du résultat du référendum, lors d’une allocution télévisée solennelle depuis Downing Street, vendredi après-midi.
«Il est inacceptable de rejeter la proposition de l’autre partie sans explication détaillée et sans contre-proposition. Nous attendons maintenant de l’UE de savoir quels sont les vrais problèmes et quelle est l’alternative afin que nous puissions en discuter. D’ici là, nous ne pouvons pas faire de progrès», a-t-elle martelé. Ce n’est pas la rupture, mais un blocage.
Au-delà de la rhétorique de combat, la première ministre britannique n’a pas infléchi d’un iota sa position sur le fond. Sa solution d’association douanière et de régulation commune avec l’UE pour les marchandises, qu’elle présentait à Salzbourg comme «la seule sur la table», a beau être aussi vilipendée en Grande-Bretagne que sur le continent, May y reste accrochée. Celle-ci bloque sur la question insoluble de la frontière irlandaise (lire ci-dessous), ce qui empêche toute avancée des discussions. Les alternatives – maintien dans le marché unique comme la Norvège ou simple traité de libre-échange comme le Canada – sont exclues par Londres. De nouvelles propositions pour régler ce casse-tête devraient toutefois être présentées «prochainement» par les Britanniques.
Seule autre éventualité envisagée: une sortie brutale de l’UE sans accord le 29 mars 2019. Une perspective dont la probabilité ne cesse de grandir, entraînant la plus forte chute de la livre sterling face au dollar depuis onze mois après l’allocution de Theresa May. Celle-ci a cherché à rassurer les 3,8 millions d’Européens installés au Royaume-Uni, également inquiets de cette possibilité, en leur promettant que leurs droits de rester dans le pays seraient garantis.
Selon elle, les Vingt-Sept chercheraient à lui imposer un «démantèlement» du Royaume-Uni en introduisant un régime douanier différencié entre l’Irlande du Nord (qui serait alignée sur le marché européen) et la Grande-Bretagne.
«Que les choses soient claires pour l’UE: je n’annulerai pas le résultat du référendum, pas plus que je ne démantèlerai mon pays», assure-t-elle.
Une façon de répondre en passant à ce qui a été perçu comme une tentative d’Emmanuel Macron de «nier la légitimité» du référendum, «le plus vaste exercice démocratique jamais entrepris par ce pays». Le président de la République avait critiqué à Salzbourg le Brexit, «choix qu’ont fait les Britanniques, poussés par ceux qui promettaient des solutions faciles». «Ceux qui veulent nous convaincre qu’on peut facilement se passer de l’Europe, que tout ira très bien, que cela leur rapportera beaucoup d’argent, sont des menteurs», a-t-il cinglé. En ligne de mire, Boris Johnson, chef de file de la campagne du Brexit et adversaire déclaré de Theresa May.
Côté européen, on ne souhaitait pas réagir à la réaction britannique. Pas question de paniquer, priorité à la dédramatisation. Les Européens estiment n’avoir rien dit de plus à Salzbourg sur la position de Londres que ce qui l’avait déjà été au cours des deux mois précédents. Ils s’étonnent de voir la balle renvoyée dans leur camp après que Theresa May leur a présenté une vision à prendre ou à laisser. «Ça ne fonctionne pas comme ça. Nous devons nous concentrer sur les points de convergence», glisse une source européenne.
«Je n’annulerai pas le résultat du référendum, pas plus que je ne démantèlerai mon pays», a assuré Theresa May, lors d’une allocution télévisée solennelle depuis le 10 Downing Street, à Londres, vendredi après-midi.
Florentin Collomp- Le Figaro
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