Burundi: Lettre ouverte à M. François Hollande – Président de la France

Par M. Félix MAZAMBO, un citoyen parmi les Barundi qui vivent à Trondheim en Norvège.

Lettre ouverte à Monsieur François Hollande, Président de la République Française, concernant les prochaines élections 2015 au Burundi.

Intégralité de la Lettre original : LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT FRANCOIS HOLLANDE – Par F.MZ http://burundi-agnews.org/wp-content/uploads/2015/03/LETTRE-OUVERTE-AU-PRESIDENT-FRANCOIS-HOLLANDE-Par-F.MZ_.pdf

Monsieur le président

Vous êtes à la présidence d’un pays précurseur des valeurs fondamentales pour l’humanité tout entière, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Ce texte génial n’a, depuis sa déclaration, connu aucune ride.
Le Burundi comme beaucoup de pays adhère aussi bien à ces valeurs qu’aux valeurs contenues dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1950 qu’il a ratifiée.
Je n’ai aucun doute de votre fierté d’être français et d’être en même temps aux manœuvres de l’un des pays qui, par ses différentes interventions avec ses alliés pour la défense des valeurs républicaines, démocratiques est devenu et demeure universaliste. La France.

Le but de ce choix d’expression n’est pas que de vous parler de mon attachement profond envers ces valeurs mais de profiter de ce seul moyen à ma disposition en tant que citoyen normal, pour lancer une sorte de cri d’alarme concernant mon pays le Burundi.

Monsieur le président

Il n’est ni possible ni nécessaire de revenir sur tous les faits qui ont marqué la politique burundaise. Ce qui importe pour l’instant est de vous présenter une synthèse des difficultés que rencontre le processus de démocratisation engagé depuis plus d’une décennie au Burundi. L’accent est mis sur la complexité du processus démocratique au Burundi d’une part et les tensions socio-politiques en période électorales 2015 comme conséquences d’autre part.
Bien que ce message vous soit personnellement envoyé, il vise aussi à informer la communauté internationale et ainsi attirer l’attention sur des risques conséquents de la situation politique actuelle.

Monsieur le président

Le processus démocratique au Burundi connaît aujourd’hui une étape satisfaisante. Mais cette évolution est très fragile et par conséquent susceptible de s’effondre d’un moment à l’autre. Il n’y a pas besoin de grand-chose pour que les veuilles cicatrices se transforment en nouvelles blessures. Cette fragilité est due aux nombreux problèmes de fond qui rendent très complexe ce processus. L’un des raisons majeures de cette complexité est l’existence même d’un mixte complet de profils d’individus dans la société burundaise.
Le Burundi ayant opté pour la réconciliation, différents profils c’est à dire y compris tous ceux qui étaient, pendant longtemps opposés à la démocratie, de tyrans, des putschistes d’alors, ceux qui ignoraient complètement les règles démocratiques ,ceux qui ont de près ou de loin participé aux actes de tueries, de pillages …, ce sont tous ces mêmes gens qui sont directement ou indirectement impliqués au premier rang de ce processus de réconciliation.
Bref, la démocratie n’étant pas leur culture, elle leur a été imposée par les événements. Ce pendant ces personnalités restent très puissantes dans la société burundaise et gardent toujours l’influence sur l’opinion aussi bien sur le plan national qu’international.
Dès lors, on se tromperait énormément de penser que cette période aussi courte de stabilité politique aurait gommé les agissements antérieurs et que la bataille démocratique et de réconciliation soit gagnée au Burundi.

Monsieur le président

Tout cela démontre bien qu’il est in souhaitable voir sans intérêt d’évoquer l’impunité des actes de guerre civile comme l’entrave à ce processus de démocratisation et de réconciliation.
Et cela pour une raison très simple, qui punirait qui ? Que les choses soient claires, cela ne signifie pas que tous les burundais ont été impliqués dans des actes ignobles.
Au contraire il y a une majorité des burundais de toute ethnie qui, depuis plus d’une décennie œuvrent pour la paix, la réconciliation et la démocratie. Notre choix de réconciliation
ne doit donc pas se confondre à l’impunité comme certains le pensent, mais c’est au contraire le seul moyen possible pour le Burundi de pouvoir sortir par le haut, après plusieurs générations de conflits sociaux ethniques qui ont débouché à une guerre civile. Ce choix peut paraître très choquant dans la mesure où la vérité nous permettrait de reconstruire sur une base solide et c’est justement pour ce devoir de vérité qu’il a été mis en place une Commission mixte de Vérité et de Réconciliation (CVR).
Un certain nombre d’exemples illustrent bien cette complexité de la situation politique burundaise. On peut par exemple citer le fait que le président en exercice a été lui-même, avant les accords d’Arusha ,condamné à mort , avant d’être acquitté une fois arrivé au pouvoir. Toutes ces instances saisies de l’affaire ainsi que d’autres instances implantées à travers le pays, sont amenées à travailler ensemble quitte à faire avancer le processus de réconciliation et surtout renforcer une confiance de la société envers la justice. L’existence des armes toujours en circulation, de bandits armés, sur le territoire national rendent encore plus difficile le contrôle sur le plan sécuritaire.
Des comportements inacceptables de certains agents d’ordre qui ,avant d’être arrêtés ,n’ont pas hésité à tirer à balles réelles sur une population en sanctuaire sur une colline, de la province kayanza, au nord du Burundi, faisant au moins 7 victimes et une trentaine de blessés (Mars 2013). Une population souvent fragile à la manipulation, ne méritait pas tout cela surtout que la question pouvait bien se régler par d’autres moyens de rétablissement d’ordre. Tout cela traduit la nécessité d’aller encore plus loin sur le plan sécuritaire, professionnel, démocratique…

Monsieur le Président

Les tensions socio-politiques actuelles résultent souvent des confrontations entre le gouvernement et l’opposition d’un côté, le gouvernement et les sociétés civiles de l’autre. On a assisté au cours de ces années de processus une nouvelle forme de combat sociopolitique. Une manipulation souterraine des individus invisibles et constituant ainsi un véritable rouleau compresseur auquel l’opinion nationale et internationale ne saurait résister.
Il n’y pas besoin d’être spécialiste pour remarquer la violence, la manipulation, l’influence dissimilées de certains hommes politiques ou non qui, par des différentes méthodes essayent de prendre à témoin l’opinion publique.
Monsieur le président, vous appellerez comment le fait qu’un responsable politique d’opposition, Alexis SINDUHIJE (Président d’un parti politique, MSD ) mobilise ses militants lors des manifestations pour prendre en otage les agents d’ordre public, les dépouiller de leurs armes, avant d’appeler à des négociations avec le gouvernement de leur libération ?N’est-ce pas un acte prémédité qui déverserait huile sur le feu ? Ne savait-il pas les conséquences de ce comportement ? Vous appellerez comment le fait que le même responsable politique menace de licencier un journaliste lors d’une émission en direct (AKABIZI, émission sur une station RPA) parce que ce dernier lui contraint de respecter comme tout le monde les règles de l’émission, une chaine radio dont il est l’un des fondateurs et dont il a été directeur? Une émission qui a été interrompue à cause de son refus à respecter les consignes de celle-
ci. Est-il digne, démocratique de refuser de se conformer aux règles qu’on a soi-même mis en place et surtout pour un opposant politique qui incarne la démocratie ?
C’est très intéressant de voir comment cette violence, cette colère incontrôlables sont passées inaperçues auprès des médias, de la société civile. N’est-ce pas lui qui, de l’exile après des poursuites judiciaires, va ,dans une conférence publique animé en Belgique , dénoncer une influence du pouvoir sur les médias ?Essayer de faire croire à l’opinion qu’il n’est pas parmi ceux qui influencent les médias et surtout après ce qu’il venait de dire sur le plateau, menacer un journaliste de licenciement°(Serges NIBIZI), est tout simplement le mépris du peuple.
Un autre phénomène gênant au processus de réconciliation est aussi ces hommes politiques exilés qui, lorsqu’ils rentrent, adoptent une façon propre de faire la politique, c’est à dire imposer obligatoirement leur volonté sans se soucier des règles en vigueur. Tout cela pour conquérir coute que coute le pouvoir, ce qui affecte forcement la démocratie. Puisque d’un côté, le pouvoir ne peut le permettre, ce qui les pousse à exiler encore et que de l’autre côté, ces récidivistes qui pouvaient pourtant apporter leur contribution, se retrouvent préoccuper, non pas à vouloir faire avancer les choses plutôt à créer les conditions de leurs retours.Ceci n’étant pas bien sur sans conséquences sérieuses car pour créer les conditions favorables de leur retour ils passent par la manipulation, la désinformation de l’opinion, la récupération politique, et toute action pouvant diaboliser et décrédibiliser le pouvoir Les cas de SINDUHIJE Alexis, et de Pancrace CIMPAYE en sont les exemples. Sachant qu’ils étaient rentrés de l’exile en 2010 dans le cadre des élections, ils sont aujourd’hui à l’exile d’où ils ont lancé un appel au gouvernement sur leur envie de rentrer dans le même cadre des élections des 2015. Bien que le gouvernement ait appelé à tous de rentrer, une décision aussi utile que responsable, on se demande s’ils ne nous feront pas le même coup en 2020.
Il est vrai que le chemin de l’exile ne fais pas le bonheur mais la récidivité fait que l’on se pose de profondes questions.
En tout cas si c’est cela leur stratégie politique, en aucun cas elle sera bénéfique pour le Burundi puisqu’elle est de loin décalée des réalités sociopolitiques du pays.

Monsieur le président

Oui la situation est tellement complexe au Burundi que certains médias et sociétés civiles nous présentent aujourd’hui comme fervent défenseur de la démocratie un opposant politique, Manassé NZOBONIMPA ( actuellement en exile) , qui quand il était encore au gouvernement ,s’était exprimé via les médias confirmant la régularité et la transparence des élections de 2010, pour venir déclarer , quelque temps après de l’exile ,via les mêmes médias qu’il détient des preuves de la façon dont ils(lui et le gouvernement) avaient truqué ces élections.
Oui la situation est complexe qu’ils nous présentent aujourd’hui, Hussein RAJABU, ancien président du parti au pouvoir, comme homme providentiel. Lui qui n’a jamais bénéficié d’aucune clémence des médias pendant tout le temps qu’il est resté aux commandes, lui qu’ils ont toujours traité de manipulateur, d’anti démocratique, d’avoir vendu le fameux avion FALCON 50.
Lui qui a été présenté, par ces mêmes médias, comme quelqu’un avec des pratiques dictatoriales, à l’origine de la démission à la deuxième vice-présidence d, Alice NZOMUKUNDA.
Bref, lui qui a été traité par les mêmes médias comme étant l’origine de tous les maux qu’a connus le pays de 2005 à 2007 quand il était encore député et président du CNDD FDD, parti au pouvoir.
Mais pour qui ces médias prennent ils le peuple burundais ? Croient-ils une seconde que le fait de vanter, dans le contexte politique actuel, les individus, démons d’alors, va vraiment laisser les burundais indifferents? Si ceci n’est pas une manipulation pour des fins politiques, qu’est-ce que ça pourrait être ?

Monsieur le président

C’est à la base des faits que la complexité du processus démocratique au Burundi est mise en évidence. Des déclarations inquiétantes se multiplient ces derniers temps, venant souvent de l’opposition politique et des individualités influentes dans la société burundaise. La situation est d’autant inquiétante que certaines personnalités, pour préserver leurs intérêts, sont prêtes à tout. Les récentes interventions de Maitre Rufyikiri Isidore , accusant les collaborateurs du président NDADAYE Melchior , les frodebustes ,d’avoir planifié le génocide des Tutsi à l’insu du président( lors d’une émission sur une radio RPA). Ces accusations sont non seulement choquantes mais elles bénéficient d’un écho au sein de la société burundaise.
Pour le rappel des faits, NDADAYE Melchior est le premier président démocratiquement élu en 1993, puis assassinées 3mois plus tard par une junte politico-militaire, ce qui a déclenché une guerre civile d’une décennie. On rappelle que ce groupe putschiste n’a jamais été inquiété et qu’elle reste directement ou indirectement influente au processus de démocratisation.
Il faut donc voir dans de tels propos, tenus dans le contexte politique actuel, un acte irresponsable, dangereux pour la société et à visées politiques. Ces propos ne sont sans impact surtout qu’ils émanent d’un bâtonnier du barreau, actuellement sous contrôle judiciaire, fervent opposant comme les Frodebustes(des génocidaires selon lui), à la candidature du président NKURUNZIZA.

Monsieur le président

Qui pourrait aujourd’hui se lever et dire qu’il n’y a pas eu de progrès démocratiques et de réconciliation au Burundi?
Le Burundi est quand même un pays où on peut aujourd’hui exprimer ses idées, même si gênantes, s’opposer, sans être inquiété. Tous les efforts sont toujours à en encourager. Tout le monde sait que la démocratie est un processus, qu’elle s’apprend et qu’elle a parfois besoin d’être imposée. Le Burundi est aujourd’hui un pays où le peuple peut se lever, manifester son opposition, où des journalistes, des activistes et autres peuvent être emprisonnés , où ces derniers peuvent aussi bénéficier des soutiens qui dénoncent l’injustice et ainsi peuvent être libérés(libération du journaliste Ruvakuki, Bob ). Ça c’est une grande chose.
Une évolution importante qui n’était pas envisageable il y a quelques temps.
Le Burundi est aujourd’hui un pays où les autorités ne restent pas toujours campées sur leurs décisions, parfois moins bonnes.
A un certain moment on dit qu’il n’y a pas de fumée sans feux mais si on regarde bien, on verra qu’au Burundi le feu vient de partout.
Il y a là tout un effort et un travail à faire de la part de chacun (population, autorités, associations et société civiles, medias…)
En fin, le Burundi c’est un pays où on peut exercer ses activités politiques tranquillement, du moins quand on veut respecter les règles. Et parler aujourd’hui de la dictature au Burundi comme quelques individus le laissent entendre, c’est de la mauvaise foi, c’est méconnaître le progrès, méconnaitre la réconciliation, méconnaitre la démocratie et l’histoire du Burundi, c’est mépriser le peuple et cela reviendrait tout simplement à un déni de réalité qui pourrait s’avérer très dangereux.

Monsieur le président

L’inquiétude porte aussi sur des tensions politiques qui deviennent de plus en plus nombreuses au sein de la société burundaise à l’approche des élections. Ces tensions sont en fait le corollaire direct de la complexité du processus démocratique et de réconciliation évoqué précédemment. Les différentes interventions nationales et internationales traduisent l’existence de ces tensions. C’est le cas de la communauté catholique burundaise, l’association des Elders fondé, par Nelson Mandela, et diverses personnalités. Plusieurs attitudes au sein de la société burundaise et surtout des classes représentatives de la société sont symptomatiques d’un risque qui mettrait en péril les bases de réconciliation et de démocratie existantes. La prochaine visite au Burundi d’une délégation du conseil de sécurité s’inscrit dans le cadre de la mission d’observation pour aider le pays au processus électoral.
Ces élections prévues au mois de mai 2015 font objets de divisions et l’un des causes des tensions sociopolitiques actuelles.
La grande question qui soulève autant de controverses est celle de la possible candidature du président NKURUNZIZA.

Monsieur le président

A entendre ce qui se dit à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, on pourrait penser que ce sont les opposants à cette candidature, qui auraient seuls les idées à faire valoir. Ces derniers sont devenus audibles partout parce qu’ils bénéficient d’un soutien médiatique important d’une part et d’un soutien important de certaines organisations et sociétés civiles dont la partialité ne fait aucun doute d’autre part.
Mais la réalité en est autre, c’est à dire qu’il existe une partie de la société, même si elle mène un combat inégalitaire sur le plan médiatique et représentatif, qui a lui aussi des arguments à faire valoir.
Deux camp s’affrontent donc pour ou contre le fameux « 3e Mandat ». La nature de ces affrontements (médiatiques, menaces, discours,…) laisse penser qu’ils pourraient se traduire prochainement en actes violents dont on ne saurait maintenant mesurer les conséquences. L’origine des désaccords réside dans deux articles des deux textes fondamentaux qui régissent le fonctionnement politique du pays à savoir l’accord d’Arusha (art 302) et la constitution burundaise (art 96).
Selon l’art 302 de l’accord d’Arusha, le mandat du président est limité à deux de cinq ans chacun sans se prononcer sur le mode de scrutin.
Selon l’article 96 de la constitution, le mandat du président est limité à deux de cinq ans chacun tout en précisant que le président devra être élu au suffrage universel direct.
On rappelle que le suffrage universel ayant conduit l’élection du président en 2005 n’a pas été direct. Ce qui laisse selon la constitution la possibilité au président un autre mandant.
Toutes les interventions peu importe d’où qu’elles viennent (personnalités, communautés nationales et internationales, les pro gouvernement et les opposants) s’accordent au moins sur cette dernière constatation c’est à dire la possibilité d’un 3e mandat selon la constitution.
Le conflit oppose donc une partie qui se prévoit l’application de l’accord d’Arusha à une autre partie demandant l’application de la constitution. On est donc en face d’un problème politique qui fait appel au principe d, hiérarchie des normes, tel que théorisé par Hans Kelsen (1881-1973). La constitution burundaise ayant été élaboré par des burundais sur fondement de l’accord d’Arusha, ce qui veut dire que la constitution a tenu compte de l’accord d’Arusha, tout en précisant le mode de scrutin qui doit être associé à ces deux mandat du président. Le fait que cet accord d’Arusha soit le fondement de la constitution burundaise permettrait de lui conférer seulement une valeur constitutionnelle mais pas une primauté sur la constitution.
En l’occurrence et selon ce principe d’hiérarchie des normes, la constitution est PRIMAIRE et c’est cette PRIMAUTE qui assure l’homogénéité du droit national burundais.
Donc, le président est bel bien éligible en 2015 et cela est vécu comme tel par un nombre important des burundais.
En fait, il y a souvent eu, et vous le savez bien plus que moi, des conflits du genre dans d’autres pays. C’est pourquoi il a été mis en place un mécanisme d’arbitrage qu’est le conseil constitutionnel. La constitution burundaise n’échappe pas à cette règle, elle a prévu à cette fin un conseil constitutionnel mais le problème reste le même, celui de la complexité de notre situation sociopolitique.
Dans un pays où la démocratie est complètement solide, cette question de #troisième mandat # ne devrait pas faire peur au point de menacer la paix et la sécurité nationale et par conséquent mobiliser une telle attention nationale et internationale. Il aurait fallu tout simplement saisir le conseil constitutionnel. Mais comme on n’en est pas encore là (processus de démocratisation et de réconciliation) .L’un des défis majeurs est le rétablissement de la confiance des acteurs tels les sociétés civiles, les médias, les syndicats, organisations privées face aux institutions publiques et vice versa.
Ce manque de confiance s’illustre bien dans des déclarations, les débats politiques, discours publics…
Les exemples sont nombreux, il conviendrait d’en citer quelques-uns. Le ministre de l’intérieur qui a dit « certaines associations civiles qui se comportent comme de partis politiques ».
Plusieurs individualités qui dénoncent certains médias de rouler pour l, opposition. Le président de l’APRODH ,MBONIPA qui dit à propos des autres associations civiles lors d’un débat public, « #les NOUVELLES# associations civiles ne sont pas des vraies » et sous-entend que les nouvelles sociétés civiles rouleraient pour le pouvoir et que seules les anciennes le seraient. Certains médias qui s’accusent mutuellement d’être pro ou anti gouvernemental (RPA vs REMA FM).
Les opposants politiques, certaines sociétés civiles, le bâtonnier du barreau de Bujumbura disent à propos du conseil constitutionnel « ce serait naïf de croire au Conseil constitutionnel qui roule pour le pouvoir ». Etc… On remarque aussi qu’une partie de la population ne leur fait non plus confiance (majorité gouvernementale issue des élections de 2010 qui est favorable à ce mandat).
Mais ils essayent malheureusement, par tous les moyens de faire croire qu’ils sont les seuls à détenir la vérité.
Voilà ce qui traduit une fois de plus la complexité du processus démocratique c’est à dire l’existence des enjeux très variés et que en l’occurrence le #3e mandat # n’est qu’un argument comme tant d’autres à faire valoir.

Monsieur le président

Face à ce défi électoral des burundais, quel est la place du peuple burundais souverain ?
Aujourd’hui, les tensions politiques sont une réalité et de plus en plus de profils se présentent en hommes providentiels. Ils échouent à se rassembler sur un projet de société commun et prétendent rassembler tous les burundais. Il nous est difficile à croire comment un responsable politique qui échoue à rassembler son parti réussirait à rassembler tous les burundais.
Les opposants, certaines associations civiles opposées au #3e mandat# menacent déjà des actions d’insurrection. Sûrement que le gouvernement, au nom de l’ordre public, ne tardera à réagir. Ceux qui soutiennent la candidature ne vont pas non plus se laisser faire et tout le monde s’imagine bien les conséquences de cette situation.
Le Burundi a vécu des périodes très moches, des milliers d’enfants, de femmes, d’hommes, ont péri dans la guerre civile, suite à la barbarie humaine. Et pourtant l’humanité et le Burundi en l’occurrence n’aurait pas besoin de vivre de telles expériences pour prendre en fin conscience. On se revendique tous des représentants du peuple mais sommes-nous réellement les représentants du peuple ?

Monsieur le président

Dans une telle situation et pour une si importante question concernant le cœur même du destin du pays, il est à chaque fois très indispensable de se retourner contre le peuple afin qu’il exprime directement sa souveraineté.
Le REFERENDUM, expression de souveraineté que le peuple exercé directement, constituerait en l’occurrence l’une des solutions à cette crise sociopolitique. Mais leur mauvaise volonté politique fait que personne parmi les opposant à ce mandat n’a jusqu’ici évoquer cette issu. Quand on sait le nombre d’armes toujours en circulation dans la société burundaise, ce qui rend difficile la maitrise de la sécurité même en temps normal, ce serait suicidaire d’envisager la rue comme solution. On, est donc totalement opposé à cette dernière façon de faire qui ne ferait que mettre l’huile sur le feu.
On est persuadé que seul le recours à l’une de ces deux méthodes(le Conseil Constitutionnel ou le Référendum) permettra de trouver une solution politique adéquate et ainsi permettre la préservation des bases de réconciliation et de démocratie déjà posées.
Tous les acteurs de la société burundaise doivent savoir que le Burundi est pour tous et que tous ne pourrons JAMAIS voir les choses de la même manière.
Partant de ce principe fondamental, nos différences canalisées dans le bon sens constitueront une richesse dont on pourra tous jouir. Ce bon sens n’est rien d’autres que le respect, par tous les acteurs, des droits de l’homme et de libertés individuelles et des règles démocratiques.
En définitive, le niveau atteint de réconciliation et de démocratisation est aujourd’hui satisfaisant mais pas suffisant tels qu’il est souhaité par beaucoup de burundais. Il est le résultant des efforts de nombreux burundais qui, malgré les difficultés majeures, constituent tous ensembles, un formidable vecteur d’accélération de l’évolution de ce processus. La preuve est que l’on vient de vivre plus d’une décennie, de paix, de stabilité politique et sécuritaire sans précédent.
Il est donc aujourd’hui et plus que jamais important que la communauté nationale se mobilise et que la communauté internationale de son coté, redouble d’efforts pour soutenir le Burundi dans ce processus.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le président de la république, l’expression de ma très haute considération.

CPI Par Félix MAZAMBO
Le 10 mars 2015 à Trondheim

Président des États Unis
Secrétaire général des Nations Unis