Rwanda – Paul Barril, ex-gendarme de l’Élysée : « Kagame craint toujours mes révélations

Source: lepoint.fr

À 67 ans, alors qu’on le dit malade, Paul Barril, membre de la cellule antiterroriste de l’Élysée sous le premier septennat de François Mitterrand, n’a apparemment rien perdu de son assurance. « Si Paul Kagame s’en prend à la France pour les commémorations du 20e anniversaire du génocide rwandais, c’est qu’il est au courant de la sortie de mon livre, Le capitaine Barril brise le silence, lâche-t-il, sans modestie. C’est un président très affaibli, lâché par les Tutsi. Il sait que plusieurs de ses anciens proches collaborateurs, aujourd’hui en exil, me rencontrent. »

Alors qu’il est lui-même visé par deux instructions liées au génocide rwandais, Paul Barril ne cesse de répéter que Paul Kagame est l’instigateur de l’attentat qui a coûté la vie, le 6 avril 1994, au président rwandais Juvénal Habyarimana, et à son homologue du Burundi, Cyprien Ntaryamira. Leur avion, un Falcon 50, a été abattu par deux missiles qui auraient été tirés, selon Paul Barril, par le Front patriotique rwandais (FPR). « Si je n’avais pas déposé une plainte, il n’y aurait pas eu d’enquête sur cet attentat de la part de la France. Alors qu’il y avait trois Français dans l’appareil : le pilote, le copilote et un mécanicien. Le lendemain, deux adjudants-chefs de la gendarmerie et leurs épouses ont également été tués », s’insurge le capitaine Barril.

L’homme, qui vivrait entre Londres, Doha et Dubai, ne parle pas de « génocide », mais de « massacre », dont les précurseurs seraient les Tutsi, coupables d’avoir assassiné en octobre 1993 le président du Burundi et massacré 100 000 Hutu. « Un crime de masse passé aux oubliettes de l’histoire. Les Hutu du Rwanda, terrorisés, pensaient que le même sort les attendait s’ils ne réagissaient pas. Ils ont tué avant qu’on ne les tue. » Interview.

Le Point.fr : Comment avez-vous rencontré Paul Kagame en 1993 ?

Paul Barril : J’avais reçu pour mission, de la part de François de Grossouvre, le conseiller de François Mitterrand, d’infiltrer le FPR. C’est dans ce cadre que je me suis entretenu en septembre 1993 à Paris avec Paul Kagame. Il voulait se procurer des télécommandes pour faire exploser des charges à distance ! C’est un homme très intelligent, mais un manipulateur. Avant de revenir au Rwanda, il était chef des services secrets d’Ouganda. L’attentat a eu lieu le 6 avril 1994 et François de Grossouvre est mort le lendemain, le 7 avril, d’une balle dans la tête dans son bureau de l’Élysée.

Malgré tout, quand on évoque le génocide, votre nom y est souvent associé. Il existe même une plainte contre vous pour « complicité de génocide ».

On a prétendu que j’étais au Rwanda en avril 1994. C’est faux, j’étais alors à New York. On prétend aussi que j’aurais livré des armes aux Hutu. Faux également, j’en apporte la preuve dans mon livre. J’ai été perquisitionné à quatre reprises. En fait, le juge antiterroriste Marc Trévidic, en charge de l’enquête sur l’attentat, m’a dans le collimateur, car il considère que j’appartiens au clan de son prédécesseur, le juge Jean-Louis Bruguière. Et Trévidic veut « tuer » Bruguière.

Vous déclarez que Paul Kagame « se planque » derrière le génocide. Mais, quelles que soient ses responsabilités, il y a bien eu 800 000 morts.

Je ne conteste pas ce massacre, mais je considère que Paul Kagame est l’homme qui est à l’origine de ce drame atroce. Il faut garder en mémoire que l’armée ougandaise, assistée par des rebelles tutsi, a attaqué par surprise le Rwanda en octobre 1990. Après l’échec de cette offensive, grâce à l’intervention de l’armée française, le FPR n’a jamais cessé d’exacerber les tensions entre Hutu et Tutsi : assassinats, enlèvements, attentats à la bombe, massacres dans les églises. Enfin, n’oubliez pas que les Hutu, anciens esclaves des Tutsi, en ont une peur viscérale. Seule la France s’est impliquée pour limiter le carnage. Elle n’a pas à rougir de son action, contrairement aux Américains et aux Anglais, qui soutenaient le FPR.