Toute mort d’homme dans ces manifestations est une perte de trop. Et qui va en répondre? Quand un policier a abattu Nepo à Ngagara, toutes les âmes sensibles ont protesté et réclamé justice. Quand un policier a ôté la vie à un militaire à Musaga, toutes les âmes sensibles ont protesté et réclamé justice. Mais quand un ressortissant congolais a été abattu par les manifestants, ce fut le silence sinon une joie contenue pour qu’elle n’explose. Quand les manifestants ont torturé un franco-burundais, ce fut des cris de victoire. Pour ces deux cas, les manifestants clamaient un droit de tuer les Imbonerakure.
Ces jeunes affiliés au Parti CNDD-FDD ont été diabolisés et quand ils sont lynchés, l’opinion nationale et internationale détourne son regard. Des scènes qui rappellent les images de 1994 quand dans une partie de la ville on brûlait des gens vifs en criant qu’il ne s’agissait que des « ibor »! La même stratégie à été utilisée au Rwanda dans la même période: quand les Interahamwe egorgeaient des Tutsis, ils disaient écraser des « Inyenzi » ou cancrelats.
La barbarie sans nom qui a eu lieu à Nyakabiga était donc préparée. Les médias locaux et internationaux ont tout fait pour diaboliser les Imbonerakure. Alors que les manifestants brûlaient des pneus, erigeaient des barricades, lançaient des pierres sur les policiers et parfois tiraient à balles réelles, les médias alertaient sur un danger tout autre: des Imbonerakure! Et ce qui devait arriver, arrive. Ceux qui ont appelé ces manifestants à paralyser la ville se terrent pourtant. Les diplomates occidentaux et africains appelés à se rendre sur place boudent le spectacle macabre. Dans le silence et la désillusion, il y a des « mea culpa ».
Quatre membres du gouvernement se sont rendus sur place à Nyakabiga. Ils ont dénoncé la barbarie et ces démons du passé. Le ministre de la défense, celui de l’intérieur, celui de la sécurité publique et celui des relations extérieures se sont rendus sur le lieu de l’innommable. Pour faire bonne figure? Est-ce un aveu d’impuissance? Est-ce un tournant dans cette crise? Quand on note que l’armée, lorsqu’elle s’est interposée, elle a pu tirer des griffes des manifestants un autre jeune non armé et tout saignant, l’on comprend que seule la volonté manque pour stopper ces folies.
Un homme a été brûlé vif ce jeudi 7 mai 2015 à Nyakabiga par des manifestants qui disent défendre la légalité. Ce n’est pas un Imbonerakure armé et enragé qu’on a vu sa consumer sous les cris de joie des manifestants. C’est un Burundais comme ses bourreaux. Hélas, il a été lynché en toute impunité. Sa famille pleure son enfant. Comme pleure encore la famille de Nepo. Comme pleure la veuve du militaire tué à Musaga. Comme souffrent toutes les familles qui ont perdu quelque être cher dans cette crise. Toutes ces morts de trop, pourquoi? Pour une révolution qui cherche à enlever au peuple burundais le dernier mot sur le choix de ses dirigeants. Qu’on arrête de mentir sur le mandat. Qu’on arrête de prendre les Burundais pour des dupes: ces manifestations sont une stratégie visant à couper les racines du CNDD-FDD en lui privant de sa jeunesse. Où est-il passé ce parti qui, il y a quelques semaines, organisait dans la ville une démonstration de force avec des slogans « tuzobamesa »? Nettoyeurs!
Les manifestants, essentiellement des jeunes, ont vu deux des leurs succomber sous les éclats d’une grenade lancée à Cibitoke. Nous pensons à ces victimes et à tous les blessés. Nous devons condamner cette barbarie. Il faut noter cependant que les manifestants se sont arrogés le droit d’organiser une fouille perquisition au domicile des gens qu’ils ont accusé d’avoir lancé la grenade. Un État dans un autre Etat? La police a laissé faire. Pourquoi? Parce que les suspects étaient taxés ou connus comme hostiles aux manifestations. Il suffisait aux manifestants de dire que c’étaient des Imbonerakure pour tout absoudre.
Les services techniques municipaux (SETEMU) seraient dirigés par un jeune affilié au Parti CNDD-FDD. Les gens non encore identifiés ont sauté la clôture de cet établissement et sont allés brûler les camions offerts par le Japon. Ces camions aident dans les travaux l’intérêt public. Du côté de Musaga, un minibus de transport en commun a été brûlé. Les manifestants ont crié victoire car le véhicule aidait les petites gens à se rendre au travail. Une fourgonnette qui approvisionnait les quartiers de Kinindo, Kanyosha et Kibenga à été incendiée. Les manifestants ont jubilé: car ils visent à mettre l’économie à genoux. Manifestations pacifiques, honorable Ntibantunganya?
Un jeune burundais a été brûlé à Musaga. Contrairement au militaire tué à Musaga, les coupables n’ont pas été arrêtés. Ils sont libres et vont rapidement quitter le pays pour demander asile au Rwanda. Le gouvernement appelle les jeunes affiliés au parti CNDD-FDD à ne pas chercher à se venger. Facile à dire. Ce qu’il faut demander à ce gouvernement plutôt, c’est de ramener la paix dans les quartiers de Bujumbura. Le président de la république a fait des promesses dans son message à la nation de ce mercredi 6 mai 2015. Sait-il encore se faire respecter des forces de défense et de sécurité? Qu’il le prouve maintenant. Il faut que ces démons de 1994 soient chassés du pays. Au nom de toutes les victimes de ces barbaries, disons non à la violence.
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