Il y a près d’un mois, on découvrait au Burundi au moins quatre cadavres enveloppés dans des sacs, flottant sur les eaux du lac Rweru, entre le Burundi et le Rwanda, alors que les pêcheurs burundais de la région avaient alors assuré qu’ils en avaient vu une quarantaine depuis juillet. Bujumbura et Kigali ont tous deux nié que ce soient des cadavres de leurs ressortissants et malgré l’annonce d’une commission mixte d’enquête, aucune avancée réelle n’a été enregistrée. Après la découverte par les pêcheurs burundais de deux nouveaux corps la semaine passée, RFI a reccueilli les témoignages de riverains pêcheurs et agriculteurs.
Il nous a fallu 18 minutes, chronomètre en main, pour rallier le petit port de Nzove, dans la province de Muyinga, au nord-est du Burundi, à l’endroit précis où les pêcheurs ont découvert ces cadavres flottants sur le lac Rweru, raconte notre correspondant. Pour vous rendre compte des distances, il faut environ 2h30 minutes pour rallier les deux endroits à la pagaie.
A cet endroit, nous sommes dans la zone frontalière, là où la rivière Kagera, qui prend sa source au Rwanda, se jette dans le lac Rweru. Le courant de la Kagera se distingue très nettement des eaux plus claires du lac Rweru. C’est à cet endroit précis que les pêcheurs ont découvert les corps enveloppés dans des sacs retenus par des nénuphars et autres plantes aquatiques. Les pêcheurs burundais que nous avons rencontrés sur place sont formels, ces cadavres flottants étaient charriés par la rivière Kagera qui vient du Rwanda.
Les pêcheurs rwandais étaient plus réservés : ils ont reconnu que c’est la Kagera qui charriait ces corps mais lorsqu’on demande d’où vient cette rivière et bien les réponses deviennent un peu évasives. Ils balbutient des réponses peu claires et ne cachent pas qu’ils ont peur.
Les craintes des agriculteurs et des pêcheurs côté rwandais
RFI a remonté la rivière Kagera, puis accosté plusieurs pirogues, du côté rwandais. Nous nous sommes dirigés vers une dizaine de huttes en paille plantées au milieu de champs de haricots et de patates douces.
Tout à coup, nous voyons les gens se précipiter dans leur case et d’autres s’éloigner en courant. Le guide s’étonne et explique que ces Rwandais sont d’habitude très accueillants. Il nous indique alors deux hommes qui sont susceptibles de nous parler.
Après une dizaine de minutes passées à les persuader, ils finissent par avouer que les autorités rwandaises sont passées la veille, c’est-à-dire vendredi. Elles leur auraient interdit de parler à des journalistes burundais. Nous leur promettons de ne pas divulguer leur nom. Alors, ils se mettent à nous expliquer ce qu’ils ont vu.
« J’ai vu passer ainsi une vingtaine de sacs »
Le plus jeune, âgé de 20-25 ans, nous dit qu’il a vu les premiers cadavres descendre le cours de la Kagera, dès la mi-juillet. « Au début, on voyait des sacs bien emballés, on n’osait pas y toucher, dit-il. Quelqu’un ici s’est dit que cela pouvait être un produit qui pouvait se vendre. Il en attraper un. Quand il a ouvert le sac, c’était l’horreur, il y avait un cadavre à l’intérieur. Nous avons refermé le sac et rejeté le corps dans le courant. On ne voulait pas d’ennui avec les autorités », assure t-il, en expliquant aussi qu’il a vu passer ainsi une vingtaine de sac à lui seul.
Le deuxième homme explique que cela se voyait bien que c’était le travail d’un spécialiste. Ces cadavres portaient, selon lui, une cagoule sur la tête. Ils avaient les jambes repliées, attachées de telle manière que les cuisses touchaient le buste. Les bras étaient également attachés dans le dos et la même corde s’enroulait autour du cou.
Finalement les autres habitants de cette localité rwandaise nous ont rejoint. La peur au ventre, ils ont reconnu que ces corps venaient d’au loin de l’intérieur du Rwanda. Mais « on ne sait pas ce qui se passe », ont-ils tous assuré.