21 janvier 2015, ONU,CS/11745. 7364e séance – matin. Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman (Photo), a, ce matin, présenté au Conseil de sécurité le dernier rapport* du Secrétaire général sur le Bureau des Nations Unies au Burundi (BNUB), et a saisi cette occasion pour rappeler aux membres du Conseil et aux parties burundaises en présence que les élections générales prévues cette année au Burundi ont valeur de test pour ce pays sortant de conflit.
Le Représentant permanent du Burundi auprès des Nations Unies, M. Albert Shingiro, et le Président de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Paul Seger (Suisse), qui ont également pris la parole au cours de la réunion ont salué le contexte général de paix prévalant dans le pays, en dépit d’incidents isolés et du besoin qui se pose d’améliorer les institutions démocratiques burundaises et la participation des citoyens à l’évolution politique en cours.
Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a rappelé devant le Conseil que la Mission d’observation électorale des Nations Unies au Burundi (MENUB) a pris la relève du BNUB le 1er janvier dernier, avec pour mandat d’assurer un suivi du processus électoral au Burundi, avant, pendant et après les élections de 2015. Il a regretté le fait que la cérémonie d’inauguration de la MENUB, à laquelle ont assisté les dirigeants des partis politiques, les représentants des organisations de la société civile et le corps diplomatique présent à Bujumbura, se soit déroulée sans la participation des membres de la Commission électorale nationale indépendante et des officiels burundais du parti au pouvoir, qui ont justifié leur absence par le fait que l’accord sur le statut de la mission n’avait pas encore été signé. “Nous avons signé cet accord hier et attendons désormais que le Gouvernement y appose à son tour sa signature”, a indiqué M. Feltman.
Il a ensuite déclaré que les élections prévues en 2015 devraient permettre de renforcer les efforts de consolidation de la paix engagés depuis l’Accord d’Arusha. Pour que cela soit possible, a-t-il cependant prévenu, il faudrait que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) puisse gérer le processus électoral de manière inclusive, et avec intégrité, impartialité et indépendance. Il a en outre souligné qu’il revient au Gouvernement de s’assurer que les partis politiques d’opposition et leurs dirigeants puissent pleinement participer au processus électoral. Il a, sur cette lancée, invité les partis politiques à jouer leur rôle et à user de moyens pacifiques et démocratiques en cas d’objections et de démarches visant la résolution de contentieux électoraux. Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a par ailleurs rappelé qu’il est de la responsabilité du Gouvernement de prévenir la violence, et cela sans restreindre le droit des citoyens à jouir de la liberté d’expression et d’assemblée pacifique, notamment en veillant à ce que les fonctionnaires et les forces de sécurité agissent de manière impartiale et conforme à la loi.
M. Albert Shingiro, Représentant permanent du Burundi, a pour sa part déclaré que le Gouvernement du Burundi s’est engagé “à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les élections de 2015 soient libres, démocratiques, inclusives, transparentes et se déroulent dans la paix et la tranquillité”. Il a indiqué que les opérations d’enrôlement des électeurs sur tout le territoire national et dans les ambassades du Burundi à l’étranger sont désormais bouclées.
Le représentant permanent du Burundi auprès des Nations Unies a ensuite évoqué les allégations venant de certains milieux politiques et de la société civile et faisant état d’une “prétendue préparation du truquage des élections”. Il a estimé qu’il s’agissait là “d’accusations basées sur des cas isolés et mineurs”, et que le Gouvernement et la CENI avaient lancé des messages d’apaisement pour appeler les politiciens burundais, la société civile et les médias à adopter un langage responsable et un comportement qui respectent les principes de démocratie et de tolérance.
Le représentant a en outre salué le soutien financier apporté par l’Union européenne, qui a déboursé 8 millions d’euros pour l’organisation et la préparation du processus électoral. Il a également estimé que les promesses concernant l’envoi d’observateurs électoraux, faites par plusieurs pays et organisations internationales, devraient permettre de “couper court à toute spéculation politicienne du genre de celle que le pays a vécue en 2010, avec le boycott injustifié de certains partis politiques”.
Saluant le lancement de la MENUB, le Président de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, M. Paul Seger, a émis le vœu que les élections à venir au Burundi puissent se dérouler de manière libre, transparente, crédible, ouverte et pacifique, comme agréé à la table ronde organisée entre le Gouvernement et ses principaux partenaires internationaux les 11 et 12 décembre dernier à Bujumbura, la capitale du Burundi.
Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Feltman, s’est félicité de la paix globale prévalant au Burundi, et a souligné que cela a été possible grâce, en premier lieu, à la détermination des Burundais à œuvrer pour une nation pacifique, démocratique et prospère. Il a également salué l’engagement des pays de la région, des Nations Unies et des partenaires internationaux du Burundi dans ce processus de paix. Ceci démontre, a-t-il noté, qu’une action internationale concertée peut produire des résultats positifs.
Il a relevé que les incidents armés survenus à la frontière entre le Burundi et la République démocratique du Congo (RDC), entre l’armée du Burundi et des groupes armés, ont diminué de manière significative depuis juillet dernier. Il a néanmoins déploré le fait que le 30 décembre dernier, l’armée burundaise a fait face à un groupe formé de 100 à 200 assaillants qui ont pénétré sur le territoire burundais, dans la province de Cibitoke, à partir de la RDC voisine. M. Feltman a relevé que l’armée burundaise aurait éliminé entre 95 à 105 de ces hommes armés, mais que le Gouvernement n’a pas formellement identifié ces assaillants, et qu’aucune revendication de l’attaque n’a en outre été faite. Il a aussi mentionné l’assassinat, le 4 janvier dernier, de trois membres du parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), par quatre individus habillés en tenue militaire dans la province de Ruyigi.
Le représentant du Burundi, M. Shingiro, a quant à lui estimé que le Burundi est un pays très sûr, exception faite de quelques cas isolés de criminalité survenus dans certains endroits reculés du pays. La paix et la sécurité règnent sur tout le territoire national, et la population vaque normalement à ses activités, a-t-il noté. Il a indiqué que le Burundi a beaucoup souffert de cycles de violence, et que la paix, chèrement retrouvée grâce aux différents accords de paix, dont celui d’Arusha, est pour le pays “un acquis à pérenniser”. Il a saisi cette occasion pour annoncer que le Burundi allait poursuivre sa participation aux opérations de maintien de la paix en cours en Somalie et en République centrafricaine.
Condamnant les attaques survenues dans les provinces de Citiboke et de Ruyigi, le Président de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, M. Paul Seger, a invité les autorités nationales à mener des enquêtes rapides et impartiales sur ces évènements. Il a aussi invité le Gouvernement burundais à “poursuivre une collaboration constructive et de bonne foi avec toute la famille des Nations Unies.” M. Seger a en revanche déploré la pénurie de personnels dont souffrent le Bureau pays de l’ONU et la représentation nationale du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, appelant de ce fait les États Membres à apporter les ressources nécessaires au bon fonctionnement de ces bureaux au Burundi.
Dans ce contexte de reconfiguration de la présence des Nations Unies au Burundi, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a déploré le fait que “l’esprit d’Arusha” et ses principes de dialogue, de consensus et de démocratie se soient érodés depuis les élections de 2010. Il a ajouté que les tensions politiques continuent de saper les efforts de consolidation de la paix, de la démocratie et du développement. Il a ajouté que des inquiétudes subsistent concernant la réduction de l’espace d’expression et d’action politique, les restrictions posées aux droits et libertés d’assemblée et d’expression. Il en est de même en ce qui concerne les défis qui se posent à la mise en place d’un système judiciaire indépendant, qui est un élément clef pour avoir une démocratie qui fonctionne, a noté M. Feltman. Il a en outre appelé au déploiement d’efforts supplémentaires pour assurer le renforcement de la croissance économique et la création d’emplois, notamment en faveur des jeunes.
L’engagement du Gouvernement burundais en faveur du développement se fait à travers la mise en œuvre du Cadre stratégique de croissance et de lutte contre la pauvreté, a quant à lui souligné le représentant du Burundi. Il a invité les partenaires de développement du Burundi, ayant pris part à la table ronde avec le Gouvernement, tenue les 11 et 12 décembre dernier, à revisiter le document final ayant sanctionné cette rencontre, “afin que les engagements pris soient traduits en actes.”
Le Secrétaire général aux affaires politiques a estimé qu’au-delà des élections, le Burundi fait face à des défis dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’emploi et des infrastructures. Il a estimé que ces défis devraient être au cœur du débat politique si les dirigeants politiques burundais veulent vraiment placer l’intérêt national au-dessus de tout. Il a en outre suggéré que le Gouvernement élargisse l’espace politique, permette aux institutions démocratiques de jouer pleinement leur rôle, et que le secteur de la sécurité et de la justice soit l’objet d’une professionnalisation durable, notamment en vue de gagner l’estime du public. M. Feltman a ensuite assuré que les Nations Unies vont continuer d’apporter leur soutien au Burundi à travers le Fonds pour la consolidation de la paix, afin d’améliorer le dialogue politique et la cohésion sociale, ainsi que la participation des jeunes à la vie politique et socioéconomique, le respect des droits de l’homme et la résolution des disputes foncières.
M. Seger a pour sa part indiqué que l’avenir de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix dépend en premier lieu du Gouvernement burundais. Il a souhaité la poursuite de l’engagement de la Commission au-delà des élections de cette année, estimant que la présence de la Commission de consolidation de la paix constituerait un facteur de continuité dans l’accompagnement du pays. Il a ensuite expliqué qu’en cas de processus électoral sans heurt, la Commission pourrait se concentrer davantage au développement socioéconomique. Il a conclu en indiquant que la décision finale du maintien ou non de la Commission de consolidation de la paix dans le pays appartient au Burundi.
Réagissant à des éléments du rapport du Secrétaire général, le Représentant permanent du Burundi, M. Shingiro a notamment affirmé que la Commission vérité et réconciliation existait déjà au Burundi, et il a invité la communauté internationale à lui apporter son soutien. Concernant la gouvernance et le renforcement des institutions, le représentant a promis que le Burundi continuera à consentir des efforts dans la guerre menée contre la corruption. Quant à l’amélioration de l’état de droit, il a précisé qu’il s’agissait d’un idéal vers lequel le Gouvernement du Burundi tend.
Sur le plan du développement, le représentant a noté que le Burundi, comme la plupart des pays en développement, ne pourra pas réaliser les huit Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) d’ici à la fin de l’année 2015. Il a néanmoins salué les “progrès remarquables” accomplis par le pays, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Il a enfin souhaité que l’Équipe de pays des Nations Unies, qui vient de prendre la relève de la BNUB, puisse mettre en œuvre le Plan prioritaire de consolidation de la paix 2014-2016, un plan, a-t-il ajouté, qui est le résultat d’un processus inclusif.
Thomas Nzoyihaya
J