Le Président NKURUNZIZA peut bel et bien briguer un autre mandat présidentiel en 2015 dans la légalité constitutionnelle s’il le souhaite, selon un expert indépendant

par Webmaster ⋅ mercredi 9 avril 2014

« Par ailleurs, l’article 7, alinéa 3 du Protocole II de l’Accord d’Arusha de 2000 laisse planer un doute sérieux sur le fondement même du mandat présidentiel. N’ayant pas précisé s’il s’agit d’un mandat issu des élections tenues au suffrage universel direct ou indirect, le seul texte qui peut lever ce doute est bel et bien la Constitution burundaise promulguée le 14 mars 2005, en son article 96 »

Ces derniers temps, des spécialistes se sont invités dans la danse préélectorale en déclarant que l’actuel président n’a pas le droit de se faire élire à la magistrature suprême en 2015 au motif qu’il aura terminé les deux mandats lui reconnu par la Constitution burundaise. Erreur ! La révision projetée, puis rejetée suite à l’absentéisme de l’UPRONA qui a boudé le vote, visait à faire un toilettage de la Loi actuelle pour sortir définitivement de la post-transition et avoir une Constitution définitive. La retouche annoncée n’était faite pour permettre au Président NKURUNZIZA de se présenter en 2015 puisque la Constitution telle qu’elle est aujourd’hui le lui permet sans détours.

La question fondamentale que plus d’un se pose en ce moment est de savoir si oui ou non le Chef de l’Etat actuel a le droit de briguer à sa propre succession en 2015. La réponse à cette interrogation se trouve dans l’article 96 de notre Constitution qui est libellé comme suit : « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ».

Plaçons le débat sous un angle précis : celui de la légalité constitutionnelle de ce que certains appelle faussement la « troisième » candidature du Président NKURUNZIZA.
Quels sont les arguments juridiques qui permettent de penser que le Président NKURUNZIZA est légalement apte à briguer un deuxième mandat en 2015 selon une opinion légaliste, alors que pour une partie de l’opposition burundaise, il s’agit plutôt d’un « troisième » mandat, puisqu’il a été élu pour la première fois en 2005 ?
Certains membres de l’opposition extraparlementaire et de la société civile sont sous pression car ils contestent, sans convaincre, le droit de l’actuel Président à se présenter à l’élection présidentielle de 2015.

Sans être un NKURUNZINZISTE de la première heure car j’ai toujours critiqué la pratique d’une partie de son action politique tout en applaudissant ses nombreuses bonnes actions, force est de constater qu’une partie de la classe politique burundaise et de la société civile confond deux ordres notionnels : l’ordre légal qui est le temps de la loi et du droit, et l’ordre légitime qui est celui du politique et de l’action sociale et qui change avec le temps.

La constitution burundaise prévoit une élection présidentielle limitée exclusivement à 2 mandats obtenus par voie de scrutins tenus au suffrage universel direct.
Si NKURUNZIZA sollicite un deuxième mandat en 2015 compte tenu de son élection en 2010 qui seule respectait le suffrage universel direct ; d’un point de vue juridique, il aura raison. Il a légalement le droit de se représenter.

Ceux qui pensent qu’il ne peut pas le faire, ne s’appuient pas sur le formalisme juridique, donc sur la légalité de la constitution, mais préfèrent un thème plus commode, plus sociologique et politique, celui de la légitimité dans lequel le formalisme juridique n’a plus cours et est remplacé par des notions arbitraires guidées par les fibres subjectives et émotionnelles, la peur de la popularité de NKURUNZIZA et la non-adhésion d’une poignée de politiciens aux idées du Président de la République et de son Parti. S’il décide de revenir en 2015 en effet, le Président NKURUNZIZA ne viole pas la Constitution. Loin de là, il est dans la légalité républicaine et en voici l’argumentation :

Argument No1

L’actuel président a-t-il été élu au suffrage universel direct en 2005 ? La réponse est non car il a été élu par l’Assemblée Nationale et le Sénat réunis en Congrès, à la majorité des deux tiers des membres et non directement par le peuple.

Argument No2

Qu’en est-il de 2010 ? En 2010, l’actuel Président de la République a été élu pour la première fois au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Contrairement aux élections de 2005, l’électeur de 2010 a déposé son bulletin de vote dans l’urne pour choisir son Président sans passer par l’entremise du Parlement.

Argument No3

Le mandat obtenu par le Chef de l’Etat en 2010 est-il renouvelable ? La constitution est claire là-dessus. Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Le 26 août 2010, le Président NKURUNZIZA a entamé son premier mandat résultant d’une élection tenue au suffrage universel direct. Il va l’exécuter jusqu’au 26 août 2015. Il est alors clair que le Président NKURUNZIZA a le droit, s’il le souhaite, de solliciter un deuxième mandat à l’expiration de l’actuel mandat, le 26 août 2015. Si le peuple burundais lui offre un autre mandat en 2015, celui-ci sera exercé jusqu’au 26 août 2020 et ce sera la fin de deux mandats successifs obtenus par voie d’élection tenue au suffrage universel direct. Et pour moi, 2020 est la ligne rouge à ne pas franchir.

Argument No 4

Quel était le statut du mandat obtenu en 2005 ? Le mandat décroché en 2005 par le Chef de l’Etat actuel ne lui octroyait pas tous les pouvoirs reconnus à un Chef d’Etat élu au suffrage universel direct. Par exemple, Article 302 de la Constitution précise très bien en son dernier paragraphe que le Président élu pour la première période post-transition ne peut pas dissoudre le Parlement. Il s’agissait en définitive d’un mandat post-transition aux prérogatives limitées qui n’a rien de semblable avec l’actuel mandat.

Argument No 5

Si l’article 302 de l’actuelle constitution était un alinéa de la l’article 96, il aurait diluer la force juridique de ce dernier. Mais le fait qu’ils soient deux articles différents placés sous deux chapeaux différents, nous oblige objectivement de les interpréter différemment. Ceci pour dire que l’article 302 n’a aucune incidence juridique dans l’interprétation de l’article 96.

Argument No 6

Certains politiciens qui ne souhaitent pas la réélection de Pierre NKURUNZIZA vont jusqu’à avancer l’article 7, alinéa 3 du Protocole II de l’Accord d’Arusha qui stipule que « nul ne peut exercer deux mandats présidentiels ». Ils oublient que cet article reste muet sur le fondement juridique du mandat. L’article ne précise pas s’il s’agit d’un mandat présidentiel résultant d’une élection tenue au suffrage universel direct ou indirect. Ils oublient également que la Constitution joue le même rôle que celui que joue la colonne vertébrale sur l’être humain. La Loi fondamentale prime sur tous les textes, y compris l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi. La Constitution est l’émanation du peuple burundais par voie de référendum tandis que l’accord d’Arusha est le fruit des négociations entre partis politiques. Il faut souligner que le fait que certains partis politiques agréés au Burundi n’y ont pas pris part dilue la portée de ce contrat social obtenu chez nos voisins de l’Est en 2000 sous l’impulsion de la communauté internationale. Sans toutefois primer sur la Constitution, l’Accord d’Arusha, reste tout de même un document important pour la réconciliation nationale.
Par ailleurs, l’article 7, alinéa 3 du Protocole II de l’Accord d’Arusha de 2000 laisse planer un doute sur le fondement même du mandat présidentiel. N’ayant pas précisé s’il s’agit d’un mandat issu des élections tenues au suffrage universel direct ou indirect, le seul texte qui peut lever ce doute est bel et bien la Constitution burundaise promulguée le 14 mars 2005, en son article 96.
De ce qui précède, il y a lieu de conclure sans risque de se tromper que l’actuel président n’a pas besoin de réviser la Constitution pour se faire élire en 2015 d’autant plus l’article 96 de la Loi fondamentale ne consacre aucun obstacle à sa candidature.

L’attention devrait plutôt orientée vers d’autres articles de la Constitution qui ne cadrent pas bien avec le contexte actuel. Nous citerons entre autres les articles consacrant l’existence de deux vice-présidences de la République. En 2015, ces deux postes budgétivores devraient être remplacés par le poste de Premier Ministre.
Nous citerons également les articles consacrant les quotas ethniques dans l’accession à certains postes de responsabilité. Les pourcentages de 60% octroyés aux Hutu et 40% laissés aux Tutsi sont injustes et discriminatoires.

Injustes parce qu’ils ne correspondent pas à la composition ethnico-démographique du pays de Mwezi Gisabo. Si ces pourcentages sont maintenus comme tel, cela veut dire qu’un enfant hutu qui vient de naitre aujourd’hui a 3 fois moins de chances d’accéder aux postes de responsabilité que son compatriote Tutsi né au même moment. De même, trois Hutu seront au chômage pendant qu’au moins trois postes attendent un Tutsi à qui la Constitution a octroyé généreusement 40% du gâteau au lieu de 14%.

Discriminatoires parce que la constitution reste muette sur le quota réservé à l’ethnie TWA. Elle aurait pu prévoir 1% pour cette ethnie en attendant le jour où les quotas actuels seront revus pour correspondre à la composition ethnico démographique actuelle de notre pays.

Si nous mettons de côté la fibre ethnique et les spéculations oiseuses des uns et des autres, nous estimons que la formule la plus juste et équitable serait d’octroyer 85% aux Hutu, 14% aux Tutsi et 1% à l’ethnie Twa. La formule est mathématiquement non discriminatoire. De même, les 30% accordés aux femmes devraient être revus à la hausse graduellement, au moins 5% tous les 10 ans.