Burundi : l’agenda post-2015 devrait mettre l’accent sur la pérennisation des acquis @rib News, 06/09/2014 – Source Xinhua

L’identification des points de faiblesse au niveau de l’atteinte des « Objectifs du Millénaires pour le Développement » (OMD) pour le Burundi devrait pousser les autorités burundaises à mettre l’accent sur la pérennisation des acquis pour pouvoir avancer dans l’esprit du nouveau cadre de développement international connu sous le vocable de « Agenda de développement post-2015 », a plaidé samedi à Bujumbura dans une interview Daniel Gbetnkom, expert économiste au bureau du Programme des Nations Unies pour le développement au Burundi (PNUD-Burundi).

M. Gbetnkom, qui s’exprimait au lendemain de la clôture du second tour des consultations nationales sur la localisation de l’Agenda de développement post-2015, a tenu à faire remarquer qu’en septembre 2000 à New-York, 189 pays réunis dans la 55ème assemblée générale des Nations Unies s’étaient fixés 8 OMD qui devaient être atteints à l’horizon 2015.

Les huit OMD sont les suivants : élimination de l’extrême pauvreté et de la faim (OMD 1), assurer une éducation primaire pour tous (OMD 2), promouvoir l’égalité des sexes et l’ autonomisation des femmes (OMD 3), réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans (OMD 4), améliorer la santé maternelle ( OMD 5), combattre le VIH/SIDA (OMD 6), assurer un environnement durable (OMD 7) et mettre en place un partenariat mondial pour le développement (OMD 8).

« Je vous dirais que sur certains indicateurs, il y a eu des nettes évolutions. Sur l’OMD 2 en rapport avec l’éducation, je crois que le Burundi va atteindre cet objectif à l’horizon 2015, parce que nous sommes déjà à plus de 97% de taux net de scolarisation selon le dernier rapport sorti en 2013 », a noté l’ expert.

Pour l’après 2015, cet acquis est à pérenniser, a-t-il plaidé.

Il a souligné que des progrès notables ont été enregistrés aussi pour l’OMD 6 sur le combat contre le VIH/SIDA en ce qui concerne la prévention et la prise en charge avec des effets positifs sur la réduction de la séroprévalence et de la mortalité.

Toutefois, a-t-il nuancé, la pandémie du VIH/SIDA demeure un problème majeur de santé publique au Burundi puisque celui-ci est classé parmi les pays plus touchés en Afrique orientale et centrale. En effet, a-t-il expliqué, une enquête réalisée en 2007 montre une séroprévalence moyenne de 2,97% au sein de la population de 18 ans et plus avec une prédominance féminine.

C’est pourquoi, a-t-il renchéri, malgré l’existence d’un plan national de lutte contre le VIH/SIDA pour la période 2012-2016 qui prévoit de porter la couverture en Anti-Rétro-Viraux (ARV) à 90% pour les adultes et les enfants, des efforts supplémentaires restent nécessaires pour faire face à la progression préoccupante de la pandémie en zone rurale où vivent plus de 90% de la population burundaise. Ainsi, a-t-il noté, il serait possible pour l’Etat burundais de pérenniser les acquis au niveau des progrès réalisés en matière de prévention et de prise en charge.

L’expert estime en outre que des progrès appréciables ont été enregistrés au niveau des OMD 4 et 5 portant respectivement sur la mortalité maternelle et la mortalité infantile. Ces OMD peuvent être atteints si des efforts importants en termes d’ investissements dans ce domaine sont consentis par le gouvernement et les partenaires au développement du Burundi.

Même si la santé maternelle continue d’être une préoccupation au Burundi, a-t-il commenté, les efforts menés sont à encourager. Pour preuve, a-t-il ajouté, l’ONG internationale « Maternal Mortality Estimation Interagency Group (MMEIG), relève qu’entre 1990 et 2010, le ratio de mortalité maternelle a régressé en passant de 1.100 à 800 décès maternels sur 100.000 naissances vivantes, soit une réduction globale de 27%.

L’expert a souligné en revanche que pour certains OMD, les progrès ne sont même pas perceptibles. C’est en particulier le cas pour l’OMD 1 relatif à l’élimination de la pauvreté et de la faim.

« En effet, en 1990, il y avait seulement un taux de 35% des burundais qui vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Mais à cause de la persistance des conflits armés qui ont occasionné une chute drastique de la production dans le pays, le taux de pauvreté au Burundi a connu une ascension en dents de scie pour atteindre le niveau record de 81,3% en 1998 », a-t-il expliqué.

Pour l’expert, c’est grâce aux efforts de paix que ce taux de pauvreté a chuté progressivement pour atteindre 67% en 2010. Il a ajouté que selon les projections, si ce rythme est maintenu, en 2015, il y aura 45% des populations burundaises qui vont vivre en dessous du seuil de pauvreté.

« Mais cela est loin de la cible. Parce que la cible pour le Burundi pour cet OMD, c’était 17,5%. Donc, il y a des efforts énormes à faire à ce niveau », a-t-il recommandé.

En ce qui concerne l’OMD 7 portant sur la préservation de la durabilité de l’environnement, M. Gbetnkom a souligné que le Burundi n’est pas en bonne voie pour inverser la tendance à la déperdition des ressources environnementales.

« Les superficies de zones forestières se sont amenuisées au cours des 20 dernières années. En effet, la surface couverte par les forêts est passée de 11,3% à 6,7% de la superficie totale du pays entre 1990 et 2010, soit une vitesse de déforestation de 64 kilomètres carrés par an. Si ce rythme de déperdition des forêts est maintenu, le Burundi n’aura plus de forêts dans 29 ans », a-t- il fait remarquer.

L’expert a appelé à la mobilisation de toutes les forces vives de la nation burundaise pour éviter la réalisation d’un tel scénario. Car, a-t-il noté, la disparition des forêts entraînerait une expansion des maladies liées aux changements de température, à la qualité des eaux et à la respiration parce que la saturation de l’atmosphère irait croissant. Des effets pervers seraient aussi enregistrés au niveau des changements climatiques, a-t-il indiqué par ailleurs.

En ce qui concerne la réalisation de l’OMD 8 relatif à la mise en place d’un partenariat mondial pour le développement, l’expert a fait remarquer que pour la réussite de ce partenariat, il y avait des engagements de part et d’autre.

« Sur le plan local, le gouvernement burundais devait accentuer les efforts sur la mobilisation des ressources internes. Sur le plan international, les bailleurs de fonds et les partenaires au développement devaient accroître le volume d’aide à ce pays. Je crois qu’à ce niveau, il y a eu des défaillances de part et d’ autre. Au niveau du Burundi, le rythme de mobilisation des épargnes locales est très faible. Ça veut dire que l’Etat n’a pas pu respecter son engagement. Au niveau des bailleurs de fonds internationaux, je peux vous dire que depuis 2010, le volume d’ aide total à destination du Burundi est à la baisse, car il est passé de 510 millions USD à 450 millions USD. Donc, l’engagement au niveau international n’a pas été réalisé comme souhaité », a-t- il fait remarquer.

En définitive pour l’Agenda post-2015, le Burundi devrait focaliser toutes les attentions voulues sur la réalisation de l’ OMD 1 en rapport avec l’élimination de la pauvreté et de la faim dans la mesure où cet OMD peut remorquer les sept autres OMD sous forme de ramification horizontale.

Dans cet esprit, a-t-il recommandé, des efforts particuliers devraient être menés pour améliorer le niveau de gouvernance et le climat des affaires afin que des investisseurs internationaux puissent venir investir au Burundi et créer des emplois. A ses yeux, cela pourrait accroître le niveau d’industrialisation du Burundi qui constitue un ingrédient important pour le décollage économique post 2015.