Sébastien, André et Alexis, réfugiés burundais « caméléons » en RDC

@rib News, 04/04/2014 – Source AFP

« On m’a frappé plusieurs fois. Alors chaque fois qu’il y a des troubles liés à des rébellions, je me cache », raconte Alexis. Comme d’autres Burundais réfugiés en République démocratique du Congo, il paie pour les guerres entre sa terre d’accueil et son pays d’origine.

A Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, dans l’Est du Congo, « les Rwandais et les Burundais sont perçus comme des agresseurs par la population », dit ce chômeur de 28 ans, « venu tout seul en RDC » en 1994 après avoir perdu toute sa famille dans la guerre civile (1993-2006).

« Je suis Hutu, ma femme est Tutsi. Pour notre survie, on se fait passer pour des Congolais. On a opté pour la stratégie du caméléon », témoigne Sébastien, 50 ans, dans son petit salon où dorment deux jeunes chiens que cet éleveur espère bientôt vendre.

André, 23 ans, se fait discret lui aussi. « A l’Université, on doit s’arranger avec l’assistant du professeur pour qu’il ne dise pas notre nom pendant l’appel. Sinon, les élèves savent que tu es Burundais et peuvent te frapper », dit-il, « habitué aux insultes, comme « tueur » ou « criminel » ».

Au Congo, les guerres de 1996-1997 et de 1998-2003 ont impliqué jusqu’à sept pays africains, dont le Burundi et le Rwanda.

Plus de 10 ans après la fin officielle du conflit, la paix n’est toujours pas revenue dans l’Est congolais, truffé de minerais et où sévissent quelques dizaines de groupes armés locaux et étrangers (rwandais, burundais et ougandais), responsables de nombreux crimes et violations graves des droits de l’Homme.

Comme le Rwanda voisin, le Burundi est peuplé essentiellement de Tutsi et de Hutu. En RDC, ces deux communautés sont aussi présentes depuis plusieurs générations dans l’Est, mais ses membres sont souvent désignés par le reste de la population comme étant des « Rwandais ».

Les violences dont les réfugiés burundais disent être les victimes ont été récemment exacerbées par la rébellion, essentiellement tutsi, du Mouvement du 23 mars (M23), défaite début novembre, et accusée par la RDC et l’ONU d’avoir été soutenue par le Rwanda et l’Ouganda.

« On dit que nous sommes des complices des rebelles alors que ce n’est pas le cas ! » s’énerve Sébastien.

 Retour impossible, intégration ratée –

Fin janvier, 9.700 réfugiés burundais vivaient en RDC, indique le Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR).

En fonction de l’urgence, de leurs besoins spécifiques et de leur vulnérabilité, le HCR fournit aux réfugiés une assistance (santé, scolarité…) et soutient des activités génératrices de revenus pour faciliter l’intégration dans le milieu d’accueil.

Malgré tout, les réfugiés burundais se plaignent souvent de devoir lutter pour survivre, comme la majorité de la population congolaise. « Nous vivons comme des animaux. On meurt de faim. Parfois on va au PAM (Programme alimentaire mondial) et ils nous dépannent », confie Michel, 38 ans, père endetté de trois filles.

Tandis que sa femme, Claudine, 30 ans, recueille dans une baignoire l’eau de pluie pour la maison, il se morfond. « Le HCR a dit que c’était la dernière année pour l’école des enfants, la dernière année pour les soins… », s’inquiète-il, à l’image d’autres réfugiés disant être en fin de droits.

Les réfugiés doivent disposer d’une attestation de réfugié du HCR et d’une carte spéciale délivrée par les autorités congolaises. Mais « si tu cherches un travail, ici au Congo, on ne veut que des papiers congolais », déplore Claudine.

Les Burundais interrogés excluent un retour au pays, craignant pour leur sécurité. « Mon frère est rentré en 1992 et il a été assassiné, ça m’a beaucoup découragé. Beaucoup de Burundais ont peur de ça », estime Martin, 52 ans, hébergé avec sa famille par un Congolais.

« Le retour au pays n’est pas possible, l’intégration locale ne marche pas. Pour une solution durable, il faut la réinstallation », ailleurs à l’étranger, affirme Sébastien.

Pour lui comme pour d’autres, c’est la seule option de long terme sûre et viable. Mais elle n’est offerte que par quelques pays (Etats-Unis, Canada, Australie…) et, selon le HCR, seuls 1% des réfugiés pris en charge par les Nations unies font l’objet d’une demande de réinstallation.