Le président par intérim du Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida (photo, centre), a promis lundi que l’armée céderait le pouvoir à un gouvernement de transition qui aura à sa tête un dirigeant de consensus.
Le président Blaise Compaoré, qui était au pouvoir depuis 1987, a démissionné vendredi après deux journées de grandes manifestations contre son projet d’amender la Constitution pour lui permettre de se représenter à la présidentielle. Il est arrivé samedi en Côte d’Ivoire, a déclaré le gouvernement de ce pays voisin du Burkina Faso.
Samedi, l’armée a porté à la tête du pays le lieutenant-colonel Zida, décision critiquée par l’opposition et les pays occidentaux qui aspirent à un retour des civils au pouvoir.
Isaac Zida a fait son annonce devant des diplomates et des journalistes dans la capitale, Ouagadougou, et n’a pas donné de calendrier pour la mise en place du gouvernement de transition.
« Les pouvoirs exécutifs seront assumés par un organisme de transition, dans un cadre constitutionnel auquel nous veillerons scrupuleusement », a-t-il dit. « Nous ne sommes pas là pour usurper le pouvoir et diriger le pays mais pour l’aider à se tirer de cette situation », a-t-il ajouté.
Son annonce a fait suite à des réunions de crise dimanche soir entre lui-même et les dirigeants de l’opposition, alors que des milliers de personnes avaient manifesté Place de la Nation, dans le centre de la capitale, pour dénoncer sa nomination.
RETOUR AU CALME A OUAGADOUGOU
En fin de journée, dimanche, l’armée a ouvert le feu alors que la foule marchait en direction des locaux de la radio-télévision nationale (RTB). Un manifestant a été tué.
Le calme est revenu dans la capitale lundi. Les banques ont rouvert et la circulation a repris dans les artères poussiéreuses de la ville, où un couvre-feu nocturne demeure en vigueur.
Avec la nomination d’Isaac Zida, c’est la septième fois depuis l’indépendance de l’ancienne colonie française en 1960 qu’un officier de l’armée devient chef de l’Etat.
Bénéwendé Stanislas Sankara, membre du parti d’opposition UNIR/MS, a fait part de son inquiétude face au rôle joué par l’armée. « Nul ne peut accorder sa confiance à l’armée », a-t-il dit.
Les Etats-Unis ont fait savoir qu’ils n’étaient, pour l’instant, en mesure de dire si les événements se déroulant dans le pays constituaient un coup d’Etat militaire.
« Pour le moment, la constitution exacte du gouvernement de transition au Burkina Faso est une question en suspens », a déclaré Jen Psaki, porte-parole du département d’Etat. « Nous continuons de réunir des éléments. Nous n’allons pas déterminer une politique ou prendre une position légale à ce stade », a-t-elle ajouté.
De son côté, l’Union africaine s’est montrée plus ferme et a donné 15 jours aux militaires pour restituer le pouvoir à un gouvernement civil, à défaut de quoi elle adopterait des sanctions.
La Constitution du Burkina Faso prévoit qu’en cas de vacance à la tête de l’Etat, l’intérim est confié au président de l’Assemblée nationale et une élection est organisée dans un délai de 90 jours.
Mais la chambre a été dissoute par l’armée au soir des violentes manifestations de jeudi dans le cadre de l’état d’urgence brièvement décrété par Blaise Compaoré. Et le président de l’Assemblée nationale aurait fui le pays, tout comme d’autres caciques du régime Compaoré.
L’armée clarifie la situation au Burkina Faso
Reuters, 1 novembre 2014
L’armée du Burkina Faso a mis fin à vingt-quatre heures de confusion en désignant samedi le lieutenant-colonel Isaac Zida, officier de la garde présidentielle, pour conduire la transition ouverte par la démission de Blaise Compaoré.
L’ex-président, poussé vers la sortie après vingt-sept années passées au pouvoir par un mouvement de contestation populaire sans précédent, s’est réfugié pour sa part en Côte d’Ivoire.
Dans un communiqué diffusé samedi, l’armée annonce que « le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida a été retenu à l’unanimité pour conduire la période de transition ouverte après le départ du président Blaise Compaoré ».
La forme et le calendrier de cette transition seront précisées lors de consultations avec l’ensemble des acteurs de la société civile.
Diffusée à l’issue d’une réunion des principaux chefs militaires du pays, cette déclaration clarifie la situation au sommet de l’Etat et tranche en faveur de Zida la lutte de pouvoir qui l’opposait au général Honoré Traoré, le chef d’état-major.
Ce dernier avait pourtant proclamé vendredi après-midi, dans la demi-heure suivant l’annonce de la démission de Compaoré, qu’il assumait désormais la responsabilité de chef de l’Etat.
Mais sa déclaration avait déclenché la colère parmi les dizaines de milliers de manifestants rassemblés sur la place de la Nation, à Ouagadougou, épicentre du mouvement de contestation qui a obtenu le départ de Compaoré.
Après la mise au point de l’armée, l’Union pour le progrès et le changement (UPC), principal parti d’opposition, a réclamé l’ouverture immédiate de consultations pour déterminer le calendrier de prochaines élections.
Les bouleversements survenus en quelques jours à peine dans l’ex-colonie française sont suivis de très près par la France, dont des forces spéciales sont stationnées dans le pays, et par les Etats-Unis.
En 27 ans, Blaise Compaoré, qui voulait modifier la constitution pour briguer un nouveau mandat fin 2015, s’était taillé un statut de médiateur régional. Le Burkina Faso est l’une des bases de l’opération Barkhane mise en place par la France pour contrer les groupes islamistes au Mali et dans le reste de la bande sahélienne.
Vendredi, Paris a salué le départ de Compaoré « qui permet de trouver une issue à la crise » et a appelé à la « tenue rapide d’élections démocratiques ».
« PAS UN COUP D’ÉTAT, MAIS UN SOULÈVEMENT POPULAIRE »
Dans la nuit de vendredi à samedi, tandis que des échanges de tirs nourris avaient été entendus près du palais présidentiel, le lieutenant-colonel Zida annonçait à la radio qu’il avait pris le pouvoir.
« J’assume désormais, à partir d’aujourd’hui, les responsabilités de chef de cette transition et de chef de l’Etat pour assurer la continuité de l’Etat », a-t-il dit dans une allocution prononcée, en uniforme, dans un studio de la chaîne de télévision BF1.
« Je salue la mémoire des martyrs de cette insurrection et m’incline devant les sacrifices consentis par notre peuple », a-t-il ajouté. Les violentes manifestations de jeudi, quand le bâtiment de l’Assemblée nationale a été incendié, ont fait au moins trois morts.
C’est la septième fois qu’un officier de l’armée prend le pouvoir depuis l’indépendance en 1960 de l’ex-Haute Volta, mais Isaac Zida a assuré qu’il ne s’agissait « pas d’un coup d’Etat mais d’un soulèvement populaire ».
L’armée, a-t-il expliqué, est intervenue « pour éviter que s’installe l’anarchie » et « amorcer un processus de transition démocratique ». Il a promis que l’ensemble des partis politiques et des organisations de la société civile y seraient associés et a également demandé la « compréhension » et le soutien de la communauté internationale et en particulier de l’Union africaine et de la Cédéao, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest.
Un couvre-feu est entré en vigueur, de 19h00 GMT à 6h00 GMT. L’aéroport de la capitale et les frontières terrestres ont été fermées.
Samedi, le calme est revenu dans les rues de Ouagadougou où des soldats patrouillaient.
Le président déchu Blaise Compaoré, qui avait quitté Ouagadougou après sa démission, a trouvé refuge en Côte d’Ivoire. Son arrivée, ainsi que celle de sa famille et de proches, a été confirmée par la présidence ivoirienne.
De sources militaires ivoiriennes, on précise qu’il se trouve à Assinie, une station balnéaire située à l’est d’Abidjan, la capitale économique du pays.