Les leçons à tirer de l’épidémie de SRMO

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Le virus du SRMO aurait été transmis à l’homme par le chameau Photo: Jaspreet Kindra/IRINDUBAÏ, 28 août 2014 (IRIN) – Il y a quelques mois seulement, la menace du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (SRMO) semblait croître dans de vastes secteurs de la région du Golfe. Des dizaines de nouveaux cas étaient rapportés chaque mois et un comité mis sur pied par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait indiqué que la « situation s’était empirée en termes de gravité et d’urgence ».

La menace semble pourtant s’être évanouie au cours des dernières semaines. Deux nouveaux cas seulement ont été enregistrés dans les six dernières semaines en Arabie Saoudite. S’il se peut que la diminution du nombre de cas soit en partie associée au changement de saison, les nouvelles stratégies adoptées par l’Arabie saoudite pour juguler l’épidémie semblent également porter leurs fruits. Comment expliquer cette diminution du nombre de cas ? Quelles leçons peut-on en tirer pour la gestion d’autres maladies contagieuses comme Ebola ? |left>

Réaction tardive des autorités saoudiennes

> Le SRMO, un proche parent du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), qui a fait plus de 700 victimes à travers le monde en 2002-2003, est causé par un virus qui affecte le système respiratoire. Il a été identifié pour la première fois il y a deux ans et demi et a fait près de 300 victimes sur les 800 cas enregistrés depuis dans le monde entier.

Des cas ont été rapportés un peu partout dans la péninsule Arabique. Aux États-Unis, les premiers cas confirmés ont été enregistrés en mai chez des travailleurs de la santé de retour d’Arabie saoudite. Il n’existe pas encore de traitement, mais la maladie peut généralement être contenue par l’adoption de méthodes de contrôle et de prévention efficaces.

Depuis le début, l’Arabie saoudite est le premier foyer de l’infection : plus de 50 pour cent des cas y ont été enregistrés. Selon la plupart des témoignages, les autorités saoudiennes ont mis du temps à réagir. Elles ont par ailleurs été accusées de minimiser l’importance de la menace ou de ne pas la prendre suffisamment au sérieux. Les experts suggèrent en effet qu’un certain nombre de décès auraient pu être évités si elles avaient réagi plus rapidement.

On remarque notamment que les professionnels de la santé représentent un pourcentage élevé des cas, ce qui signifie que les hôpitaux n’avaient pas mis en place les mécanismes de sécurité et de santé adéquats. Selon une étude menée par l’OMS, la hausse des cas de SRMO en Arabie saoudite est principalement due à la transmission secondaire – c’est-à-dire d’humain à humain – et celle-ci survient généralement dans les hôpitaux en raison des mauvaises mesures de contrôle de l’infection.

Le mode de transmission est connu sous le nom d’« infection par gouttelettes ». Le virus se propage en effet par les gouttelettes de sécrétions provenant du nez, de la gorge ou des poumons et qui restent en suspension dans l’air. Mamunur Malik, un épidémiologiste de l’OMS qui a précisé qu’il parlait en son nom seulement, a dit que l’inadéquation des mesures de contrôle de l’infection chez les travailleurs de la santé et les visiteurs avait contribué à la « propagation rapide » du virus.

Sofian Ragab, directeur de recherche au sein du IDPH Research Group – un groupe de recherche basé à Londres qui s’intéresse essentiellement aux maladies infectieuses – croit lui aussi que les niveaux élevés de transmission secondaire sont liés à des normes sanitaires insuffisantes. « Il était préoccupant de voir qu’un nombre aussi important d’infections nosocomiales [infections contractées à l’hôpital] était rapporté », a-t-il dit.

Des critiques ont par ailleurs accusé les autorités de manquer de transparence. Selon Jeremy Youde, un professeur adjoint de sciences politiques à l’Université de Minnesota-Duluth qui a mené des recherches extensives sur la gouvernance de la santé mondiale, il faut absolument faire preuve d’ouverture pour prévenir la propagation rapide d’une maladie. Il a dit que le gouvernement saoudien avait été perçu, du moins au début, comme lent à réagir et peu enthousiaste face à la perspective de travailler en collaboration avec « d’autres gouvernements et organisations ».

Changement de stratégie

Au cours des derniers mois toutefois, les autorités saoudiennes semblent avoir changé de stratégie et décidé de prendre plus au sérieux la flambée de maladie. En avril, le ministre de la Santé et des conseillers importants ont été licenciés et Adel bin Mohammed Fakeih a repris la tête du ministère.

L’un de ses premiers gestes a été de mettre sur pied un conseil pour enrayer la propagation de la maladie.

M. Ragab a loué le travail du nouveau ministre. Il a dit que M. Fakeih avait fait preuve d’ouverture en créant, à Riyad, à Djeddah et dans la région de l’Est, trois centres dédiés pour traiter les patients atteints du SRMO. Le gouvernement a également adopté des mesures pour assurer la fiabilité des informations et la rapidité du signalement en développant un système électronique pour la déclaration des cas et en améliorant les mécanismes pour rapporter les nouveaux cas au ministère de la Santé.

M. Ragab a dit que la décision de prendre plus au sérieux la maladie avait eu un impact énorme. « Nous avons été témoins d’un changement significatif dans les systèmes de santé publique et d’une amélioration de l’efficacité des mesures de prévention et de contrôle de l’infection inspirant une certaine confiance. La diminution des cas peut être attribuée à une épidémiologie, une recherche de sujets contacts, une surveillance de la maladie et un contrôle de l’infection efficaces », a-t-il dit.

Il existe d’autres hypothèses quant aux raisons expliquant la diminution du nombre de cas. L’une des principales est le caractère saisonnier du SRMO. Selon M. Malik, il est possible que cette maladie – qui aurait été transmise à l’homme par le chameau – connaisse une recrudescence entre mars et mai parce qu’il s’agit de la période de mise bas des chamelles. Il a cependant ajouté que les scientifiques « n’avaient pas encore officiellement identifié le caractère saisonnier de la maladie ».

La diminution du nombre de cas ne signifie pas pour autant que la partie est gagnée. Plus de deux millions de musulmans sont attendus en octobre à la Mecque pour le grand pèlerinage annuel (Hajj). Selon M. Ragab, cet événement pourrait entraîner l’apparition de nouveaux cas. « La fréquentation importante des lieux saints lors du Hajj et la diversité internationale créent un climat idéal pour la propagation de maladies infectieuses », a-t-il dit.

« Lorsqu’une épidémie survient, le système de santé doit être capable de réagir rapidement […] Nombre de ces leçons s’appliquent à l’épidémie d’Ebola qui sévit actuellement. »

Il a cependant ajouté que la menace demeurerait faible tant que « des mesures efficaces seraient appliquées ». Les cas rapportés cette année pendant le ramadan et le petit pèlerinage (Omra) incluaient « seulement une poignée de cas de SRMO ».

Le gouvernement a également adopté des mesures visant à sensibiliser ceux qui songent à faire le pèlerinage. Les médecins conseillent notamment aux femmes enceintes, aux personnes âgées et aux enfants de ne pas entreprendre le voyage. Le gouvernement utilisera également les postes de surveillance sanitaire qui existent déjà aux frontières pour repérer l’apparition de nouveaux cas.

Tirer des leçons des épidémies

Si les épidémies ne peuvent être évitées dans un monde où cohabitent plus de sept milliards de personnes, des leçons peuvent cependant en être tirées.

L’épidémie d’Ebola, depuis peu considérée par l’OMS comme une urgence de santé mondiale, offre un bon exemple. Il existe de nombreuses ressemblances entre le SRMO et Ebola. Les deux virus auraient en effet été transmis à l’homme par un animal ; la contamination se fait par un contact étroit avec une personne infectée ; et il n’existe aucun traitement pour soigner les patients atteints. La réponse initiale à l’épidémie d’Ebola a par ailleurs mis du temps à se mettre en place : le virus a fait plus de 1 400 victimes jusqu’à présent.

Selon M. Ragab, ce qu’il faut retenir des flambées de SRMO et des autres maladies, c’est l’importance de « la vigilance et [de] la préparation ». Ceux qui travaillent dans le secteur de la santé savent qu’il s’agit de problèmes courants, mais il semble malgré tout que les pays d’Afrique de l’Ouest aient réagi aussi lentement à la flambée d’Ebola que les autorités saoudiennes face au SRMO.

Le Liberia, la Sierra Leone et d’autres pays ont aujourd’hui déclaré l’état d’urgence. Les professionnels de la santé ont cependant dit que les réactions avaient été lentes et qu’il n’était pas rare que l’on nie l’ampleur du problème dans les premiers mois.

« Les épidémies n’éclatent pas du jour au lendemain. Prenez Ebola : les premiers cas ont été détectés en Guinée en décembre 2013 », a dit M. Ragab.

S’il est peut-être trop tard pour enrayer de manière précoce l’épidémie d’Ebola, la flambée de SRMO a cependant montré l’importance de la coopération et de la sensibilisation internationales. Tous les experts avec qui IRIN s’est entretenu étaient d’accord sur le fait qu’il est plus facile d’endiguer une épidémie avec l’ouverture, la transparence et la coordination. M. Malik a dit que la meilleure manière de juguler les épidémies était de mettre en place « une bonne collaboration et une bonne coordination dans le secteur de la santé ».

M. Youde a donné l’exemple de l’épidémie de SRAS, dont le gouvernement chinois a d’abord tenté de minimiser l’importance, pour illustrer les risques encourus lorsqu’on ne prend pas suffisamment au sérieux les flambées de maladie. « Ce n’est que lorsque le gouvernement chinois a cessé de cacher les cas de SRAS et qu’il s’est mis à collaborer de manière active avec l’Organisation mondiale de la santé et d’autres partenaires internationaux que nous avons réellement pu juguler l’épidémie », a-t-il dit.

« Nous pouvons exploiter le savoir collectif en combinant les ressources et les expertises de l’ensemble de la communauté de santé publique internationale », a ajouté M. Youde en soulignant l’importance de renforcer les systèmes de santé.

« Lorsqu’une épidémie survient, le système de santé doit être capable de réagir rapidement […] Nombre de ces leçons s’appliquent à l’épidémie d’Ebola qui sévit actuellement. »

Or, en dépit de ces leçons, la réponse à Ebola n’a pas été à la hauteur des besoins. Le 15 août, l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF) a publié un rapport accablant sur le faible soutien accordé par la communauté internationale aux pays affectés par Ebola.

MSF a qualifié la réponse de la communauté internationale de « dangereusement inadéquate » et appelé à une « mobilisation internationale immédiate et massive des ressources médicales – humaines et techniques – pour venir en aide au Liberia et à la Sierra Leone ». my/jd/ha-gd/ld