Michaëlle Jean a visité la plupart des pays d’Afrique et vient de terminer une tournée de trois pays d’Asie du Sud-Est qui sont membres de l’Organisation internationale de la Francophonie.
Les jeux ne sont pas encore faits, mais l’ancienne gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean pourrait émerger comme la candidate du compromis pour diriger l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
La campagne pour succéder à l’actuel secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, entre dans sa dernière ligne droite : les dirigeants des pays membres de l’OIF se réuniront à Dakar, au Sénégal, la semaine prochaine (les 29 et 30 novembre), afin de choisir un nouveau secrétaire général ou une nouvelle secrétaire générale.
L’élection de Mme Jean, 57 ans, à la tête de l’OIF serait historique. Elle deviendrait la première femme à diriger les destinées de cette organisation internationale et aussi la première personne du continent américain à occuper le poste.
En tout, cinq candidats sont en lice pour succéder à M. Diouf, secrétaire général de l’OIF depuis 2002. Les quatre autres candidats sont des Africains : Jean-Claude de l’Estrac, ex-ministre des Affaires étrangères de Maurice, Henri Lopes, ancien premier ministre du Congo-Brazzaville, Pierre Buyoya, ancien président du Burundi, et Agustin Nze Nfumu, un Équato-Guinéen peu connu en dehors des frontières de son pays.
M. de l’Estrac ne suscite pas beaucoup d’enthousiasme, car son pays d’origine, Maurice, est « un petit pays dont la voix ne compte pas beaucoup dans les forums internationaux », a affirmé récemment un diplomate francophone au réseau français RFI.
Âgé de 77 ans, l’ambassadeur du Congo à Paris, Henri Lopes, qui a aussi été fonctionnaire de l’UNESCO, pourrait être le principal adversaire de Mme Jean. Mais cet homme de lettres réputé n’a pas vraiment fait campagne pour le poste, tablant essentiellement sur sa notoriété pour l’emporter.
De son côté, Pierre Buyoya pourrait être un candidat intéressant pour avoir joué un rôle dans les négociations qui ont mené à un accord de paix dans son pays en 2000, mais il traîne un handicap sérieux : il a fomenté deux coups d’État pour accéder au pouvoir, en 1987 et en 1996.
Appui de plusieurs pays africains
Même si la tradition veut que le secrétaire général de l’OIF soit issu d’un pays d’Afrique, Mme Jean, qui est devenue il y a quatre ans l’envoyée spéciale de l’UNESCO pour Haïti, disposerait donc d’une certaine longueur d’avance sur les autres candidats, selon certains observateurs.
D’autant plus que les pays d’Afrique n’ont pas réussi à établir un consensus autour d’un candidat venant du continent à quelques jours du sommet. Selon des informations obtenues par La Presse, Mme Jean aurait d’ailleurs l’appui tacite d’un certain nombre de pays africains, dont la Côte d’Ivoire, le Cameroun, la Tunisie, le Sénégal et le Burkina Faso.
Et la France, un acteur fort important au sein de la Francophonie qui se rallie au consensus africain, n’écarte pas l’option de se ranger à la candidature de Mme Jean si aucun des quatre aspirants d’Afrique ne parvient à s’imposer comme le candidat incontournable de ce continent.
Longue campagne
Il faut dire que Mme Jean fait campagne pour obtenir ce poste depuis plusieurs mois. Elle s’est rendue dans la plupart des pays d’Afrique et vient de terminer une tournée de trois pays d’Asie du Sud-Est qui sont membres de l’OIF, soit le Viêtnam, le Laos et le Cambodge. Elle a reçu un accueil chaleureux des dirigeants de ces trois pays, qui pourraient lui donner leur appui lors du sommet. Évidemment, Mme Jean a l’appui de son pays d’origine, Haïti.
Le ministre responsable du Développement international et de la Francophonie, Christian Paradis, affiche un optimiste prudent quant aux chances de Mme Jean d’accéder à la tête de l’OIF.
« Michaëlle Jean est la personne toute désignée pour ce poste. Elle comprend bien la Francophonie dans toute sa finesse. Elle est originaire d’Haïti. Elle comprend le Canada et le Nord. Elle a un vaste réseau international. Elle comprend bien l’Afrique. Elle revient d’une mission en Asie. Je suis content que l’on fasse front commun pour sa candidature, le Québec, le Nouveau-Brunswick et le Canada. Je crois que ça va bien. Mais il va falloir continuer à travailler jusqu’au bout pour bâtir un consensus. On met les bouchées doubles, même les bouchées triples », a affirmé M. Paradis dans une entrevue à La Presse.
Paradis heureux du virage économique
Le ministre canadien du Développement international et de la Francophonie, Christian Paradis, se réjouit de voir que l’Organisation internationale de la Francophonie prend un virage plus économique. Immédiatement après le Sommet de la Francophonie, à Dakar, aura lieu aussi le tout premier Forum économique de la Francophonie. « Nous voulons créer une dynamique économique forte au sein des pays francophones. C’est un développement incroyable. Nous voulons trouver des solutions concrètes pour faciliter des maillages qui soient à l’avantage de tous au niveau de la francophonie. Il y a beaucoup d’appétit pour resserrer les liens économiques entre les pays francophones. Cela concorde aussi avec notre politique de développement international », a dit M. Paradis.