10%, c’est la prime octroyée à toute personne qui donne des informations concernant la fraude. Les habitants des communes Ntega et Bugabira, de la province Kirundo se montrent réticents à la dénonciation de leurs voisins qui font la fraude. Pour Gaudence Ndayizeye, Commissaire des Enquêtes, Renseignements et Gestion du Risque à l’Office Burundais des Recettes (OBR), cette récompense rentre dans le cadre d’encourager la population à dénoncer les cas de fraude.
La province Kirundo est l’une des provinces frontalières avec le Rwanda au Nord du pays où la fraude est fréquente. Beaucoup de marchandises entrent illégalement dans cette province notamment à travers les lacs Cohoha du côté de la commune Bugabire, et Rweru du côté de la Commune Ntega. Les habitants de ces localités reconnaîssent l’existence de la fraude mais ne sont pas tous d’accord sur la dénonciation de la fraude.
Plus proche et à moins cher
Selon les habitants rencontrés à Bugabira et à Ntega, la fraude est inévitable surtout que le Rwanda est le lieu le plus proche pour s’approvisionner et les prix de certains produits comme le sucre y sont moins chers.
« Nous habitons à quelques kilomètres du Rwanda. Au lieu d’aller acheter un sac de sucre SOSUMO à Ngozi, je préfère acheter le même sac de sucre au Rwanda et à un prix réduit » , indique un commerçant de Bugabira. « A quoi peut me servir de dénoncer mon voisin ? Cela mettra-t-il fin à ma misère ? Tenez ! Nous n’avons pas eu une bonne récolte à cause du manque de pluie, si mon voisin parvient à gagner quelque chose, tant mieux parce que c’est lui qui pourra donner à manger à mon enfant affamé », souligne Jérôme Ndereyimana, un agriculteur. Quant à Jean Bosco Ndikumana, il est convaincu que fermer les yeux à la fraude c’est antipatriotique. « Si nous achetons le sucre du Rwanda, que deviendra notre entreprise Sosumo. Il faut toujours protéger les produits locaux en luttant contre la fraude » , indique-t-il.
Des frontières lacustres difficiles à contrôler
Selon le gouverneur de la province Kirundo, Révérien Nzigamasabo, la province a plus de 50km de frontière lacustre sur les lacs Cohoha et Rweru. « Nous avons plus de 200 points d’entrée, il est très difficile de les contrôler et lutter contre la fraude. Un bateau peut entrer par un point et sortir par un autre. Comme il n’y a pas de navettes des marines, le contrôle devient difficile », explique le gouverneur.
Toutefois, il indique que grâce à la collaboration de la population et de la police, 10 tonnes de sucre du Rwanda ont été saisies et toute cette quantité était illégalement entrée par voie lacustre.
La complicité
D’après Nzigamasabo, certains cas de fraude démontrent qu’il y a des fois complicité soit de la police, soit des agents de l’OBR et de l’administration. « Prenons le cas du bois du santal communément appelé « umuvyi » en langue nationale. Beaucoup de camions transportant ce bois ont traversé la frontière Gasenyi au vu des agents de l’OBR. Des fois, on appréhendait les camions qui ont chargé le bois la nuit et on se rendait compte qu’ils sont fermés avec les scellés, alors que seuls les agents de l’OBR disposent de ce matériel .Tout cela est suspect et montre qu’il y a complicité », regrette le gouverneur.
Malgré la volonté de lutter contre la fraude, le gouverneur indique que la police se heurte des fois à l’ignorance des documents exigés par l’OBR afin d’identifier les marchandises entrées légalement ou non. Il demande qu’il y ait des séances de formation et de sensibilisation sur tous les moyens de reconnaître la fraude afin de la combattre.
10% de la valeur des biens capturés
Selon Gaudence Ndayizeye, commissaire des enquêtes, renseignements et gestion du risque à l’OBR, toute personne qui livre des informations pour dénoncer la fraude perçoit 10% de la valeur des biens capturés. Il ajoute que c’est la personne même qui a livré l’information qui envoie une lettre de réclamation de paiement au Commissaire Général de l’OBR. Malgré cette récompense, Ndayizeye s’étonne que le commissariat chargé des enquêtes et qui s’occupe de l’octroi des 10% reçoive très peu de demandes qui sont estimées entre 10 et 15 par mois.
Cependant, il ne nie pas qu’il puisse y avoir dans les cas de fraude la complicité soit de la police soit des agents de l’OBR. « Nous avons saisis des camions feignant de transporter les ferrailles qui vont en Ouganda mais transportant en dessous des ferrailles le bois du santal, cela montre qu’il y complicité », indique Ndayizeye.
Il reconnaît que la frontière lacustre est trop grande pour tout contrôler à cause du manque de moyens ; d’où la persistance de la fraude. Il demande à tout un chacun de contribuer afin de lutter contre la fraude.
Article 14 de la loi budgétaire 2013 stipule que « Il est opéré une prime fixée à 10% des montants par des impôts ou les douanes suite à cette révélation. Elle est payée dans un délai ne dépassant pas un mois à partir de l’encaissement ».